L'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 31 mars 2009 démontre tant la rigueur du droit positif quant à la reconnaissance de l'existence d'un abus d'égalité que l'interdiction faite aux juges de se substituer aux organes sociaux légalement compétents.
En l'espèce, deux personnes physiques sont cogérantes, à part égalitaire, d'une SARL. L'une d'entre elles démissionne de ses fonctions et refuse ensuite, par trois fois, en assemblée des associés, de voter une augmentation de la rémunération du cogérant restant. Aucune majorité ne pouvant être dégagée lors du vote, ce dernier invoque alors un abus d'égalité et poursuis l'ancien gérant ainsi que la société aux fins que sa rémunération soit fixée selon les modalités soumises à l'assemblée.
La Cour d'appel accueille sa demande en considérant que l'ancien gérant avait abusé de son droit de vote. Par conséquent, elle fixe la rémunération du gérant restant à une certaine somme. L'ancien cogérant forme alors un pourvoi en cassation.
[...] Ainsi, il semble bien que ledit arrêt consacre clairement la théorie de l'assemblée générale seule juge en matière de fixation de la rémunération du gérant Il faut noter qu'il aurait sûrement été possible de désigner un mandataire ad hoc chargé de fixer la rémunération du gérant. Cependant, une telle solution n'aurait été envisageable que si le refus d'augmentation était constitutif d'un abus d'égalité. Or, la rigidité de la jurisprudence en la matière a été réaffirmée dans l'arrêt du 31 mars 2009. [...]
[...] L'impossibilité d'une fixation judiciaire de la rémunération du gérant Il faut noter, au préalable, que l'arrêt commenté se situe également dans la lignée de l'arrêt de Flandin au regard des visas de cassation. En effet, la Chambre commerciale abandonne ici l'article 1134 du Code civil selon lequel les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites pour ne viser que les articles L 223-28 et L223-29 du Code de commerce. Il faut noter que même si l'arrêt de 2009 se trouve dans la lignée de l'arrêt de 1993, les visas ne sont pas les mêmes. [...]
[...] Par conséquent, la Cour de cassation en conclut que la Cour d'appel a privé sa décision de base légale. Enfin, la Cour de cassation reproche à la Cour d'appel d'avoir inversé la charge de la preuve en énonçant qu'il appartenait à l'ancien cogérant de donner les raisons justifiant son refus de voter favorablement à l'augmentation de la rémunération du gérant. Dans son second attendu, la Cour de cassation affirme, au visa des articles L223-28 et L223-29 du Code de commerce, que le juge ne peut pas se substituer aux organes sociaux légalement compétents. [...]
[...] En effet, une telle attitude n'aura jamais comme corollaire l'interdiction de la réalisation d'une opération essentielle pour ladite société. La seule intention de nuire n'est donc pas constitutive d'un abus d'égalité. Par conséquent, la Cour de cassation semble ici priver le gérant d'une quelconque possibilité de contestation de la fixation de sa rémunération : il sera toujours forcé de se plier aux décisions de l'assemblée générale des associés, comme en l'espèce. L'on peut alors se demander si une telle solution est justifiable ? [...]
[...] Ainsi, la solution de la Cour de cassation se présente comme particulièrement défavorable au gérant. Cependant, il convient de rappeler que l'abus d'égalité n'est pas impossible à prouver d'autres hypothèses : il est admis depuis longtemps que dans d'autres situations, l'abus d'égalité pourra être admis comme, par exemple, lorsque les minoritaires refusent de voter une augmentation de capital nécessaire à la survie de la société. Néanmoins, dans le cas d'espèce, la Chambre commerciale donne une solution marquée par une restriction drastique des possibilités offertes au gérant de contester judiciairement sa rémunération puisque l'abus d'égalité est, dans cette hypothèse, impossible à caractériser. [...]
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