La réalité juridique d'une situation n'apparaît pas toujours immédiatement, et le comportement des intéressés au moment où naissent des rapports de droit pourra tromper les tiers quant à cette réalité juridique. Sans même en avoir conscience, des personnes vont adopter le comportement de véritables associés d'une société et respecter, sur le fond, les règles sociétaires. Elles créeront l'apparence d'une société dite créée de fait, mais une apparence trompeuse, qui suppose un décalage entre ce qui apparaît et la réalité juridique.
Dans de telles circonstances, la Cour de cassation, depuis un, va appliquer la théorie dite de l'apparence qui suppose que les tiers trompés de bonne foi par les apparences trompeuses bénéficient des mêmes effets juridiques d'une véritable société.
Dans les faits, deux commerçants, Messieurs Thibault et Lassalle, partageaient les mêmes locaux pour exercer leur activité commerçante respective, situation juridique régie par un contrat de sous-location conclu entre les deux intéressés. Lassalle, seul, avait passé une commande de matériel avec la société anonyme Aucanne. N'ayant pas été payée, celle-ci, créancière de Lassalle, a demandé à Thibault, qu'elle croyait être son associé, le paiement de la facture, en invoquant l'apparence d'associés de fait que les deux commerçants avaient laissée se créer. Ce-dernier a refusé de payer la créance. Une juridiction de première instance a donc été saisie pour trancher le litige.
Il convient de préciser que, la société Aucanne étant demandeur à l'instance, il pesait sur elle la charge de la preuve de l'existence d'une société créée de fait.
L'arrêt de la Cour de cassation ne relate pas le jugement rendu en première instance. Quoiqu'il en soit, un appel a été interjeté et la Cour d'appel de Bordeaux, dans un arrêt du 11 avril 1979, a condamné solidairement Thibault et Lassalle à payer à ladite société Aucanne le montant des factures litigieuses. Pour ce faire, la Cour d'appel a constaté que la société Aucanne avait, de bonne foi, été induite en erreur par des « apparences trompeuses » dues au comportement des deux commerçants qui avaient créé cette apparence qu'ils exerçaient leur activité en tant qu'associés. La Cour d'appel précise que l'apparence de cette société existait « quelles qu'aient pu être les relations ou liens personnels » entre les deux commerçants, c'est à dire sans tenir compte du contrat de sous-location du local commercial conclu entre eux.
[...] Cet arrêt de principe qui applique pour la première fois, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1978 qui a réformé le droit des sociétés créées de fait, la théorie dite de l'apparence. L'application de cette théorie a pour conséquence d'alléger considérablement la charge de la preuve des tiers qui allèguent avoir été trompés par les apparences c'est-à-dire par les comportements des associés de fait (II). I. La consécration pratique de la théorie de l'apparence : l'allègement du fardeau de la preuve de l'existence d'une société créée de fait pesant sur les tiers La Cour de cassation se contentant d'une preuve globale de l'apparence de l'existence d'une société créée de fait, la charge de la preuve pesant sur les tiers en est considérablement allégée Les conséquences juridiques de cette attente ne seront profitables qu'aux tiers, et non aux associés de fait Le recours des tribunaux à la notion d'apparence de société créée de fait : une appréciation globale de l'apparence La société créée de fait naîtrait du comportement de personnes agissant et se comportant comme des associés, sans convention spécifique selon le professeur B. [...]
[...] En dernier lieu, Monsieur Thibault faisait grief à la Cour d'appel de n'avoir pas recherché si la société Aucanne n'avait pas fait preuve d'imprudence en ne procédant à aucune investigation quant à la qualité de son débiteur avant de contracter avec lui. La Cour de cassation n'a pas retenu les griefs de Monsieur Thibault. Au contraire, elle a confirmé dans toutes ses dispositions la position de la Cour d'appel, faisant application d'une théorie dite de l'apparence. Elle a eu à se demander si la preuve des trois conditions de validité du contrat de société devait être rapportée par les tiers trompés, afin de révéler l'existence d'une société créée de fait ? [...]
[...] On peut supposer alors que la théorie de l'apparence rejoigne celle de la responsabilité délictuelle de l'article 1382 du Code civil, théorie par laquelle tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer B'/ Une jurisprudence permissive sans critère strict d'appréciation de l'apparence La théorie de l'apparence consacrée dans cet arrêt est donc bien plus favorable aux tiers qu'aux associés de fait eux-mêmes. Découvrir l'existence implicite d'une société créée de fait aurait pu être très difficile si la Cour avait exigé la démonstration des trois éléments constitutifs du contrat de société. Or, cette existence se déduit selon les circonstances, globalement et selon l'attitude et la conduite des associés apparents. Elle se prouve par tout moyen en faveur donc des tiers de bonne foi et indépendamment des relations contractuelles des associés. Cette appréciation souveraine des juges et globale est pour le moins subjective. [...]
[...] Ces deux types de société sont en effet totalement différents. Quand la société créée de fait désigne la situation dans laquelle des personnes ont eu le comportement que l'on attend d'associés, sans pour autant avoir exprimé la volonté de former une société, la société de fait est la situation dans laquelle une société immatriculée a été annulée et dont la personnalité juridique survit pour les besoins de sa liquidation. Toutefois, la Cour de cassation rectifiera son erreur dans ses arrêts futurs. Cet arrêt reste un arrêt de principe. [...]
[...] Commentaire de l'arrêt du 13 novembre 1980 Chambre commerciale de la Cour de cassation La réalité juridique d'une situation n'apparaît pas toujours immédiatement, et le comportement des intéressés au moment où naissent des rapports de droit pourra tromper les tiers quant à cette réalité juridique. Sans même en avoir conscience, des personnes vont adopter le comportement de véritables associés d'une société et respecter, sur le fond, les règles sociétaires. Elles créeront l'apparence d'une société dite créée de fait, mais une apparence trompeuse, qui suppose un décalage entre ce qui apparaît et la réalité juridique. [...]
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