« Le meilleur moyen d'être payé est encore sans doute d‘être… débiteur de son débiteur », c'est en ces termes que le professeur Jacques Mestre illustre le principe de compensation posé par les articles 1289 et suivants du Code civil.
Le recouvrement d'une dette due par un débiteur, qu'il soit emprunteur, cocontractant ou autre, peut parfois s'avérer fastidieux lorsqu'il y a défaut de paiement, cession de créance, faillite ou que des procédures judiciaires doivent être intentées. Dans les cas où cela est possible, le créancier peut avoir intérêt à invoquer la compensation surtout lorsqu'il possède une créance chirographaire, c'est-à-dire sans aucune garantie de paiement.
L'arrêt de la Chambre Commerciale du 8 janvier 2002 est une parfaite illustration des avantages que présente ce mode d'extinction de l'obligation, notamment pour les associés d'une société en procédure collective, invités à payer la fraction non libérée de leur apport en numéraire. Ceux-ci, conscients que la fraction non libérée du capital social ne servira pas l'entreprise mais viendra grossir le gage des créanciers sociaux, sont souvent réticents au paiement.
Dans le cas de l'espèce, le liquidateur d'une société mise en liquidation judiciaire le 9 juin 1994 a assigné les associés de la société Avance Ordin express en paiement de la fraction non libérée du capital social. Ce à quoi l'un d'eux a répondu qu'il s'était libéré, avant le jugement d'ouverture, du deuxième quart de ce capital par compensation avec le solde de son compte-courant dans les livres de la société. Mais les juges du fond l'ont tout de même condamné au paiement de ce deuxième quart en retenant que sa créance en tant qu'associé était née du prêt consenti à la société tandis que sa dette dérivait du contrat de société et qu'en conséquence il ne pouvait se prévaloir de la compensation.
Sur pourvoi de l'intéressé la Cour de Cassation est amenée à se prononcer sur la nature de la compensation dont se prévaut un associé débiteur de la créance de libération du capital souscrit et créancier du remboursement du solde de son compte courant, avant l'ouverture de la procédure collective. Sommes-nous en présence d'une compensation judiciaire nécessitant de la recherche d'un lien de connexité, ou alors face à une compensation légale, s'opérant de plein droit ?
La Cour de Cassation semble y voir une compensation légale (II) en censurant la Cour d'appel de Paris pour s'être placée sur le seul terrain de la compensation pour connexité(I)
[...] Dans le cas de l'espèce, le liquidateur d'une société mise en liquidation judiciaire le 9 juin 1994 a assigné les associés de la société Avance Ordin express en paiement de la fraction non libérée du capital social. Ce à quoi l'un d'eux a répondu qu'il s'était libéré, avant le jugement d'ouverture, du deuxième quart de ce capital par compensation avec le solde de son compte-courant dans les livres de la société. Mais les juges du fond l'ont tout de même condamné au paiement de ce deuxième quart en retenant que sa créance en tant qu'associé était née du prêt consenti à la société tandis que sa dette dérivait du contrat de société et qu'en conséquence il ne pouvait se prévaloir de la compensation. [...]
[...] La plus faible est éteinte totalement et la plus forte est éteinte partiellement et subsiste pour la différence. Ainsi les intérêts cessent de courir sur la partie compensée. Par ailleurs, La compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs, les deux dettes s'éteignent réciproquement à l'instance où elles se trouvent exister à la fois jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives (Article 1290 du Code civil) A la lecture de ce texte il semblerait que les deux parties n'aient aucune initiative, que la compensation se réalise en dehors d'elles, les deux dettes s'éteignant à l'insu des acteurs de la compensation Mais, il serait judicieux de très vite nuancer ce principe de la compensation de plein droit par une autre règle beaucoup plus générale (qui ne provient donc pas des règles de la compensation) : le principe selon lequel une situation légale ne peut être mise en œuvre qu'après avoir été invoquée par une partie. [...]
[...] Ne concourent-ils pas tous deux à financer l'activité de la société ? Cette position conduit à placer M. Pinoteau, pour le paiement du solde de son compte courant d'associé, dans une position de créancier chirographaire, ayant l'obligation de déclarer sa créance dans les délais légaux, sans aucune certitude de la recouvrer si par ailleurs les autres créanciers de la société disposent de garanties (parfois même grâce au mécanisme de compensation judiciaire). Par ailleurs, comble de l'ironie, il est invité à payer la fraction non libérée du capital social : la solution de la Cour d'Appel a comme un goût de double peine En recherchant l'existence d'un lien de connexité, la Cour d'Appel s'est placée sur le terrain de la compensation judicaire. [...]
[...] Pour condamner M. Pinoteau au paiement de la fraction non libérée du capital social, elle retient que sa créance en tant qu'associé était née du prêt consenti à la société, tandis que sa dette dérivait du contrat de société, et qu'en conséquence l'intéressé ne pouvait se prévaloir de la compensation Le juge s'en tient à une interprétation excessivement restrictive de la notion de connexité entendue seulement comme celle qui peut résulter de l'unicité du contrat. Le refus de voir une certaine connexité dans cette hypothèse est fort regrettable. [...]
[...] Elle éteint les deux dettes à hauteur de la moins élevée. La plus faible est éteinte totalement et la plus forte est éteinte partiellement et subsiste pour la différence. Ainsi les intérêts cessent de courir sur la partie compensée. La compensation s'opère de plein droit dès l'instant que les dettes se trouvent exister à réciproquement. La solution retenue par la Cour de Cassation, qui relève de la logique pure, nous conduit à analyser la compensation légale comme le principe, et la compensation judiciaire comme une exception. [...]
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