Le secteur des télécommunications est régulièrement le théâtre de litiges dont les enjeux sont considérables. L'arrêt rendu par le Conseil d'État le 30 juin 2006 nous en offre une nouvelle illustration.
En l'espèce, par deux décisions des 24 juin et 9 décembre 2003, l'Autorité de Régulation des Communications et des Postes (ARCEP) avait délivré deux autorisations d'utilisation de fréquence hertzienne à la société Altitude Télécom, devenue IFW. Quelques années plus tard, compte tenu de la raréfaction des fréquences disponibles, le ministre délégué à l'industrie pris un arrêté sur le fondement de l'article L42-2 du Code des postes et communications électroniques visant à restreindre la délivrance de ces autorisations. L'arrêté prévoyait ainsi de soumettre la délivrance des autorisations à des appels à candidature et de limiter provisoirement le nombre des autorisations à deux par région en Métropole. Le 09 novembre 2005, la société neuf télécom a demandé à l'ARCEP de retirer à la société IFW les deux autorisations, cette dernière ayant été entre temps rachetée par le groupe ILIAD, déjà propriétaire de Free.
En somme, le Conseil d'État était invité à préciser les conditions d'abrogation d'une décision non règlementaire. En d'autres termes la question posée à la haute juridiction était celle de savoir dans quelle mesure l'autorité administrative peut abroger une décision non règlementaire.
[...] Dans la dernière hypothèse, l'abrogation ne serait donc possible que si la décision en cause est illégale et encore susceptible de recours. C'est la voie de l'harmonisation que semblait emprunter le Conseil d'État dans un arrêt du 21 janvier (CE 21 janvier 1991, Pain) en considérant que saisie d'une demande tendant à l'abrogation ou au retrait d'une décision créatrice de droit illégale, l'autorité compétente ne peut faire droit à cette demande que si le délai du recours contentieux n'est pas expiré. [...]
[...] D'une part, le Conseil d'État détermine les cas dans lesquels l'autorité administrative a l'obligation d'abroger une décision non règlementaire ; d'autre part, il va préciser qu'encadre la possibilité d'abroger une décision non réglementaire créatrice de droit (II). L'obligation limitée d'abroger une décision non règlementaire Par l'arrêt du 30 juin 2006, le Conseil d'État pose le principe selon lequel l'autorité administrative a l'obligation d'abroger une décision non règlementaire devenue illégale par suite d'un changement de circonstances de droit ou de fait que si elle n'est pas créatrice de droit au profit de son titulaire et n'est pas devenue définitive Une décision non créatrice de droits au profit de son titulaire Il est acquis depuis l'arrêt désormais célèbre, Alitalia (CE Ass février 1989, Cie Alitalia) que l'autorité administrative saisie d'une demande d'abrogation d'un règlement devenue illégale par suite d'un changement de circonstance de droit ou de fait est tenue d'y déférer. [...]
[...] En outre, la rigueur de la solution peut étonner en ce sens que subordonner l'abrogation d'une telle décision à la demande du bénéficiaire parait irréaliste. Il semble peu probable en effet qu'une personne morale ou physique demande l'abrogation d'une décision lui créant des droits. Outre le cas où le bénéficiaire en fera la demande, une décision créatrice de droit pourra être abrogée par l'autorité administrative si cette abrogation est prévue par les lois et règlements Abrogation prévue par les lois et règlements Après avoir posé le principe, selon lequel hors les cas où le titulaire le demande et où l'abrogation est prévue par les lois et règlements, le Conseil d'État s'attache méthodiquement à rechercher l'existence en l'espèce de telles dispositions dans les lois et règlements. [...]
[...] Or, la haute juridiction a étendu le principe de l'arrêt Alitalia aux actes non réglementaires, et considère de manière constante qu' il appartient à tout intéressé de demander à l'autorité compétente de procéder à l'abrogation d'une décision illégale non réglementaire qui n'a pas crée de droits, si cette décision est devenue illégale à la suite d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait postérieurs à son édiction (CE Sect novembre 1990, Association Les Verts Ainsi, les droits acquis ne pouvant être remis en cause (CE 30 novembre 1922, Dame Cachet), le moyen invoqué par la requérante avait peu de chance de prospérer. C'est donc sans surprise que le Conseil d'État considère que l'autorité administrative n'est tenue d'abroger une décision administrative non réglementaire devenue illégale à la suite d'un changement de circonstances de droit ou de fait que lorsque la décision en question n'a pas crée de droit . [...]
[...] La Société Neuf Télécom faisait valoir à l'appui de sa requête, d'une part que l'ARCEP était tenue d'abroger les autorisations délivrées à la société Altitude Télécom, parce que devenues illégales en raison d'un changement de circonstances de droit et de fait ; d'autre part que l'ARCEP devait en tout état de cause abroger la décision du 24 novembre 2005 en raison de l'intérêt attaché à une bonne gestion du domaine public hertzien et à l'existence d'une concurrence effective et loyale. En somme, le Conseil d'État était invité à préciser les conditions d'abrogation d'une décision non règlementaire. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture