Chronopost, commentaire, arrêt, cause
« Le contrat est l'affaire des parties. (…) Ce n'est pas la chose du juge. » Cette citation du professeur Delebecque peut être critiquée au vue de l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de Cassation le 22 octobre 1996. Le juge s'est en effet permis, à cette occasion, une grande intrusion dans la loi des parties.
Dans cette affaire, la société Banchereau avait confié à la société Chronopost deux plis contenant une soumission à une adjudication avec obligation pour cette dernière de livrer les plis le lendemain avant midi à la société SFMI. La société Chronopost n'a pas respecté son engagement, les plis arrivant à destination après la date convenue.
Banchereau, société soumissionnaire ayant perdu toute chance d'être choisi, a alors assigné Chronopost en réparation du préjudice subi. Pour sa défense, Chronopost a invoqué une clause du contrat limitant l'indemnisation du retard au prix du transport.
[...] En effet, la législation sur les clauses abusives (article L.132-1 du Code de la consommation) ne s'applique pas aux relations entre professionnels. La Chambre commerciale a donc été contrainte de trouver une solution dans le droit commun et la cause a servi de fondement à cette solution. Or, en matière d'absence de cause (article 1131 du Code civil), la sanction normale est la nullité relative prescriptible par cinq ans comme l'a rappelé la 1ére Chambre civile le 20 février 2001. [...]
[...] Néanmoins, la jurisprudence récente de la Cour de cassation tend vers un retour en arrière. La Cour de cassation semble vouloir dire que la cause ne saurait servir d'instrument pour lutter contre le déséquilibre contractuel. Ainsi, dans un arrêt de la 1ére Chambre civile rendue le 11 décembre 2008, elle affirme que le défaut de cause ne saurait servir de fondement à un contrôle de proportionnalité des prestations. De même le 9 juin 2009, la Chambre commerciale énonce que la cause de l'obligation d'une partie à un contrat synallagmatique réside dans l'obligation contractée par l'autre La jurisprudence récente met donc fin au processus de subjectivisation de la cause. [...]
[...] Tout d'abord, les rédacteurs de l'avant-projet Catala semblent favorables à l'arrêt Chronopost puisqu'ils en ont repris presque textuellement la solution. Ainsi, l'art 1125 alinéas 2 de ce texte prévoit est réputée non écrite toute clause inconciliable avec la réalité de la cause Toutefois, de nombreux auteurs ont souligné le risque de judiciarisation du contrat. On laisse au juge l'opportunité d'apprécier concrètement le contrat alors même qu'en vertu de l'art 1134, le juge est tenu par la loi des parties. De même, pour certains auteurs, cette jurisprudence permet au juge de remettre en cause des contrats régulièrement conclus ; ce qui pourrait conduire à un risque d'instabilité contractuelle. [...]
[...] La nullité partielle de l'acte, sanction proposée par cet arrêt, semble être une solution avantageuse, novatrice et particulièrement adaptée à la situation, à tel point qu'elle a été reprise presque textuellement dans le projet de réforme du Droit des Obligations. Néanmoins, de manière générale, on observe un retour en arrière de la jurisprudence de la Cour de cassation qui traduit une appréciation plus objective de la cause. [...]
[...] Plus largement, la cohérence du contenu contractuel est-elle une condition de validité du contrat ? Au regard de l'arrêt rendu par la Chambre commerciale le 22 octobre 1996, il semblerait que la réponse soit positive. Le juge va se servir de la cause pour contrôler le contenu du contrat, passant ainsi d'une conception objective à une conception plus subjective de la cause Se faisant, il va développer une jurisprudence audacieuse (notamment concernant la sanction de l'absence de cause), mais néanmoins critiquable (II). [...]
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