Le mode de cessation des fonctions des dirigeants sociaux le plus fréquent, du moins devant les tribunaux, est la révocation, c'est à dire 'la cessation anticipée et involontaire du mandat social'. C'est une décision unilatérale émanant d'un organe de la société en vue de mettre fin aux pouvoirs conférés à certaines personnes pour administrer la société. Selon la nature et l'étendue des fonctions, les règles relatives à la révocation des dirigeants sont différentes. Les dirigeants des sociétés anonymes ( SA ), tel que le prévoyait la loi du 24 juillet 1966, étaient soumis à un régime de libre révocabilité ad nutum. Ce mode de révocation comportait une rigidité de plus en plus dénoncée, les demandes de dommages-intérêts pour révocation abusive se multipliant aussi au fil des années. C'est une illustration de cette notion de révocation abusive que nous offre l'arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de Cassation ( CC ) en date du 24 février 98.
Reprenant l'activité d'une société à la suite d'un plan de cession, une SA voit son conseil d'administration élire un président, nommer un vice-président directeur général et un second directeur général ( ancien président du CA de l'ancienne société).
Près d'un an plus tard, le conseil d'administration révoque le second DG. Cette révocation a lieu sans qu'il soit présent, le vice président l'en avisant seulement le lendemain. Le DG, estimant sa révocation abusive, assigne la société pour qu'elle soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts et que soit ordonnée la publication du jugement.
[...] CA Paris 12 avril 2002 En cas de révocation ne respectant pas le droit du DG de se défendre, les dommages-intérêts qui lui sont alloués peuvent être inférieurs à la rémunération que la société aurait dû lui verser s'il avait conservé son mandat jusqu'a son terme. CA Versailles 4 oct. [...]
[...] L'article 116 de la loi précisait que les DG sont révocables à tout moment par le CA sur proposition du Président. Par cette disposition, la loi confirmait le caractère de révocabilité ad nutum du mandat de DG et la règle jurisprudentielle suivant laquelle c'est le CA qui révoque ses DG. Le droit de révoquer le DG ne pouvait être limité et le mandataire révoqué n'avait droit à aucune indemnité à moins que sa révocation ne s'accompagne de circonstances portant atteinte à son honorabilité. [...]
[...] L'affirmation par la Cour de Cassation d'une révocation abusive pour non- respect du principe de contradiction Le dirigeant est fondé à réclamer des dommages-intérêts si sa révocation est 'abusive'. Ce principe est bien établi dans la jurisprudence, mais encore fallait-il préciser dans quels cas un tel caractère pouvait être relevé. Habituellement, la CC considère que la révocation qui a eu lieu dans des circonstances injurieuses ou vexatoires, mais aussi l'hypothèse où il y aurait eu manquement au respect du principe de contradiction sont des cas susceptibles d'entraîner une telle qualification d'abus. C'est ce que rappelle ici la Cour de Cassation. [...]
[...] (Solution réaffirmée à plusieurs reprises: Cass.Com 3 janv et Cass.Com 26 nov. 96) 2 - La conciliation du principe de contradiction avec celui de révocation ad nutum des dirigeants sociaux En adoptant une telle solution, la Cour de Cassation, tout en restant dans une ligne de la jurisprudence constante, peut néanmoins susciter quelques questions. Si le principe général de l'abus de droit vient atténuer les excès dans l'exercice du droit de révocation ad nutum, son extension progressive pourrait inciter à croire à une évolution vers l'abandon du régime très rigide et rigoriste de la liberté de révocation des dirigeants sociaux. [...]
[...] Le DG devait-il être averti afin que la décision de révocation soit régulière? En d'autres termes, quelle est la place du principe de contradiction dans le cadre de révocation d'un DG de société anonyme? La Cour de Cassation adopte une solution contraire à celle de la CA : visant l'article 116 de la loi du 24 juillet 66, elle affirme que la révocation du DG d'une SA, qui peut intervenir à tout moment, peut être abusive dans certains cas: si elle est accompagnée de circonstances qui portent atteinte à la réputation ou à l'honneur du dirigeant révoqué, ou si elle a été décidée brutalement sans respecter le principe de la contradiction. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture