De façon surprenante, l'apparence d'une situation peut, en droit, lui faire produire les mêmes effets juridiques que si la situation avait réellement existé. C'est ce que la doctrine a nommé « théorie de l'apparence ».
L'arrêt du 29 janvier 2008 rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation fait application de cette théorie au mandat, à la suite de l'arrêt fondateur rendu en Assemblée plénière le 13 décembre 1962. Défini par l'article 1984 du Code civil, le mandat est « un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom. » Cependant, la consécration d'un mandat apparent entraine quelques modifications à la théorie générale de ce contrat spécial, comme le montre ici la Cour de cassation.
En l'espèce, une société civile immobilière (SCI) formée de membres d'une succession avait signé une convention avec un tiers ayant pour objet la réalisation de prestations topographiques en vue de la réalisation d'un lotissement résidentiel sur un terrain appartenant à ladite succession. Aux termes de cette convention, la SCI s'était engagée à réaliser le lotissement ou, à défaut, à verser une somme forfaitaire au prestataire en charge des mesures topographiques. La SCI refusa la construction du lotissement et ne versa pas la somme prévue, en conséquence de quoi le prestataire assigna tant la SCI que ses représentants en paiement de ladite somme.
[...] En l'espèce, la Cour de Cassation ne soulève pas la question de la bonne foi du tiers, se contentant de ne pas contester la reconnaissance par la Cour d'appel d'un mandat apparent. Elle aurait pourtant dû vérifier le caractère légitime de la croyance du tiers à l'existence d'un mandat par une appréciation in concreto, ou tout du moins valider le raisonnement d'appel sur ce point. En l'espèce les faits sont vaguement rapportés. On pourrait considérer soit que la SCI est bien mandataire de la succession, mais que la prestation topographique et a fortiori la réalisation d'un lotissement sont en dehors du mandat ; soit que la SCI s'est comportée comme mandataire de la succession en l'absence totale de mandat explicite. [...]
[...] Par la reconnaissance ici d'un mandat apparent, la Cour de cassation confirme l'application de la théorie de l'apparence au mandat. Ainsi, quand l'apparence indique aux tiers l'existence d'un mandat, même si celui-ci n'existe pas en réalité, la situation de fait produira les mêmes effets envers les tiers que si un mandat était réellement en vigueur. Toutefois, si la Cour reconnaît ce mandat, elle n'appuie sa décision sur aucune justification. B. Une reconnaissance sans rechercher le caractère légitime de l'erreur du tiers Le mandat apparent, tel que consacré par l'arrêt d'Assemblée plénière du 13 décembre 1962 nécessitait la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire [ ] ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ce pouvoir Le tiers doit donc être de bonne foi. [...]
[...] En revanche la Cour d'appel a considéré que la situation s'analysait en un mandat apparent où la SCI s'était engagée auprès du tiers en tant que mandataire apparent de la succession et qu'à ce titre, elle devait être condamnée à payer la somme prévit par la convention. La SCI s'est alors pourvue en cassation. Les faits sont-ils de nature à reconnaître un mandat apparent ? De manière générale, le mandataire ou le mandant apparent sont-ils tenus d'une obligation d'exécution envers les tiers dans un tel mandat ? La Cour de Cassation confirme l'existence d'un mandat apparent même si elle casse l'arrêt d'appel sur l'effet de ce mandat, le mandant apparent étant seul tenu de l'exécution des actes pris par le mandataire (II). I. [...]
[...] Au visa de l'article 1998 du Code civil, la Cour de Cassation casse l'arrêt d'appel en ce qui concerne les effets qu'il donne au mandat apparent. Le premier alinéa dudit article dispose en effet que le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné ; c'est ce qui conduit la Cour de cassation à résumer, dans un attendu de principe, que le mandat apparent a pour seul effet d'obliger le mandant à exécuter les engagements pris envers les tiers par le mandataire apparent Ce raisonnement est une stricte application de l'arrêt fondateur en la matière qui disposait que le mandant peut être engagé sur le fondement d'un mandat apparent même en l'absence de faute. [...]
[...] En conséquence, il existe une possibilité d'exonérer la responsabilité du mandant si le mandataire a outrepassé ses pouvoirs. En l'espèce, l'attendu de principe de la Cour de Cassation semble exonérer de façon systématique la responsabilité du mandataire en précisant que le mandat apparent n'a pas pour effet d'obliger le mandataire apparent à exécuter les engagements pris envers les tiers. Pourtant dans le cadre du mandat apparent, il n'y a eu aucune habilitation ni délégation de pouvoir du mandant au mandataire apparent, on pourrait donc concevoir qu'en l'absence de tout lien juridique entre ces deux acteurs, il y aurait nécessairement dépassement de pouvoir par le mandataire. [...]
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