Dans un arrêt du 28 novembre 2006, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt concernant les droits de mutation applicables à la cession de parts d'une société en nom collectif.
En l'espèce, l'un des deux associés d'une société en nom collectif décide de céder ses parts à l'autre par acte sous-seing privé enregistré en novembre 1997. L'acte prévoyait le règlement par le cessionnaire, en plus du prix des parts, du montant créditeur du compte courant du cédant arrêté à une date antérieure à celle de la cession, le 31 juillet. Le même jour, un autre acte intitulé « convention de paiement », non enregistré, est conclu entre les associés et prévoyait l'affectation à chacun des associés de sa quote-part de bénéfices dans la SNC au 31 juillet. La quote-part du cédant venait apparemment augmenter le montant créditeur de son compte courant. Le règlement des sommes dues par le cessionnaire au cédant au titre du compte courant est organisé par une compensation conventionnelle multilatérale faisant intervenir une tierce société (ayant les mêmes associés que celle dont les parts sont cédées et créancière du cédant).
A la suite du contrôle de l'activité du cessionnaire, l'administration fiscale lui a notifié un redressement sur les modalités de calcul des droits acquittés à l'occasion de l'enregistrement de l'acte de cession de parts, en considérant que la valeur des parts exprimée dans l'acte de cession enregistré n'est pas représentative de leur valeur réelle. Le redressement inclut dans la base imposable la quote-part de bénéfices du cédant arrêtée au 31 juillet 1997.
Le cessionnaire contesta la notification de redressement à l'administration fiscale qui rejeta sa demande. Ce dernier saisit le tribunal en vue d'obtenir l'annulation de ce redressement et la décharge du rappel de droits. Sa demande ne fut pas accueillie. Le jugement fut confirmé par la Cour d'appel qui a considéré que l'attribution conventionnelle de la quote-part revenant au cédant sur les bénéfices réalisés par la SNC à la date de la cession de ses parts constituait un élément du prix de cession de celles-ci.
Le cessionnaire forme un pourvoi en Cassation dont l'argument principal du moyen unique est que « les bénéfices participent de la nature des fruits et les associés peuvent convenir de les distribuer lorsqu'ils le souhaitent en cours d'exercice ; ce n'est qu'à défaut d'une telle convention que ces fruits ne sont acquis qu'au jour de l'assemblée générale décidant de les attribuer ». La Cour d'appel aurait violé les articles 586 et 1134 du code civil et l'article 726 I du CGI en rejetant la demande alors qu'elle relevait que les associés étaient convenus de distribuer les fruits de leurs parts au 31 juillet.
A l'occasion d'une cession de parts de SNC, l'attribution conventionnelle d'une quote-part des bénéfices au jour de la cession, avant la clôture de l'exercice et toute décision d'affectation du résultat constitue-t-elle un élément du prix de cession soumis aux droits de mutation ?
La Chambre commerciale de la Cour de cassation se prononce sur la nature juridique des dividendes qui sont des fruits mais pas des fruits civils. Elle rappelle ensuite, que ces dividendes n'ont d'existence juridique qu'à partir du moment où l'assemblée générale a donné son approbation sur les comptes de l'exercice, a constaté l'existence des sommes distribuables et a déterminé la part qui est attribué à chaque associé. La Cour de cassation en déduit que l'engagement souscrit par le cessionnaire de rembourser au cédant le solde de son compte courant déterminé après qu'il a été crédité de sa quote-part des bénéfices réalisés par la SNC devait, dans la mesure où ces bénéfices n'étaient pas juridiquement acquis, être analysé comme un élément de la valorisation de la société et constituait de ce fait, un élément négocié du prix de cession des parts. Cette quote-part sera donc soumise aux droits d'enregistrement dus lors de l'acquisition de titres comme un élément du prix de cession des parts.
[...] Les associés n'étaient donc pas en mesure de s'attribuer des bénéfices avant même que l'assemblée générale ne soit réunie pour rendre sa décision. La question de la possibilité pour les associés d'établir une convention d'attribution des bénéfices en cours d'exercice En l'espèce, l'argument du cessionnaire reproduit dans la 3e branche du moyen, selon lequel les bénéfices participent de la nature des fruits et les associés peuvent convenir de les distribuer lorsqu'ils le souhaitent en cours d'exercice ; que ce n'est qu'à défaut d'une telle convention que ces fruits ne sont acquis qu'au jour de l'assemblée générale décidant de les attribuer se base sur la jurisprudence du 5 octobre 1999. [...]
[...] II/ Les conséquences de l'affectation anticipée des résultats de la société sur les sommes versées au cédant. La convention ne produit pas les effets escomptés par le cessionnaire puisque cette dernière en étant qualifiée d'élément de prix de cession par la Cour d'appel dont la décision est confirmée par la Cour de cassation va se voir appliquer le régime fiscal des droits d'enregistrement, défavorable pour le cessionnaire A. La qualification juridique de la convention d'attribution comme élément de prix de cession. [...]
[...] La Chambre commerciale de la Cour de cassation se prononce sur la nature juridique des dividendes qui sont des fruits mais pas des fruits civils. Elle rappelle ensuite, que ces dividendes n'ont d'existence juridique qu'à partir du moment où l'assemblée générale a donné son approbation sur les comptes de l'exercice, a constaté l'existence des sommes distribuables et a déterminé la part qui est attribuée à chaque associé. La Cour de cassation en déduit que l'engagement souscrit par le cessionnaire de rembourser au cédant le solde de son compte courant déterminé après qu'il a été crédité de sa quote-part des bénéfices réalisés par la SNC devait, dans la mesure où ces bénéfices n'étaient pas juridiquement acquis, être analysé comme un élément de la valorisation de la société et constituait de ce fait, un élément négocié du prix de cession des parts. [...]
[...] L'évolution de la qualification : de fruits civils à fruits. Le Code civil distingue trois types de fruits (naturels, civils et industriels) à l'article 582. Il prévoit que les fruits civils s'acquièrent jour par jour et appartiennent à l'usufruitier à proportion de la durée de son usufruit (art 586). Jusqu'à 1984, la jurisprudence considérait que les bénéfices des sociétés commerciales participaient de la nature des fruits civils et étaient réputés s'acquérir jour par jour (cass.civ oct 1931). Dès 1984, on s'est interrogé sur la qualification de fruits civils Par un arrêt de la chambre commerciale du 23 octobre 1984, la Cour de cassation a considéré que les dividendes participaient de la nature des fruits, mais n'a pas précisé s'il s'agissait de fruits civils. [...]
[...] Or, la Cour de cassation condamne cette analyse au regard des règles qui encadrent la distribution des bénéfices d'exercices. Elle relève la motivation de la Cour d'appel qui avait soutenu que les bénéfices ne pouvaient être acquis au cours de l'exercice, donc avant la clôture de celui-ci, avant l'approbation des comptes et la décision d'affectation des résultats. En effet, ce n'est qu'après l'établissement des comptes sociaux et la comparaison entre les bilans d'ouverture et de clôture que le bénéfice d'exercice peut exister. La valorisation de la société à travers les sommes versées par le cessionnaire au cédant. [...]
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