Les opérations de restructuration peuvent être spécialement menaçantes pour les créanciers; les cas de fusion-absorption en sont l'exemple: une caution a pu se porter garante des dettes d'une société, puis suite à une opération de fusion-absorption, le créancier ne pourra se retourner contre la caution que dans certaines hypothèses.
Une illustration nous est donnée avec ces deux arrêts rendus par la Cour de Cassation le 8 novembre 2005, concernant le sort d'un cautionnement garantissant le bail en cas de fusion-absorption de la société créancière ou débitrice.
Dans les deux cas, le problème soulevé était relatif au sort du cautionnement dans des opérations de fusion-absorption de sociétés.
A ce sujet, les deux cours d'appel avaient statué en la faveur de la caution. En effet, dans le premier arrêt, les juges du fond retenaient que "la fusion ayant entrainé la disparition de la société débitrice que cautionnait la société caution, celle-ci devait donc obligatoirement réitérer son engagement au profit de la société absorbante pour que la société créancière puisse lui réclamer le paiement des loyers impayés «. (Cependant, " l'engagement de la caution demeure valable lorsque la fusion-absorption de la société débitrice a été frauduleusement motivée par l'intention de faire échapper la caution à son engagement envers le créancier", ce qui n'a pas été retenu en l'espèce)
Dans le deuxième arrêt, la CA privilégiait aussi la caution, estimant que " la fusion de la société créancière dans une personne morale nouvelle ou son absorption constituent un changement de créancier à l'égard de la caution, libérant celle-ci de ses obligations si elle n'a pas manifesté sa volonté de s'engager envers le nouveau bailleur."
Des pourvois étaient donc formés, soulevant le problème du maintien du cautionnement face à ces opérations de restructuration, et par la même, des possibilités des créanciers à être payés dans de telles hypothèses.
[...] La CA refusait l'action de la société créancière contre la caution: elle estimait que la caution n'était plus engagée. A la date de la fusion, tous les loyers étaient échus: la fusion, entrainant la disparition de la société absorbée, aurait éteint l'engagement de la caution. Pour la Cour de Cassation: l'engagement de la caution demeure en cas de changement de débiteur; c'est à dire en cas de fusion-absorption. Mais pour les obligations nées avant la dissolution de la société débitrice. La Cour de Cassation maintient donc sa position par rapport à la jurisprudence passée. [...]
[...] Toutefois des difficultés sont apparues en matière de cautionnement. Comme le relève M. Jeantin, la transmission universelle du patrimoine est impuissante à "lever les obstacle juridiques inhérents à la transmission de certains éléments, en raison du caractère intuitu personae qui les composent". La chambre commerciale s'est prononcée sur ce sujet en adoptant une distinction entre obligation de règlement et obligation de couverture à la charge de la caution. La première correspond à la garantie des dettes nées antérieurement à la réalisation définitive de la dissolution, la seconde concerne les dettes qui ne seraient pas encore nées au jour de la fusion. [...]
[...] Pour pallier les incidences diverses de ce changement de débiteur, les créanciers jouissent de la faculté d'opposition. Ils peuvent donc saisir le juge dans les trente jours de la publicité du projet de fusion. Le tribunal peut ordonner le remboursement immédiat de la créance, la constitution de garanties supplémentaires, (si la société absorbante en offre et si elles sont jugées suffisantes) ou rejeter l'opposition. (Mais cette opposition n'interdit pas de mener à bien les opérations de fusion, la fusion sera inopposable au créancier opposant) Qu'en est-il des garanties? Sont-elles également transmises? [...]
[...] En cas de fusion entre la caution et la société débitrice, le cautionnement s'éteint, sauf pour le créancier à faire opposition à l'opération. art. L236-14). En cas de fusion de la société créancière avec une autre société donnant naissance à une personne morale nouvelle, le cautionnement ne survit aussi que pour les dettes antérieures à l'opération. (Cass com 20 janvier 87). Ainsi jusqu'à ces arrêts du 8 novembre 2005, il était admis que la caution demeurait tenue pour les seules obligations nées avant l'opération de fusion ayant conduit à la dissolution. [...]
[...] La solution aurait alors une portée limitée. L'autre partie de la doctrine (la majorité) considère plutôt qu'elle s'appliquerait à tous les cas de fusion. En effet, la référence unique à l'article L236-3 peut inciter à penser dans ce sens . Il faudrait y voir une portée plus générale, englobant toutes les hypothèses de cautionnement dès lors qu'il y a une fusion-scission intéressant la société créancière, du fait de la transmission universelle de patrimoine. Quoi qu'il en soit, en attendant que la cour se prononce à ce sujet, il ressort de ces deux arrêts que l'efficacité du cautionnement est plus renforcée qu'auparavant. [...]
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