La loi NRE du 15 mai 2001 est à l'origine d'une révolution en matière d'arbitrage. En remplaçant l'article 2061 du Code civil par un nouvel article posant le principe de validité des clauses compromissoires, c'est tout le droit de l'arbitrage qui s'est ému. La meilleure illustration en est la disparition des articles spécifiques, du Code de commerce notamment, qui autorisaient la clause compromissoire dans des domaines restreints. Le nouvel article a pour effet principal d'élargir considérablement le champ de l'arbitrage, rendant obsolètes ces dispositions spécifiques. Mais cette réforme a aussi soulevé des interrogations qui n'ont pas tardé à trouver leur concrétisation en jurisprudence, comme dans l'arrêt de la première Chambre civile du 22 novembre 2005.
En l'espèce, un contrat de collaboration entre un avocat et une SCP d'avocats était arrivé à son terme avant 2001. Ce contrat contenait une clause compromissoire. L'avocat, réclamant le paiement de diverses sommes au titre notamment d'une rétrocession d'honoraires, assigne la SCP après 2001.
Pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la SCP, la Cour d'appel d'Angers retient que la clause d'arbitrage insérée au contrat ne pouvait être invoquée dès lors que le Bâtonnier avait, dans une lettre du 8 septembre 1999, souligné que cette clause était nulle et que la SCP n'avait pas discuté la pertinence de son avis ni l'exclusion implicite de cette clause lors de l'homologation du contrat de collaboration. Un pourvoi est formé.
La Cour de cassation se trouvait donc (une nouvelle fois) devant le problème de la validité d'une clause au regard de la loi du 15 mai 2001. Devait-elle considérer comme valide une clause nulle au regard du droit antérieur dès lors que celle-ci remplissait les conditions de validité posées par la loi nouvelle ?
La première Chambre civile choisit, dans cette décision du 22 novembre 2005, de valider la clause, au visa de l'article 2061 nouveau, en énonçant « qu'aux termes de ce texte, en sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001, sous réserve des dispositions législatives particulières, la clause compromissoire est valable dans les contrats conclus en raison d'une activité professionnelle ; qu'il en résulte qu'une telle clause, stipulée dans de tels contrats, nulle sous l'empire du texte antérieur, peut être invoquée à l'occasion d'un litige portant sur l'exécution de ces contrats, peu important, à cet égard, qu'ils aient ou non pris fin avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle ». Par cet attendu de principe, elle censure l'arrêt d'appel en reprochant aux juges d'Angers d'avoir statué ainsi qu'ils l'on fait et violé l'article 2061, alors que la clause était valable et devait être mise en œuvre.
Si cette solution, « ce miracle de la résurrection » selon D. Bureau, peut être approuvée au regard de la protection qu'elle apporte à l'arbitrage et des conséquences de la réforme de 2001 en matière de clause compromissoire (I, B), elle doit toutefois être nuancée, notamment en ce que son fondement, s'il peut se justifier (II, A) n'est pas sans poser quelques questions (II, B).
[...] Jarrosson (Le nouvel essor de la clause compromissoire après la loi du 15 mai 2001, in JCP E 2001, p. 1371) avait, dès 2001 et l'adoption de la loi NRE, prévu des difficultés d'application, notamment dans le temps. Il préconisait déjà l'application immédiate de l'article 2061 nouveau, permettant ainsi d'éviter à une même clause d'être traitée de façon différente selon la date de sa conclusion. Et il concluait, le nouvel article 2061 appellera inéluctablement un certain nombre de précisions jurisprudentielles C'est chose faite, exception faite que le débat s'est déplacé de l'immédiateté de l'application du nouvel article 2061 à sa rétroactivité. [...]
[...] Un droit mal acquis ne devient pas bien acquis toujours selon M. Cornut, à moins que le législateur ne le décide expressément, ce qui n'était pas le cas en l'espèce. Enfin, le débat sur la nature processuelle de la clause compromissoire reste ouvert en raison de la nature duale de cette dernière. En effet, elle est tant contractuelle que procédurale, et en fonction de la primauté que l'on souhaite accorder à l'une ou l'autre de ces natures, les règles d'application seront différentes. [...]
[...] Ils suivaient par là un arrêt rendu par la Chambre commerciale le 2 juillet 2002. La solution de la première Chambre civile s'élève, selon une habitude bien connue, contre celle de la Chambre commerciale de façon diamétralement opposée Les conséquences de la réforme du 15 mai 2001 en matière de clause compromissoire La loi NRE du 15 mai 2001, en instituant le nouvel article 2061 du Code civil, consacre la validité de principe des clauses compromissoires en même temps que l'inutilité de l'ancien article 631 du Code de commerce. [...]
[...] Une solution favorable à l'arbitrage 1 Le principe ancien de la validité des clauses compromissoires Faisant écho au célèbre arrêt Prunier de la Chambre civile de la Cour de cassation en date du 10 juillet 1843, l'article 2061 ancien du Code civil, issu de la loi du 5 juillet 1972, proclamait la nullité de principe des clauses compromissoires, à moins que la loi n'en dispose autrement. Il en était notamment ainsi en matière internationale et commerciale où la clause compromissoire était valable entre commerçants en vertu de l'article 631, alinéa 1er du Code de commerce (loi du 31 décembre 1925, abrogé par la loi de 2001). De même, avant 2001, les clauses compromissoires étaient valides dans les statuts des sociétés d'exercice libéral (art. L. 631-1 C. com., Loi du 31 décembre 1990, actuellement art. [...]
[...] Mais, puisque le miracle est juridique, il aurait tout de même été plaisant d'avoir un semblant de motivation ? Ou considérer avec ces auteurs que la Cour de cassation s'est posée, en jugeant ainsi sans fournir d'explication juridique à l'appui de sa décision, en législateur, ce dernier n'ayant en effet pas de motivation à donner lorsqu'il pose une règle dérogatoire au droit en vigueur ? La solution paraît pourtant bonne, il est simplement regrettable que la première Chambre civile n'ait pas étayé son fondement afin de faire cesser les débats sur cette fragile construction juridique. [...]
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