La chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt de principe du 18 octobre 2011 vient préciser les contours de la mission du liquidateur judiciaire en charge de la liquidation d'un associé gérant d'une société civile immobilière.
En l'espèce, était en cause, un associé gérant d'une société civile immobilière mise en liquidation. Les statuts de cette dernière prévoyaient que le retrait des fonds au titre de comptes courants d'associés interviendrait en accord avec le gérant, et qu'à défaut d'accord, il ne serait possible que moyennant un préavis d'au moins dix-huit mois.
Le liquidateur a souhaité modifier cette disposition statutaire aux fins d'obtenir rapidement les sommes dues à l'associé gérant.
À cette fin, il réclame et obtient la désignation d'un mandataire ad hoc dont la mission est de convoquer une assemblée générale des associés en vue de modifier le statut afin d'obliger la société civile immobilière à rembourser les comptes courants d'associés à première demande.
L'associé gérant et la société civile immobilière se sont opposés à cette nomination au motif que le liquidateur n'avait pas qualité pour former une telle demande.
La Cour d'appel de Riom dans son arrêt du 14 avril 2010 rejette leur demande et par la même occasion confirme l'investiture de mandataire ad hoc.
[...] Et c'est là tout le travail de la jurisprudence que de nous éclaircir sur ce point. La Cour de cassation dans son arrêt du 18 octobre 2011 vient à la fois préciser l'étendue et les limites du principe du dessaisissement du débiteur failli. En effet, dans la première partie de son attendu elle affirme que le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire d'une personne physique emporte dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens, mais ne le dessaisit pas de l'exercice des droits attaché à sa personne En l'espèce, les statuts de la société civile immobilière prévoient que le retrait des fonds au titre des comptes courants d'associés interviendrait en accord avec le gérant, et qu'à défaut d'accord il ne serait possible que moyennant un préavis d'au moins dix huit moins. [...]
[...] Si bien que le liquidateur n'a pas le droit de les exercer. Ainsi, admettre l'immixtion du liquidateur par l'intermédiaire d'un mandataire ad hoc constituerait une atteinte à l'autonomie de la personne morale. On ne voit pas, en effet, pourquoi l'intérêt des créanciers de l'associé en liquidation judiciaire l'emporterait sur les intérêts sociaux d'une société étrangère à la procédure. Cette explication est plus logique que celle qui consisterait à exclure du dessaisissement les droits et actions liés à la qualité d'associé ou de gérant sur le simple motif qu'il s'agit de droits attachés à la personne. [...]
[...] De ce fait, l'arrêt de principe du 18 octobre 2011 pose la question de savoir si le liquidateur judiciaire, dont la mission est de recouvrer l'actif, doit limiter son action en recouvrement d'actif sur le seul patrimoine du débiteur dessaisi ? Ou au contraire est-ce que sa mission est universelle au point d'interférer dans le patrimoine social de la société dont le débiteur est l'associé ? Pour répondre de manière ferme et définitive à cette question, la Cour de cassation a dû rappeler le principe de dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire tout en précisant son étendue ainsi que ses limites Il lui a fallu ensuite appliquer ce principe à la situation particulière de l'associé gérant d'une société civile immobilière. [...]
[...] Il est évident que le gérant au vu de son comportement passé au sein de la société n'allait pas donner son accord pour le retrait des fonds. D'autant plus, qu'il y voyait un intérêt à ce refus, celui de préserver une partie de son patrimoine. Enfin, la durée du préavis était assez conséquente sachant que la mission donnée au liquidateur dans le cadre de la procédure est limitée dans le temps. Outre, le fait d'avoir relevé une volonté délibérée d'entraver l'exercice normal de ses droits patrimoniaux par le liquidateur judiciaire dans le comportement de l'associé gérant, la cour d'appel a également identifié un conflit d'intérêts entre la personne morale et l'associé. [...]
[...] Sommes entrant pourtant dans le gage commun des créanciers de l'associé mis en liquidation judiciaire. Ainsi, en privilégiant l'intérêt social de la société au détriment de l'intérêt collectif des créanciers de l'associé en liquidation, la Cour de cassation favorise considérablement le débiteur dessaisi. En effet, la partie de son patrimoine détenu par la société sera exclu de la procédure collective. Cette solution de la haute juridiction pourrait inciter le débiteur dessaisi à la fraude. On peut aisément craindre que le débiteur crée une personne morale dans le seul but serait de soustraire une partie de son patrimoine à la procédure de liquidation judiciaire. [...]
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