Si la théorie de l'unicité du patrimoine dégagée par Aubry et Rau ont vocation à s'appliquer largement en droit français, la réalité économique en est parfois toute autre. C'est précisément le cas en ce qui concerne la question des groupes de sociétés, et notamment celle des liens qu'entretiennent les sociétés mères vis-à-vis de leurs filiales. Si la notion d'intérêt de groupe n'est semble-t-elle pas retenue en droit fiscal, il n'est pas possible d'ignorer qu'au sens économique du terme, une véritable politique de groupe est menée par la société mère, qui va forcément influencer sur les décisions des organes de direction de ses propres filiales.
En revanche, cette influence incontestable de la société mère dans les affaires de ses filiales présente certaines difficultés notamment lorsqu'elle a pour conséquence de rompre les relations commerciales qui existaient entre sa filiale et un tiers cocontractant. C'est notamment dans ce cadre que l'arrêt rendu en date du 12 juin 2012 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation s'inscrit.
En l'espèce, la société PCF était en relation d'affaire depuis 30 ans avec la société Markinter qui exerce une activité d'agent commercial. Entre temps, le contrôle de la société PCF est passée entre les mains de la société PCAS, qui a semble-t-il décidé de changer la politique commerciale à mener, ce qui a notamment conduit la société PCF à rompre unilatéralement ses relations contractuelles avec la société Markinter.
[...] Dans le cadre d'un groupe de sociétés, le respect scrupuleux de ces deux principes justifie que la société mère n'a pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de sa société filiale. C'est d'ailleurs pour cette raison que la Cour d'appel de Paris a accueillit la demande formulée par l'appelant pour déclarer la société PCAS solidairement responsable des condamnations prononcées à l'encontre de la société PCF au titre des préjudices subis par la société Markinter En effet, l'immixtion était ici caractérisée car la société PCAS disposerait d'une autorité de fait sur les responsables de la société PCF et qu'elle a commis une faute personnelle à l'encontre de la société Markinter Cette faute étant qualifiée par le changement de politique de la mère entrainant de ce fait la rupture des relations d'affaires existant entre sa fille et la société Markinter. [...]
[...] En effet, la chambre commerciale considère que l'immixtion de la société PCAS avait été de nature à créer pour la société Markinter une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement que cette société était aussi son cocontractant La solution dégagée dans l'arrêt de l'assemblée plénière, reprise ensuite par la chambre commerciale constitue un véritable tournant dans le droit des groupements puisqu'il s'agit clairement d'une solution contralegem. En effet, précédemment, à la fois la chambre civile dans un arrêt du 3 mai 1995 et la chambre commerciale dans un arrêt du 3 octobre 2006 avait considéré qu'il suffisait de caractériser l'immixtion de la société mère dans l'exécution du contrat conclu par sa filiale pour engager la responsabilité e la première et la condamner in sodium avec la filiale à réparer le dommage. [...]
[...] Deux arrêts rendus par la troisième chambre civile semblent avoir jeté les bases de cette construction purement prétorienne et contralegem. Celui du 25 février 2004 qui ne retient pas le caractère fautif d'une immixtion de la mère qui met fin aux activités déficitaires d'une de ses filiales et celui du 13 décembre 2006 ou une société mère s'été impliquée dans les démarches préparatoires, y compris contractuelles, en vue d'implanter une filiale, laquelle reprendra ensuite les engagements contractés pour son compte Il s'agissait là des prémices de cette jurisprudence désormais arrivée à maturité et qui surtout laisse à penser que l'intérêt de groupe est une composante à introduire dans le raisonnement. [...]
[...] Le fait que ce facteur soit pris en compte par la chambre commerciale s'éloigne quelque peu du principe d'autonomie de gestion et de l'existence de deux patrimoines distincts. Ensuite, on voit bien que malgré tous les indices dégagés par la cour d'appel, l'apparence trompeuse n'est pas caractérisée. Or, ces arguments semblent pourtant convaincants au regard notamment de certains courriers écrits sur du papier à en-tête PCF/PCAS mais signés par le dirigeant de la société PCAS ou encore de la société PCAS qui a adressé directement aux lieu et place de sa filiale de nombreuses correspondance à la société Markinter concernant son contrat d'agence avec la société PCF Par conséquent, la preuve de cette apparence trompeuse ayant pu légitimement faire croire au tiers cocontractant que la mère était engagé, est extrêmement difficile à rapporter. [...]
[...] Entre temps, le contrôle de la société PCF est passée entre les mains de la société PCAS, qui a semble t'il décidé de changer la politique commerciale à mener, ce qui a notamment conduit la société PCF à rompre unilatéralement ses relations contractuelles avec la société Markinter. Une action est intentée par la société Markinter contre la société PCAS et sa filiale, la société PCF, en paiement de commissions dues et en réparation du préjudice occasionné par la rupture de son contrat d'agent commercial. [...]
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