L'arrêt que nous devons commenter traite de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat et plus particulièrement d'une nouvelle modalité de la bonne foi qui est la cohérence du comportement du cocontractant.
En l'espèce, une seule et même société avait ouvert auprès d'une banque un compte courant subdivisé en deux sous-comptes, le premier pour les opérations en francs et le second pour les opérations en dollars. Les relations contractuelles témoignaient de l'interdépendance entre ces deux sous-comptes, formellement exprimée par une clause d'unité de compte. Pendant une période marquée par d'importantes difficultés financières rencontrées par la société, la banque fit abstraction de cette clause et, dans ses rapports avec sa cliente, se comporta comme si les deux comptes étaient indépendants. Puis, la situation financière de la société empirant encore avec le temps, la banque se prévalut alors de la convention d'unité de compte pour lui réclamer après fusion des deux comptes, la somme de 2845240,49 francs.
Estimant que le refus d'exécution de ces ordres de virement lui a été préjudiciable, la société agit en dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle. Elle fut déboutée par la cour d'appel de Paris, estimant que « la banque pouvait se prévaloir de la convention d'unité de compte qu'au seul moment où elle notifiait à sa cliente la clôture de son compte ».
Se posa alors la question de savoir si un comportement incohérent pouvait être comparable à un manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat, autrement dit, si un comportement contradictoire pouvait venir à l'encontre du principe de loyauté et de la confiance instaurés entre les deux parties.
Le motif de la cour d'appel entraîna la cassation sous le visa de l'alinéa 3 de l' article 1134 du code civil. La chambre commerciale de la cour de cassation déclara en effet que la cour d'appel n'avait pas tiré les conséquences légales de ces constatations, puisque la banque avait fait fonctionner les comptes comme des comptes indépendants ce qui était incompatible avec l'application de la convention d'unité de compte dont elle avait ensuite revendiqué le bénéfice, ce qui symbolisa un manquement à son obligation de l'exécuter de bonne foi.
Pour commenter cet arrêt nous verrons en premier lieu que pour casser la décision d'appel, la cour de cassation se fonda à nouveau sur la bonne foi (I) mais dégagea, en second lieu, une nouvelle exigence qu'est celle de cohérence contractuelle (II).
[...] Commentaire d'arrêt : Cass. com mars 2005 L'arrêt que nous devons commenter traite de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat et plus particulièrement d'une nouvelle modalité de la bonne foi qui est la cohérence du comportement du cocontractant. En l'espèce, une seule et même société avait ouvert auprès d'une banque un compte courant subdivisé en deux sous-comptes, le premier pour les opérations en francs et le second pour les opérations en dollars. Les relations contractuelles témoignaient de l'interdépendance entre ces deux sous-comptes, formellement exprimée par une clause d'unité de compte. [...]
[...] Tout d'abord, en matière pré contractuelle, si en raison de la durée de la négociation ou des coûts qu'elle a engendrés, les pourparlers ont permis au cocontractant de croire en la conclusion du contrat, leur rupture pourra être sanctionnée si elle est trop brutale car trahissant l'incohérence du négociateur incertain et mettant en jeu sa responsabilité délictuelle. (Cass. com janvier 2003). On trouve aussi d'autres exemples dans le contrôle de la validité du contrat et des clauses qui le composent. En effet, si les clauses qui réduisent à néant ou excluent la sanction de l'inexécution d'une obligation essentielle sont souvent réputées non écrites, c'est parce que la cour de cassation considère qu'elles sont en contradictions avec la substance même de l'obligation en question, autrement dit qu'elles contredisent les éléments essentiels qui la composent. [...]
[...] Il s'agirait en quelque sorte de faire entrer la morale dans le droit positif selon Ripert. La doctrine et la jurisprudence ont longtemps refusé à ce principe une importance notable. Pour certains auteurs, la bonne foi reflèterait une disposition technique dépourvue de signification substantielle (Flour et Aubert). Elle marquerait simplement la disparition de la distinction romaine entre les contrats de droit strict dont le contenu était déterminé par le sens littéral des termes employés, et les contrats de bonne foi dont l'interprétation pouvait être plus souple. [...]
[...] Une exigence supplémentaire de cohérence contractuelle Dans l'arrêt que nous commentons, la cour de cassation, pour sanctionner le manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi, souligne un manque de cohérence dans l'exécution de l'obligation. Nous verrons d'une part que la cour de cassation étend encore plus la notion de bonne foi, en se fondant non seulement sur la loyauté mais aussi sur la cohérence du comportement, et nous nous demanderons d'autre part, si cette dernière ne pourrait pas être rapprochée de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, récemment consacrée par Unidroit, ce qui permettrait sa réception en droit positif français. [...]
[...] Pour commenter cet arrêt nous verrons en premier lieu que pour casser la décision d'appel, la cour de cassation se fonda à nouveau sur la bonne foi mais dégagea, en second lieu, une nouvelle exigence qu'est celle de cohérence contractuelle (II). Une confirmation de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat L'article 1134 alinéa 3 dispose que les conventions doivent être exécutées de bonne foi Nous verrons que petit à petit la bonne foi est devenue très importante grâce à la jurisprudence qui a offert un contenu à ce principe à travers la notion de loyauté par exemple, mais aussi insuffisante dans la pratique tant cette notion peut être abstraite La bonne foi : une notion en plein essor La bonne foi est un corollaire de la force obligatoire du contrat. [...]
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