Il n'est pas possible de rompre sèchement des pourparlers. Cette rupture est source de responsabilité. Non pas qu'on soit obligé de contracter, mais parce qu'il n'est pas possible de rompre sans aucun motif légitime et sans délai, et sans préavis raisonnable. La jurisprudence a toujours été plus ou moins incertaine à ce sujet. La Chambre commerciale de la Cour de Cassation dans un arrêt du 26 novembre 2003 rend une décision capitale sur le préjudice réparable, mais également sur la responsabilité engagée ou non du tiers contractant.
En l'espèce, la société Alain Manoukian a engagé avec les consorts X… et Y… des négociations et des pourparlers au printemps de l'année 1997 en vue de la cession d'actions composant le capital de leur société Stuck. Après un temps d'échanges dont un projet d'accord qui devait être réalisé le 10 octobre 1997, la société Alain Manoukian a appris que les consorts X… et Y… avaient fait une promesse de cession des actions de leur société à la société Les complices qui semblait être au courant des projets d'accord entre ces deux sociétés.
[...] La réparation du préjudice de la rupture brutale des pourparlers Dans sa solution, la Cour de cassation précise qu'elle est l'étendue du préjudice réparé. Dans l'arrêt du 26 novembre 2003, la Chambre commerciale a admis l'indemnisation du préjudice causé par la rupture fautive mais a refusé d'indemniser la perte d'une chance de conclure le contrat Refus d'indemnisation d'une perte de chance de conclure un contrat L'arrêt du 26 novembre 2003 considère que l'absence d'accord ferme et définitif n'implique pas la réparation du préjudice de la perte d'une chance. [...]
[...] Un second pourvoi par la société Alain Manoukian qui forme un pourvoi en cassation aux motifs que le dédommagement est insuffisant par rapport au contrat qui aurait dû être conclu et qui aurait certainement engendré un certain nombre de gains, et qui critique la mise hors de cause de la société Les Complices alors qu'elle a eu un comportement fautif en étant complice de la rupture brutale des pourparlers. Même si le problème central est celui de la rupture des pourparlers, trois questions se posent au profit des trois problèmes. [...]
[...] La haute juridiction répond par la négative sauf si le fait de contracter est dicté par l'intention de nuire ou s'accompagne de manœuvres frauduleuses. L'arrêt du 26 novembre 2003 est un arrêt de rejet même s'il précise le régime applicable aux ruptures fautives des pourparlers, qu'il pose le principe de l'engagement de la responsabilité délictuelle du fautif dans la rupture des pourparlers et qu'il délimite les modalités de la réparation du préjudice en posant le principe de l'absence de la responsabilité du tiers contractant. [...]
[...] En effet, ce critère est important, car il permet de comprendre quelle est la faute reprochée. Dans l'arrêt du 26 novembre 2003, la faute repose sur le fait que les consorts X et Y ont laissé croire à la société Alain Manoukian qu'ils voulaient encore signer le contrat et la rupture imprévisible des pourparlers les constituent de mauvaise de foi et engage donc leur responsabilité. Il convient d'ajouter que certes les négociations parallèles ne sont pas interdites au nom de la liberté de contracter, mais qu'elles constituent quand même une preuve de la faute de déloyauté notamment parce que les actionnaires de la société Stuck avaient, à la même époque, conduit des négociations parallèles avec la société Les complices et conclu avec cette dernière un accord dont ils n'avaient informé la société Alain Manoukian que quatorze jours après la signature de celui-ci, tout en continuant à lui laisser croire que seule l'absence de l'expert-comptable de la société retardait la signature du protocole L'arrêt n'est cependant pas novateur à ce sujet et le plus intéressant repose sur l'engagement du tiers contractant et le principe que formule la Cour de cassation. [...]
[...] La Cour de cassation s'accorde pour dire que la réparation des pertes engendrées par la société Alain Manoukian est nécessaire. Parmi les frais engagés, il est important de souligner l'acte de concurrence déloyale commis par les consorts X et Y en s'attribuant le droit de contracter avec deux sociétés en même temps et ne mettant que l'une d'elles au courant. Cela a pour conséquence que le négociateur victime de la rupture brutale des pourparlers, ici la société Alain Manoukian, a perdu l'occasion de conclure un contrat et perd alors sa chance d'en voir les bénéfices futurs. [...]
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