« Le plus sûr moyen d'être payé, lorsqu'on est créancier d'un insolvable, reste d'être également son débiteur » indique très justement Jacques Mestre. Ce propos illustre parfaitement l'arrêt du 10 mai 2000, qui traite du problème particulier posé par la compensation de créances dans le cadre d'une procédure collective.
La société Codhor, une société coopérative est mise en redressement judiciaire puis, un plan de cession est décidé. Le commissaire à l'exécution de ce plan de cession demande la condamnation de la société Fournis, une de ses adhérentes, en paiement d'une créance réglée par la société Codhor auprès d'un fournisseur de marchandises livrées à l'adhérent.
La société Fournis oppose une exception de compensation avec une avance de paiement, demande qu'accueille la Cour d'Appel. Les juges du fond retiennent en effet que la compensation peut jouer car les créances sont connexes car dérivées du contrat de coopération existant entre la société Fournis et la société Codhor.
Toutefois, le commissaire à l'exécution du plan de cession forme un pourvoi contre cet arrêt car il estime que la compensation ne peut jouer entre les deux créances. En effet, il analyse, en premier lieu, l'avance de paiement consentie par l'adhérent en une créance immobilisée, c'est-à-dire insusceptible de pouvoir se compenser avec une autre créance. En second lieu, il conteste la connexité des deux créances car, selon lui, la connexité ne peut jouer qu'au sein d'un même contrat or, les créances dont il est question, une créance d'actionnaire et une créance issue d'un contrat de fourniture ne proviennent pas d'un même contrat et ne peuvent donc être considérées comme connexes.
Dans le cadre d'une procédure collective, dans quelles conditions la compensation de créances nées antérieurement au jugement d'ouverture peut-elle jouer ?
[...] Ainsi, en principe, une fois le jugement d'ouverture de la procédure collective prononcé, la compensation ne peut plus jouer, quelle que soit la nature de la créance (voir par exemple un arrêt du 14 mai 1996 qui rappelle ce principe). Le créancier a donc l'obligation de déclarer sa créance à la procédure collective du débiteur pour obtenir paiement de ce qui lui est dû et il ne peut pas agir en exécution forcée pour la créance qui lui est due. [...]
[...] Pourtant, la jurisprudence était unanime pour reconnaître cette règle bien qu'il y ait eu quelques hésitations après la loi de 1985 qui a légalement reconnu l'interdiction de payer les créances antérieures. La jurisprudence séculaire a finalement été définitivement rétablie par un arrêt du 19 mars 1991 puis confirmée par la loi du 10 juin 1994. La jurisprudence a ainsi admis que la compensation entre créances connexes pouvait jouer entre deux créances antérieures au jugement d'ouverture ou bien entre une créance antérieure et une créance postérieure. [...]
[...] L'interdiction de principe posée à l'article L 621- 24 doit donc être modérée. Lorsqu'un plan de cession est en cours, un commissaire à l'exécution du plan est désigné et il est alors seul compétent pour engager une action en recouvrement d'une créance antérieure (comme l'indique par exemple un arrêt du 20 mai 1997). L'interdiction posée par l'article L621-24 ne joue donc plus totalement car le commissaire à l'exécution du plan peut engager une action en paiement au nom de la société contre l'un de ses débiteurs, comme c'est le cas en l'espèce. [...]
[...] En l'espèce, il s'agit de deux créances antérieures à l'ouverture de la procédure collective. Un arrêt du 28 mars 1995 précise que la compensation entre créances connexes ne peut être admise que si la créance que l'on souhaite compenser a été déclarée au passif de la procédure collective, ce qui prouve la particularité de la compensation dans une procédure collective. En l'espèce, l'avance de paiement consentie par la société Fournis a été déclarée à la procédure collective. Les conditions pour admettre la compensation semblent donc réunies, à condition d'établir le lien de connexité entre les créances. [...]
[...] Elle consiste en l'extinction partielle ou totale de deux dettes réciproques entre les mêmes personnes. L'article L 621-24 du Code de Commerce ne fait place qu'à la compensation entre créances connexes, ce qui indique qu'en temps de procédure collective, la compensation légale ne peut jamais jouer. La compensation légale joue de plein droit et impose la réunion de plusieurs éléments : fongibilité, réciprocité, liquidité et exigibilité des dettes. En revanche, le recours à la compensation des créances connexes, compensation d'un type particulier en raison de l'existence d'une procédure collective, ne nécessite pas la réunion des deux derniers éléments : les créances n'ont pas à être liquides ou exigibles pour faire jouer la compensation (ce que rappelle par exemple un arrêt du 30 mars 1989). [...]
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