Selon M. le Professeur Lucas, « par nature, les procédures collectives ont vocation à méconnaître la force obligatoire des conventions ». Dans l'arrêt « Cœur Défense » du 8 mars 2011, la Cour de cassation a fait un choix clair entre ces deux objectifs en étendant le domaine d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, ce qui l'a conduit à repréciser les conditions d'une telle ouverture.
Les faits de cette espèce étaient les suivants : la SAS Heart of La Défense, exerçant une activité de location de locaux composant un immeuble dont elle est propriétaire, demande l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, car selon elle, la renégociation de deux contrats de couverture du risque des variations des taux d'intérêt, conclus lors de l'achat de l'immeuble, est constitutive d'une difficulté insurmontable la conduisant à la cessation des paiements.
La demande est accueillie devant le tribunal de commerce de Paris, mais suite à un appel du créancier, Eurotitrisation, la cour d'appel de Paris censure cette analyse et rejette l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, au motif que la société débitrice « n'a pas invoqué l'existence de la moindre difficulté ayant pu antérieurement affecter son activité, et qu'elle n'a pas allégué que la souscription de nouveaux contrats de couverture du risque de variation des taux d'intérêt lui était impossible, mais seulement qu'elle estimait que le coût en était devenu, selon elle, prohibitif par rapport à l'équilibre global de l'opération ». Dès lors, la société débitrice n'avait pas prouvé avoir des difficultés à poursuivre son activité, mais faisait seulement état de circonstances imprévues lui rendant plus onéreuse l'exécution de l'obligation contractuelle de couverture du risque de variation des taux d'intérêt, imposée par les contrats de prêt ayant originellement financé son acquisition.
[...] Il faut également noter que cette interprétation posée par la Cour de cassation n'est pas, comme il a pu l'être dit, anticoncurrentielle, bien au contraire. En effet, s'il paraît étonnant qu'une entreprise compétitive en bonne santé d'un point de vue commercial bénéficie des mesures protectrices de la sauvegarde et puisse, par ce biais, renforcer sa position sur le marché, cela permet de préserver une situation concurrentielle. La Cour de cassation, en accordant cette mesure de sauvegarde, permet le maintien de cet équilibre concurrentiel, car l'entreprise exerçant une activité économique compétitive risquait de disparaître pour des raisons étrangères au marché concurrentiel. [...]
[...] L'instrumentalisation critiquable de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde Un des arguments de la cour d'appel contre l'ouverture des deux sauvegardes consistait à mettre en avant le fait que la sauvegarde ne pouvait pas être utilisée commun un moyen de faire échec à la force obligatoire des conventions. Par cette analyse, la cour d'appel soutenait donc que l'ouverture d'une procédure de sauvegarde risquait d'être instrumentalisée par les débiteurs. Nous verrons en effet que la solution posée par la Cour de cassation peut avoir un effet anticoncurrentiel (voir mais ce qui nous intéresse pour le moment, c'est l'instrumentalisation quant à la gestion de l'entreprise débitrice. [...]
[...] En effet, la procédure de sauvegarde est également une procédure préventive (elle est ouverte avant la cessation des paiements). C'est pour cette raison que la Cour d'appel de Lyon a jugé, dans un arrêt du 31 mai 2006, que la procédure de sauvegarde était totalement indépendante d'un recours préalable à un mandat ad hoc ou à une conciliation. Ainsi donc, aucun texte n'interdit de recourir à la sauvegarde pour essayer d'obtenir par ce biais ce qui n'a pas pu être obtenu par une négociable (soit par une négociation préalable ayant échoué, soit en raison de l'absence de négociation préalable). [...]
[...] Le caractère insurmontable des difficultés prévu par l'article L.620-1 a été soumis à l'interprétation de la Cour de cassation, et notamment dans cet arrêt Cœur Défense. Pour la Cour, peu importe l'intention du débiteur qui demande l'ouverture d'une procédure (à l'exception de la fraude), peu importe sa volonté d'échapper à la force obligatoire des contrats (voir ou simplement d'échapper à des conditions contractuelles peu avantageuses, à l'exception de la volonté frauduleuse. Il doit simplement justifier de difficultés insurmontables qui peuvent le conduire à la cessation des paiements, mais ce caractère insurmontable est une notion subjective difficile à prouver ; la Cour se contente donc d'une évocation de ce caractère, sans qu'il soit réellement démontré. [...]
[...] Commentaire d'arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 8 mars 2011 : l'arrêt Cœur Défense Selon M. le Professeur Lucas, par nature, les procédures collectives ont vocation à méconnaître la force obligatoire des conventions Dans l'arrêt Cœur Défense du 8 mars 2011, la Cour de cassation a fait un choix clair entre ces deux objectifs en étendant le domaine d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, ce qui l'a conduit à repréciser les conditions d'une telle ouverture. Les faits de cette espèce étaient les suivants : la SAS Heart of La Défense, exerçant une activité de location de locaux composant un immeuble dont elle est propriétaire, demande l'ouverture d'une procédure de sauvegarde, car selon elle, la renégociation de deux contrats de couverture du risque des variations des taux d'intérêt, conclus lors de l'achat de l'immeuble, est constitutive d'une difficulté insurmontable la conduisant à la cessation des paiements. [...]
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