Les propriétaires d'un immeuble ont consenti un bail à une société, dont les loyers ont été garantis par deux cautions solidaires. L'immeuble a été vendu à une SCI, qui n'a pas déclaré sa créance à la liquidation judiciaire de la société. Les cautions ont donc été condamnées, par une ordonnance d'injonction de payer, le 25 juillet 2006, aux premiers propriétaires de l'immeuble une somme représentant les loyers impayés par la société garantie. La Cour d'appel a partiellement infirmé ce jugement en considérant que la demande des premiers propriétaires de l'immeuble était irrecevable et condamnant solidairement les cautions à verser les loyers impayés à la SCI, intervenue à l'instance.
Les cautions essayant par différents moyens de se soustraire à leur engagement, la Cour de cassation a donc été confrontée aux problématiques juridiques suivantes : l'exception résultant du défaut de déclaration en temps utile d'une créance par le créancier d'un débiteur garanti peut-il être invoqué par les cautions solidaires pour refuser de payer le créancier ? A défaut, les cautions peuvent-elles se prévaloir, sur le fondement du bénéfice de subrogation, de l'extinction de leur engagement par la faute du créancier qui n'a pas déclaré sa créance en temps utile ?
[...] Les cautions ayant invoqué deux fondements distincts pour se soustraire à leur engagement, il convient, en effet, d'étudier la réponse de la Cour de cassation à ces deux arguments. Ainsi, on verra, en premier lieu, que la défaillance du créancier, qui ne déclare pas en temps utile sa créance à la procédure collective de son débiteur, ne constitue pas une exception inhérente à la dette susceptible d'être opposée par la caution Puis, on verra, en second lieu, que la défaillance de ce même créancier ne permet pas à la caution de se soustraire à son engagement sur le fondement du bénéfice de subrogation Le défaut de déclaration d'une créance à la procédure collective d'un débiteur : une exception non inhérente à la dette Si la solution consacrée par l'arrêt commenté était attendue, c'est notamment en raison des évolutions législatives intervenues suite à une réforme du droit des procédures collectives en date du 26 juillet 2005 Mais cette solution était également attendue, car elle était justifiée par de multiples fondements juridiques A. [...]
[...] En effet, certains auteurs interprètent cet arrêt comme ayant admis que l'absence de déclaration en temps utile par un simple créancier chirographaire puisse être invoquée par la caution au titre du bénéfice de subrogation (voir par exemple RTD com obs. D. Legeais ; N. Dissaux, La semaine juridique, Août 2011, 901). C'est également la thèse défendue par Philippe Simler (Ph. Simler, Cautionnement, Garanties autonomes, Garanties indemnitaires, 4è édition pour qui la notion de perte d'un droit préférentiel visée par l'article 2314 du code civil est interprétée largement, comme embrassant tout droit susceptible de procurer à la caution un avantage par voie de subrogation ( ) : cet avantage perdu consiste dans la participation aux distributions dont le créancier négligent est exclu Toutefois, cette interprétation est contestée par le professeur Crocq qui considère a contrario que la caution ne peut pas reprocher au créancier de ne pas avoir déclaré la créance à la procédure collective du débiteur principal, dans l'hypothèse où ce créancier ne disposait pas par ailleurs d'une sûreté. [...]
[...] Quant à la transposition au cautionnement simple, compte tenu du fait que la sanction du défaut de déclaration en temps utile de la créance à la procédure collective du débiteur est inchangée (inopposabilité de la créance à la procédure collective) par rapport au cautionnement solidaire, il semble logique de penser que la solution consacrée par l'arrêt commenté est transposable au cautionnement simple. Une décision en ce sens de la Cour de cassation serait néanmoins la bienvenue pour clarifier cette hypothèse. En toute hypothèse, il est important de rappeler qu'en pratique, dès lors que le débiteur défaillant fait l'objet d'une procédure collective, les chances pour les créanciers d'obtenir le remboursement complet de leurs créances sont relativement faibles. [...]
[...] Dans l'arrêt commenté, les cautions ont essayé de se prévaloir du défaut de déclaration en temps utile de la créance du créancier à la procédure collective du débiteur principal. La Cour de cassation a refusé la possibilité pour les cautions de se prévaloir du bénéfice de subrogation au motif que les créanciers chirographaires n'ayant pas été réglés, les cautions n'auraient pas pu être désintéressées. En d'autres termes, la Cour de cassation, reprenant l'argumentation des juges du fond, a refusé aux cautions la possibilité de se prévaloir du bénéfice de subrogation parce que même si le créancier avait déclaré sa créance en temps utile, la situation financière du débiteur principal était trop désastreuse pour permettre de rembourser les créanciers chirographaires et par là même les cautions subrogées dans les droits d'un créancier chirographaire. [...]
[...] Cette évolution importante repose sur la possibilité, au moins théorique, d'un recours de la caution contre le débiteur principal : puisque la créance n'est pas éteinte, la caution pourra toujours agir contre le débiteur principal par subrogation dans les droits du créancier qu'elle aura payé. Ainsi, la caution n'est pas privée de tout recours contre le débiteur principal. En effet, ce recours est simplement retardé puisqu'il ne pourra être exercé par la caution, contre le débiteur principal, qu'à l'issue de la procédure collective. [...]
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