La mise en jeu de la responsabilité implique une condition préalable à l'existence d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre cette faute et ce dommage : l'auteur doit être imputable. L'imputabilité est présumée, mais les juges doivent néanmoins relever les cas où l'auteur n'est pas imputable.
Le cas du dément a été beaucoup discuté. En effet, en droit pénal, l'article 122-1 du Code Pénal énonce l'irresponsabilité de « la personne, atteinte au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ». Ainsi, au pénal, le dément semble irresponsable. Pour que la responsabilité pénale soit engagée, cet article semble dégager une condition de faculté de discernement dont l'auteur de l'infraction doit être doté.
Il n'existe pas un tel article en droit civil. La loi n'énonce pas une condition de discernement pour l'imputabilité. C'est donc la Jurisprudence et la doctrine qui traitèrent le sujet qui, il faut le souligner, a beaucoup évolué.
L'arrêt Trichard de la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation du 18 décembre 1964 s'inscrit dans cette évolution.
Un automobiliste pris d'une crise d'épilepsie, heurte une charrette. Le conducteur de la charrette, blessé, assigne en réparation de son préjudice l'auteur de l'accident. Ce dernier a été relaxé au pénal pour démence.
La Cour d'Appel retient la responsabilité du dément gardien de la chose bien qu'il soit pris d'une crise de démence.
Le pourvoi fait valoir qu'en vertu de la jurisprudence antérieure le dément doit être exonéré de la présomption de responsabilité.
Il convient d'ores et déjà de souligner qu'à travers cet arrêt, c'est de la responsabilité du fait des choses du dément que nous traiterons puisque le dément est, en l'espèce, gardien de la voiture. Le gardien d'une chose a le pouvoir d'user, de diriger et de contrôler cette chose.
Un individu privé de discernement peut-il avoir la garde d'une chose au sens de l'article 1384 du Code Civil?
La Cour de Cassation rejette le pourvoi et admet que l'obnubilation passagère n'est pas une cause extérieure ou étrangère au dommage. Le dément peut donc être responsable au civil et gardien d'une chose.
Après avoir étudié en quoi cet arrêt est en rupture avec la tradition d'irresponsabilité du dément (I), il faudra démontrer en quoi cet arrêt après avoir été discuté par la doctrine a été consacré par une loi (II).
[...] La consécration de l'arrêt par la loi de 1968 En 1968, le législateur décide de clarifier la situation en ajoutant un article 489-2 au Code Civil qui dispose que celui qui a causé un dommage à autrui, alors qu'il était sous l'empire d'un trouble mental, n'en est pas moins obligé à réparation Cette loi consacre la position de l'arrêt Trichard dans la mesure où elle déclare qu'un dément n'est pas irresponsable par nature et donc qu'il peut être gardien d'une chose. Elle met donc fin aux débats doctrinaux en consacrant l'arrêt Trichard dans des termes plus généraux. Ainsi, la question ne se pose de savoir si la responsabilité ne s'applique qu'à l'épilepsie ou à toutes les formes de démence. Le dément n'a pas de présomption d'irresponsabilité civile. Il doit comme tous les auteurs d'un dommage prouver un cas de force majeure (qui ne peut être sa démence) pour espérer être déclaré irresponsable. [...]
[...] Le dément peut donc être responsable au civil et gardien d'une chose. Après avoir étudié en quoi cet arrêt est en rupture avec la tradition d'irresponsabilité du dément il faudra démontrer en quoi cet arrêt après avoir été discuté par la doctrine a été consacré par une loi (II). I. Un arrêt qui rompt avec la tradition d'un dément irresponsable On ne peut comprendre l'intérêt et le sens de cet arrêt qu'en étudiant la portée : il s'inscrit dans une pleine évolution. [...]
[...] C'est sur ce raisonnement que se fonde le pourvoi dans l'arrêt Trichard en invoquant le fait que le dément ne puisse être responsable civilement. Cette tradition a cependant connu de fortes critiques de la part de la doctrine. En effet, cette solution paraissait difficile aux victimes : comment expliquer à une victime qu'elle ne pourra être indemnisée de son préjudice parce que celui-ci a été causé par un dément ? Ces critiques ont poussé la jurisprudence à rompre avec cette solution. B. [...]
[...] L'arrêt Trichard de la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation du 18 décembre 1964 s'inscrit dans cette évolution. Un automobiliste pris d'une crise d'épilepsie, heurte une charrette. Le conducteur de la charrette, blessé, assigne en réparation de son préjudice l'auteur de l'accident. Ce dernier a été relaxé au pénal pour démence. La Cour d'Appel retient la responsabilité du dément gardien de la chose bien qu'il soit pris d'une crise de démence. Le pourvoi fait valoir qu'en vertu de la jurisprudence antérieure le dément doit être exonéré de la présomption de responsabilité. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt du 18 décembre 1964 de la 2ème chambre civile de la cour de cassation La mise en jeu de la responsabilité implique une condition préalable à l'existence d'une faute, d'un dommage et d'un lien de causalité entre cette faute et ce dommage : l'auteur doit être imputable. L'imputabilité est présumée, mais les juges doivent néanmoins relever les cas où l'auteur n'est pas imputable. Le cas du dément a été beaucoup discuté. En effet, en droit pénal, l'article 122-1 du Code Pénal énonce l'irresponsabilité de la personne, atteinte au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes Ainsi, au pénal, le dément semble irresponsable. [...]
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