Depuis plusieurs années déjà à la recherche d'une qualification et d'un régime satisfaisants pour les sociétés dissoutes mais non liquidées, la Cour de Cassation, par l'intermédiaire de la 1ère chambre civile entend dans cet arrêt du 13 décembre 2005 apporter une réponse à ce vide jurisprudentiel.
Les faits étaient les suivants : les statuts d'une société civile professionnelle de médecins-radiologues, la SCP Bouis-Lehnisch-Seton, organisaient un droit de retrait tout en précisant qu'en cas de non-notification à l'associé se retirant, dans les 6 mois de l'annonce faite par lui de son départ, d'un projet de cession de ses parts à l'un des associés ou un à tiers, ou de rachat par la société, cette dernière était de plein droit acheteuse des parts du retrayant et par conséquent débitrice du prix. En l'espèce, l'un des associés, Mme X, entend se retirer après la survenance du terme statutaire de la société, fixé au 31 décembre 1994. Précisons également que l'activité commune s'était maintenue postérieurement au terme statutaire (la dissolution de la société était donc survenue de plein droit), et qu'aucun des associés n'avait entrepris de démarche afin de procéder à la liquidation de la SCP dissoute.
En l'état de ces constatations, la question posée aux juges du fond puis à la Cour de Cassation était celle de savoir si l'associée désirant se retirer pouvait valablement invoquer les statuts de la société, et par conséquent le droit de retrait, et réclamer le paiement par la société du prix de ses parts. La Cour d'Appel de Nîmes, par un arrêt du 7 février 2002, donne gain de cause à l'associée retrayante. Les deux autres associés, MM. Y et Z, se sont pourvus en Cassation en faisant valoir que la clause relative au droit de retrait n'était plus applicable dès lors que l'exercice par un associé de ce droit de retrait met à la charge de la société l'obligation de faire racheter ou d'acheter elle-même les parts du retrayant, et que cette obligation était étrangère aux besoins de la liquidation, ce dont il résultait que la Cour d'Appel aurait violé l'art. 1844-8 du Code Civil ; arguments qui n'ont pas été propres à ébranler la construction jurisprudentielle de la Cour d'Appel : par l'arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation, en date du 13 décembre 2005, la position des juges du fond est confirmée : oui, Mme X. pouvait valablement se retirer de la SCP Bouis-Lehnisch-Seton : la Cour d'Appel, à partir de ses constatations « qui font ressortir l'existence d'une société devenue de fait », « a pu décider que les statuts de la société dissoute par survenance du terme statutaire continuaient de régir les rapports entre associé et donc l'exercice du droit de retrait prévu par eux » ; et par conséquent, Mme X. pouvait valablement exercer son droit de retrait. La Cour de Cassation consacre par cet arrêt l'existence de la société devenue de fait (I) mais force est de constater que cette jurisprudence est lacunaire (II).
[...] La Cour de Cassation fait donc peu de cas de la volonté et de la nature de l'affectio societatis des associés. De plus, par la qualification en l'espèce de la société dissoute mais non liquidée en société devenue de fait les juges ont créé, entre les associés, une société autre que la SCP Bouis-Lehnisch-Seton dont le fondement juridique essentiel (les statuts) est extrait de la SCP dissoute. Peut-être serait-il possible de reconnaître une volonté implicite des associés de placer leurs rapports postérieurs à la dissolution sous le gouvernement des statuts ? [...]
[...] Bien au contraire : l'absence d'une quelconque initiative de la part des associés pour mettre en marche la procédure de liquidation témoigne bel et bien d'un maintien de l'affectio societatis. B. le régime de la société devenue de fait : les rapports entre les associes et les rapports entre la société et les associes La 1ère chambre civile de la Cour de Cassation approuve la Cour d'Appel d'avoir décidé que les statuts de la société dissoute par la survenance du terme statutaire continuaient de régir les rapports entre les associés et donc en l'espèce les conditions de l'exercice du droit de retrait aménagé par ceux-ci (elle étend en quelque sorte à la société dissoute mais non liquidée la jurisprudence résultant de l'arrêt de la 3e chambre civile du 3 février 1993, selon laquelle les statuts continuent de s'appliquer pendant la liquidation). [...]
[...] 1844-8 alinéa 3 du Code Civil, nous aboutissons donc à la violation de l'article 32-2 des statuts de la SCP Bouis-Lehnisch-Seton, qui ne prévoient aucune substitution des associés à la société. De plus, en l'état actuel de la jurisprudence, il est impossible à la société devenue de fait de s'engager valablement avec les tiers, ce qui est assez gênant en l'espèce, puisque la SCP de médecins- radiologues continuant de fonctionner normalement après sa dissolution par la survenance du terme statutaire, il est fort probable qu'elle ait conclu des contrats avec des tiers (patients ) et de la volonté des associés ? [...]
[...] Cette détermination est, la plupart du temps, établie de façon contradictoire entre les associés de fait entre eux ou les associés de fait et un tiers ayant un intérêt à agir. En l'espèce, cette détermination n'a pas lieu d'être car les associés ont exprimé clairement, lors de la constitution de la société, leur volonté concernant leurs apports et les droits de chacun lors de la liquidation, et le fait qu'ils poursuivent l'activité de la société non dissoute ne vient pas contrecarrer cette volonté claire et transcrite dans les statuts. [...]
[...] SCF : société créée de fait. [...]
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