A l'origine, le cautionnement était un service d'ami. Ce n'est plus vrai aujourd'hui, cette sûreté personnelle tend même à devenir un service bancaire comme un autre ce que suggère l'arrêt rendu par l'assemblée plénière le 6 décembre 2004. En effet, en l'espèce, une société a donné en location un appartement à un particulier en 1988 et ce, pour une durée de 6 ans. Une société bancaire s'est rendue caution solidaire du locataire pour le paiement des loyers en cas de défaillance de celui-ci. La société bailleresse a ensuite revendu l'immeuble à une autre société. Les loyers étant restés impayés pendant plusieurs mois après la cession, cette dernière, propriétaire de l'immeuble, s'est adressée à la caution qui a refusé de payer au motif qu'il s'était opéré un changement de propriétaire.
La chambre commerciale de la cour de cassation, dans un arrêt du 26 octobre 1999, a cassé et annulé l'arrêt d'une cour d'appel en donnant ainsi gain de cause à la société caution et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Rouen. Cette dernière, dans un arrêt du 10 décembre 2002, a rejeté les demandes de la société caution pour plusieurs motifs. Selon les juges du fond, la personne du bailleur est indifférente et les relations contractuelles se poursuivent avec le nouveau bailleur. De plus, la société caution n'a pas discuté le principe de son obligation avant le début de la procédure.
La société se pourvoit donc en cassation.
Elle prétend tout d'abord qu'elle n'a donné son engagement qu'au profit de la première société bailleresse, la cour d'appel aurait alors dénaturé l'article 1134 du code civil. La demanderesse au pourvoi aurait également dû manifester sa volonté de s'engager auprès du nouveau propriétaire, les juges du fond auraient donc violé les articles 2011 et 2015 du code civil. De plus, elle affirme que l'article 1692 du code civil qui dispose que la vente ou la cession d'une créance comprend les accessoires tels que la caution n'est pas applicable en l'espèce car il s'agit ici d'une vente d'immeuble et non d'une cession de créance. D'autre part, elle évoque le fait que le cautionnement n'est pas transmis au cessionnaire sans l'accord de la caution et qu'il ne se présume pas. Enfin, selon elle, la cour d'appel aurait du constater si ce n'est pas par des motifs inopérants que la caution avait expressément reconnue qu'elle s'était engagée envers l'acquéreur de l'immeuble.
La question se trouvait donc posée à l'assemblée plénière de la cour de cassation de savoir si en cas de vente d'un immeuble donné à bail, le nouveau propriétaire pouvait, en l'état du seul transfert de propriété, obtenir de la caution le paiement des loyers impayés.
L'Assemblée plénière de la cour de cassation rejette le pourvoi au motif qu'en cas de vente d'un immeuble donné à bail, le cautionnement garantissant le paiement des loyers est, sauf stipulation contraire, transmis de plein droit au nouveau propriétaire en tant qu'accessoire de la créance de loyers cédée à l'acquéreur par l'effet combiné de l'article 1743 et des articles 1692, 2013 et 2015 du code civil.
Il convient donc d'analyser, dans une première partie, le revirement de jurisprudence opéré par l'assemblée plénière, revirement modifiant la portée de l'intuitus personae (I), puis nous envisagerons dans une seconde partie le retour à une harmonie de la jurisprudence par la confirmation du caractère accessoire de la caution (II).
[...] D'autre part, cet arrêt a apparemment installé une certaine insécurité juridique, puisque si la caution ne manifestait pas sa volonté de s'engager à nouveau envers le nouvel acquéreur celui ci se retrouvait alors sans sûreté personnelle et régressait en quelque sorte au rang de créancier chirographaire. Enfin, le créancier ne pouvait pas obtenir satisfaction car il perdait le droit de réclamer ses loyers impayés. Face à ces critiques, ainsi qu'à l'opposition des juges du fond, dont on a d'ailleurs dit qu'ils faisaient de la rébellion l'assemblée plénière est intervenue dans le but de rétablir une jurisprudence plus cohérente. B. La consécration du caractère secondaire de l'intuitu personae Il est reconnu depuis longtemps que le contrat de cautionnement possède un caractère intuitu personae. [...]
[...] Il faut également remarquer que cette jurisprudence a eu un plus fort rayonnement, en effet, la chambre commerciale, par un arrêt du 8 novembre 2005 a admis que la caution continuait de garantir les loyers dus par une société, alors même qu'elle s'était engagée envers une personne morale ayant fusionnée. Cette solution s'est donc étendue au domaine des fusions de société, ce qui semble être satisfaisant au regard de la sécurité juridique qu'elle apporte. [...]
[...] Néanmoins, l'assemblée plénière, dans son arrêt admet que la caution est toujours tenue à son engagement et ce, quand bien même le bailleur est différent de celui avec qui elle a conclu le contrat de cautionnement. Cette solution semble donc, à première vue, être en totale contradiction avec le caractère intuitu personnae du contrat de cautionnement. Cependant, il est possible ici de comprendre et même d'approuver le raisonnement de la cour de cassation. La caution s'est engagée en l'espèce pour une durée déterminée et il n'était pas précisé dans le contrat de cautionnement que le contrat prendrait fin avant le terme fixé, notamment en cas de changement de bailleur. [...]
[...] Il a en effet pour vocation première de servir la créance principale. Ce caractère accessoire donne lieu à plusieurs conséquences : la caution peut invoquer toutes les exceptions à la dette principale (article 2313), de plus, le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable (article 2289). Ainsi, on considère que la sûreté suit le contrat principal. L'article 1692 du code civil visé par l'assemblée plénière dispose que la vente ou cession d'une créance comprend les accessoires de la créance tels que caution, privilèges, hypothèque En visant cet article, accompagné des articles 2013 et 2015 du code civil, la cour de cassation entérine l'idée selon laquelle le cautionnement est déterminé par la créance qu'il garantit, en l'espèce, la créance de loyers. [...]
[...] La jurisprudence en matière de cautionnement est désormais plus cohérente puisqu'elle rétablit le principe d'interdépendance entre l'obligation principale et le cautionnement. Elle rétablit également une certaine sécurité juridique au profit des créanciers, des acquéreurs d'immeuble donné à bail. La plus importante conséquence sur le plan pratique est que désormais la caution pourra inscrire dans le contrat de cautionnement si elle refuse que son engagement soit étendu à un éventuel nouveau créancier. Cette solution équitable a d'ailleurs était reprise par la cour de cassation elle-même qui, dans un arrêt du 16 décembre 2004, affirme que conformément à l'article 1692 du code civil, la cession de créance avait entraîné de plein droit la cession du cautionnement. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture