L'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation est intéressant du point de vue de la
date portée sur un bordereau, notion essentielle en ce qu'elle est la condition de la prise d'effet de la
cession, au sens de l'article 4 de la loi Dailly.
Dans l'affaire soumise aux juges suprêmes, le comité national olympique et sportif français (le débiteur
cédé) avait réservé un certain nombre de chambres, dans un hôtel en construction. La créance
correspondant au prix de location avait été cédée, au moyen d'un bordereau Dailly daté du 14 mars 1991,
par le gérant de l'hôtel en qualité de cédant à un établissement de crédit (le cessionnaire) selon les
conditions prévues par la loi du 2 janvier 1981. Cette cession qui avait été notifiée au cédé avait été
acceptée par ce dernier dès le 26 février 1991, c'est-à-dire quelques semaines avant la date inscrite sur le
bordereau de cession. Le débiteur cédé contesta sa dette et son engagement au motif que son acceptation
était antérieure à la date de cession.
La Cour d'appel de Chambéry dans un arrêt du 1er avril 1997 ne fît pas droit à la demande du cédé au
motif que c'est le cessionnaire qui appose la date sur le bordereau et qu'il n'était pas démontré que la
qualité de cessionnaire n'était pas acquise à la date de cession.
Insatisfait, le débiteur de la créance cédée forma un pourvoi devant la chambre commerciale de la Cour de
cassation.
La question posée aux juges suprêmes, en l'espèce, était de savoir si un titre notifié et accepté,
antérieurement à la date de cession d'une créance professionnelle, peut-il être opposable aux tiers ?
La Haute juridiction accueillant le pourvoi du débiteur cédé estima que « la qualité de cessionnaire, au sens
de la loi citée, ne peut être opposée par un établissement de crédit vis-à-vis des tiers qu'à compter de la
date portée par lui sur le bordereau de cession » et qu'en conséquence la notification et l'acceptation
n'étaient pas opposables.
La solution de l'arrêt refuse clairement la possibilité d'une cession Dailly au sens de l'article 4 de la loi du 2
janvier 1981. C'est pourquoi, la notification anticipée est une déchéance de l'opposabilité aux tiers de la
cession (I), s'accompagnant de l'inefficacité de l'acte d'acceptation antérieur à la date de cession (II).
[...] La sécurité étant un corollaire du formalisme rigoureux, ceci étant d'autant plus amplifié par l'arrêt du 8 février 2000. En effet, la loi Dailly n'impose pas un ordre chronologique impératif selon lequel la date du bordereau devrait être antérieure aux dates de notification et d'acceptation de la cession de créance. L'article 5 de la Loi de 1981 précise que l'établissement de crédit peut, à tout moment, interdire au débiteur de la créance cédée de payer entre les mains du signataire du bordereau de même l'article 6 dispose que sur la demande du bénéficiaire du bordereau, le débiteur peut s'engager à payer directement »Par conséquent, la Haute juridiction ajoute à la loi une condition qui n'y figurait pas expressément ce que suggèrent Monsieur le Professeur Chazal dans sa note sur cet arrêt. [...]
[...] La solution de la Haute juridiction était donc fondée en droit. Or, l'opposabilité ne résulte pas de la seule notification. En effet, la notification n'a pas pour effet de rendre opposable la cession au débiteur cédé puisqu'elle l'est déjà par la date portée sur le bordereau. Par conséquent, dans l'affaire soumise aux juges suprêmes, le pseudo-cessionnaire, à la suite du litige né du non-achèvement de l'hôtel, ne pouvait opposer au débiteur cédé la cession de créance professionnelle puisque la date inscrite sur le bordereau est postérieure à la notification de cession. [...]
[...] La suspension de la notification antérieure à la cession. Comme nous l'avons vu précédemment, la date de cession portée sur le titre permet l'efficacité de la cession. Dès lors, on peut opposer aux tiers la cession d'une créance professionnelle. En effet, l'article L.313-28 du Code monétaire et financier permet à un établissement de crédit d'interdire au débiteur de la créance cédée de payer entre les mains du signataire du bordereau. Cette notification se fait par tout moyen en respectant cependant les conditions fixées dans l'annexe I du décret n°81-862 du 2 septembre 1981 aujourd'hui codifiée dans les articles L.313-23 à L.313-24 du Code monétaire et financier. [...]
[...] En effet, la suspension de l'acceptation rend opposable les exceptions car selon l'arrêt rendu par la chambre commerciale en date du 29 octobre 2003, il avait été jugé que si l'acceptation ne remplit pas les formes exigées, elle ne produit pas de purge des exceptions qui restent opposables par le débiteur au bénéficiaire comme par exemple l'exception d'inexécution du contrat fondamental B. L'excommunication de l'acceptation par anticipation corollaire d'un impératif de sécurité. L'arrêt étudié doit être considéré comme un arrêt de principe, puisque la chambre commerciale n'avait pas eu jusqu'ici l'occasion d'excommunier l'acceptation par anticipation. Or, si cette excommunication est dictée par un raisonnement d'une logique incontournable selon Monsieur le Professeur Cabrillac, elle est surtout issue du principe de sécurité inhérent aux effets de commerce, ce que n'est pas la cession Dailly mais qui ont en commun un formalisme important. [...]
[...] Enfin, on peut penser que les juges suprêmes auraient pu être moins sévères envers le banquier en considérant que la notification et l'acceptation de la cession étaient validées par l'apposition postérieure d'une date sur le bordereau, le débiteur cédé n'ayant pas rétracté son engagement. En effet, ceci serait possible si l'on se réfère à notre premier semestre de droit bancaire, qui, par analogie à l'arrêt du 19 octobre 1965 rendu par la Haute juridiction, admet la régularisation d'une lettre de change incomplète postérieurement à son émission. [...]
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