Ripert affirmait que si la liberté contractuelle « aboutissait à l'exploitation injuste des faibles par les forts il faut la briser ».
L'arrêt rendu par la chambre commerciale de la cour de cassation le 15 janvier 2002 illustre une application, visant à rétablir l'équilibre contractuel, de la théorie de l'abus de droit dans la fixation unilatérale des conditions générales de vente.
Les faits de l'espèce étaient les suivants : la société d'exploitation du Garage Schouwer, concessionnaire, a conclu un contrat de concession automobile comportant une clause de distribution exclusive de la marque Mazda, avec la société France Motors, concédant. Celui-ci confronté à une diminution importante de ses ventes, décida en 1993 de modifier unilatéralement les conditions de vente et parallèlement il distribua des dividendes à ses actionnaires.
Le Garage Schouwer, fragilisé par la crise a été mis en liquidation judiciaire en 1995. Ce dernier a assigné son concédant en paiement de dommages et intérêt car il l'estime responsable de ses difficultés financières. Il lui reproche d'une part d'avoir abusé de son droit de fixer unilatéralement les conditions de vente et d'autre part d'avoir abusivement refusé de déroger à la clause d'exclusivité.
La cour d'appel de Paris a fait droit à sa demande en retenant l'existence d'un abus de la part de la société France Motors aux motifs que celle-ci a ‘‘imposé à ses concessionnaires des conditions financières abusives'' et ‘‘aurait dû consacrer en ‘aides' aux concessionnaires les sommes distribuées aux actionnaires…''.
La société France Motors a formé un pourvoi et reproche à la cour d'appel d'avoir violé d'une part l'article 1382 du code civil en ne s'expliquant pas sur le moyen que l'intérêt du concessionnaire était de disposer d'un réseau de concessionnaire performants et que la société France Motors avait subi seule la hausse du yen pendant un an et d'autre part d'avoir violé l'article 1134 du code civil. En d'autres termes, le concédant remet en cause sa responsabilité délictuelle et invoque sa bonne foi dans l'exécution du contrat.
La cour de cassation est donc saisie de la question de savoir s'il y a eu un abus de la part du concédant dans la fixation unilatérale des conditions de vente.
La cour de cassation a rejeté le pourvoi aux motifs que la société France Motors n'ayant pas consacré le montant des dividendes qu'elle avait distribué en aides à son concessionnaire, avait abusé de son droit de fixer unilatéralement les conditions de vente et que la cour d'appel a estimé qu'il n'était pas établi que le concessionnaire était dans une situation périlleuse avant la modification des conditions de vente par le concédant.
Ainsi il convient d'aborder dans un premier temps la responsabilité retenue pour abus dans la fixation des conditions de vente (I) puis dans un second temps le contrôle souple en opportunité de la cour de cassation (II).
[...] C'est d'ailleurs cette notion de droit qui permet à la cour de cassation de contrôler la solution adoptée par les juges du fond. En d'autres termes, la cour de cassation se réserve le pouvoir de contrôler le droit de fixer es conditions de vente et de les juger abusifs ou non. Bien que ce soit un simple arrêt de rejet la cour exerce un véritable contrôle puisqu'elle ne se borne pas à renvoyer au pouvoir souverain des juges du fond mais reprend à son compte leur motivation. [...]
[...] En l'espèce, le concédant ne pouvait avoir que conscience de ses actes puisqu'il a abusé de son droit. Ainsi on peut commettre une faute en exerçant un droit. Planiol soulignait cette contradiction en relevant qu'un comportement ne peut être à la fois conforme au droit et contraire au droit, c'est pourquoi il ajoutait que le droit cesse où l'abus commence Bien que la cour de cassation ait retenu facilement la constitution d'une faute par le concédant, cela ne suffit pas à déclencher le mécanisme de la responsabilité. [...]
[...] Mais la cour de cassation retient la solution des juges du fond qui admettent le lien de causalité sans se prononcer sur l'imputabilité des difficultés du concessionnaire. La cour d'appel a estimé à bon droit qu'il n'était pas établi que le garage Schouwer se soit trouvé dans une situation le mettant en péril avant que la société France Motors lui impose des modifications substantielles compromettant sa survie ; la cour d'appel fait ainsi supporter le risque de la preuve sur le concédant qui a la charge de la preuve. [...]
[...] la justification de la solution : une dépendance économique La solution de la cour de cassation se justifie par la dépendance économique existante entre les parties et l'orientation prise par le droit communautaire en matière de contrats de concession une solution motivée par la dépendance économique La cour de cassation se borne à approuver le raisonnement des juges du fond et semble montrer que la solution retenue dépendait étroitement de l'appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause Par cette précaution de langage, la haute cour suggère que la solution n'a pas une portée générale mais au contraire qu'elle s'explique par la spécificité du contrat qui organise des rapports durable de domination. La décision commentée se rapproche de deux arrêts rendus par la cour de Paris le 24 octobre 2000 et le 19 mai 2000. [...]
[...] Commentaire d'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation rendu le 15 janvier 2002 Ripert affirmait que si la liberté contractuelle aboutissait à l'exploitation injuste des faibles par les forts il faut la briser L'arrêt rendu par la chambre commerciale de la cour de cassation le 15 janvier 2002 illustre une application, visant à rétablir l'équilibre contractuel, de la théorie de l'abus de droit dans la fixation unilatérale des conditions générales de vente. Les faits de l'espèce étaient les suivants : la société d'exploitation du Garage Schouwer, concessionnaire, a conclu un contrat de concession automobile comportant une clause de distribution exclusive de la marque Mazda, avec la société France Motors, concédant. [...]
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