L'arrêt dont il est question traite des motifs de licenciement économique et plus particulièrement de la réorganisation effectuée pour la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe. C'est sur ce dernier point que s'est prononcée la Cour de cassation dans les arrêts rendus le 11 janvier 2006.
La société "Les Pages jaunes", appartenant au groupe France Télécom, avait mis en place, en novembre 2001, un projet de réorganisation afin d'assurer la transition entre les produits traditionnels (annuaire papier et minitel) et ceux liés aux nouvelles technologies de l'information (internet, mobile, site), qu'elle jugeait indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, compte tenu des conséquences prévisibles de l'évolution technologique et de son environnement concurrentiel. Le projet, soumis au comité d'entreprise, prévoyait la modification du contrat de travail des 930 conseillers commerciaux portant sur leurs conditions de rémunération et l'intégration de nouveaux produits dans leur portefeuille. Plusieurs salariés, après avoir refusé cette modification, avaient saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant, notamment, au paiement d'une indemnité pour absence de proposition d'une convention de conversion et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Plusieurs cours d'appel eurent à connaître de la même affaire. Seule celle de Dijon conclue à la sauvegarde de la compétitivité et affirma que le licenciement consécutif au refus de la réorganisation était bien réel et sérieux. A contrario, celle de Montpellier jugea que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse dans la mesure où la réorganisation se situait uniquement dans le cadre " d'une simple amélioration de la compétitivité".
La cour de cassation, face à cette divergence au fond dut alors se prononcer sur la question de savoir si la prévention de difficultés à venir par une entreprise en santé financière pouvait justifier une réorganisation susceptible d'entraîner des licenciements ?
Contre toute attente, la cour de cassation trancha en faveur de la cour d'appel de Dijon, affirmant que " la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, que répond à ce critère la réorganisation mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques à la date du licenciement, qu'il s'ensuit que la modification des contrats de travail résultant d'une telle réorganisation a elle-même une cause économique".
Beaucoup furent surpris d'une telle décision, ainsi, nous analyserons cet arrêt en nous demandant dans quelle mesure il peut s'agir d'un revirement. Pour commenter cette décision, nous montrerons que bien que cette jurisprudence nécessite de plus amples précisions, elle n'en reste pas moins qu'une confirmation d'une tendance déjà amorcée depuis quelques années...
[...] Une conciliation plus marquée entre les deux objectifs est donc nécessaire pour légitimer cette réorganisation pour anticipation . [...]
[...] Même si les arrêts pages jaunes ne répondent pas explicitement à cette question, ils donnent néanmoins quelques précisions sur la manière d'apprécier cette sauvegarde la compétitivité . La validité d'une réorganisation préventive En l'espèce, la Cour d'appel de Dijon se projette dans l'avenir puisqu'elle décide qu' "il importe peu que le secteur d'activité de la société pages jaunes n'ait pas connu de difficultés économiques avérées à l'époque où cette mesure a été décidée". Ainsi, une entreprise saine peut se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité, ce qui implique qu'elle peut aussi procéder à des licenciements dans la même optique. [...]
[...] Et bien que cette décision ait choqué, elle n'est pourtant pas nouvelle. En effet, elle confirme finalement une jurisprudence antérieure qui admettait la prise en compte d'évolutions de l'entreprise postérieures au licenciement (Soc mars 2002). Et pour répondre aux allégations de la Cour d'appel de Montpellier concernant les résultats satisfaisants de la société pages jaunes au moment des faits, il est probable que la haute juridiction se soit fondée sur une décision du 9 juillet 1997 qui avait déjà admis qu' "il n'est pas exigé par l'article L 321-1 du Code du travail que la situation financière de l'entreprise soit catastrophique pour qu'une suppression d'emploi constitue un motif économique de licenciement, encore convient il qu'elle soit consécutive à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à une réorganisation effectuer pour sauvegarder la compétitivité . [...]
[...] En effet, pourquoi la Cour de cassation trancha-t-elle en faveur de la cour d'appel de Dijon qui semble faire primer la liberté d'entreprendre au mépris du droit à l'emploi ? Finalement, nous verrons que la réponse semble être apparue postérieurement au 11 janvier 2006, l'arrêt à lui seul étant trop imprécis Primauté du droit à l'emploi ou de la liberté d'entreprendre ? Au vu des arrêts des Cours d'appel de Dijon et de Montpellier, on se retrouve face à une opposition. [...]
[...] (Reste à préciser justement quel doit être le terme en la matière). Et justement, c'est l'arrêt du 31 mai 2006 de la Cour de Cassation qui semble venir préciser la portée de la jurisprudence des Pages Jaunes en ce qu'elle exige des éléments de preuve circonstanciés faisant état d'une menace, à l'appui d'un licenciement économique fondé sur une réorganisation de l'entreprise dans le but de prévenir des difficultés à venir. Il est vrai que, depuis la jurisprudence Pages jaunes, les entreprises sont autorisées à plus d'anticipation et c'est finalement ce qui pose encore problème car en effet, même si certaines précisions ont été apportées, on ne peut pas encore savoir quelle étendue sera attribuée à cette notion d'anticipation. [...]
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