Postérieurement à son immatriculation, la reprise des actes passés pour son compte lors de sa formation impose à une société d'adopter une décision spéciale et explicite de reprise, et ce même si la société ne consiste qu'en une Entreprise Unipersonnelle à Responsabilité Limitée (ci-après EURL). C'est ce qu'a confirmé la chambre commerciale de la Cour de cassation le 31 mai 2005.
En l'espèce, une banque accordait un prêt à une EURL en cours de formation, crédit garanti par des cautionnements hypothécaires. Suite au dépôt de bilan de la société, une procédure de saisie immobilière avait été engagée par la banque à l'encontre des cautions. Celles-ci entendaient être dégagées de leurs obligations alléguant que le prêt n'avait pas fait l'objet d'une reprise par l'EURL après son immatriculation.
Dans son arrêt du 21 avril 2000, la Cour d'appel de Saint-Denis rejeta les demandes des cautions sur le motif qu'une reprise avait bien eu lieu dans les faits. Postérieurement à l'immatriculation, le montant des sommes accordées par la banque était en effet venu créditer le compte bancaire de l'EURL qui les avait directement utilisés. Cette ratification avait de plus été confirmée par l'absence de contestations relatives à la déclaration de créance faite par la banque lors de la procédure de redressement judiciaire. La perception du prêt et sa disposition par la société démontraient donc implicitement une reprise censée décharger les cautions de leurs engagements.
[...] Cette distinction de rôles persiste en cas de reprise postérieure à l'immatriculation. En l'espèce, les juges soulignent en effet l'importance - similaire à la société pluripersonnelle - d'une décision formelle et explicite à répertorier sur le registre spécial des décisions. Est donc exigée une décision sociale qui ne saurait être assimilée à l'exécution spontanée des engagements de l'associé pris pour le compte de la société, exécution effectuée en qualité de gérant. L'associé unique se voit donc dans l'obligation de ratifier ses propres actes de façon formelle une fois la personnalité de sa société acquise. [...]
[...] Force est de constater que les cautions censées garantir la créance étaient composées des frères de l'associé fondateur. Pourquoi ne pas envisager alors que l'absence de reprise formelle était une abstention tout à fait volontaire ? Un tel comportement de la part de l'associé fondateur aurait ainsi permis à ses frères d'échapper à leur éventuelle responsabilité, attitude constitutive d'une fraude aux droits de la banque. Dans tous les cas, de grandes difficultés se dresseront devant la banque qui devra prouver la fraude. [...]
[...] Au regard de la présente décision, la distinction entre pouvoir de gestion et pouvoir de décision au sein d'une EURL n'a donc aucun sens ni aucune utilité. De fait, ces pouvoirs son regroupés entre les mains d'un seul associé. Dans le cas d'une reprise, il serait donc judicieux d'admettre que l'exécution spontanée de ses engagements en qualité de gérant soit constitutive d'une ratification des actes passés en qualité d'associé unique fondateur. Le gérant n'aurait pas à confirmer des actes auxquels il aurait déjà consenti en pleine connaissance de cause. [...]
[...] La majorité des associés n'ayant aucun sens en matière d'EURL, cet arrêt propose en réalité une extension du principe. La persistance de la distinction entre pouvoirs de reprise et pouvoir de gestion L'unipersonnalité déroge au droit commun des sociétés en matière de prise de décisions. En effet les fondateurs, associés et gérants ne sont en vérité qu'une seule et unique personne profitante pour ainsi dire la personnalité morale de la société, notamment via son autonomie patrimoniale, dans ses rapports avec les tiers. [...]
[...] La décision de ratifier ou pas les actes antérieurs de ses associés et donc de permettre l'accès des créanciers à leur recours contre les cautions sera toujours sujette à sa volonté. En l'espèce, le rejet de la reprise implicite de la société par la Cour de cassation suggère tout à fait cette idée. Du fait de l'absence de reprise formelle de l'EURL, la banque se voit en effet lésé en ce qu'elle ne peut agir contre l'EURL elle-même ni contre ses cautions qui se voient dès lors libérées. Seule la responsabilité de l'associé fondateur unique pourra dès lors être engagée, associer donc la solvabilité n'est en aucun cas garantie. [...]
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