[...] En l'occurrence, la Cour de Cassation récuse la décision des juges du fond et statue en faveur de la banque. Elle estime que l'accord de principe « sous les réserves d'usage » n'engageait pas l'organisme bancaire à octroyer le prêt si elle estimait que les conditions d'obtention n'étaient pas remplies et ce, même si l'accord de principe ne stipulait pas explicitement le motif retenu pour le refus du prêt, les conditions d'octroi restant à définir. En effet, l'accord de principe n'engage le créancier potentiel qu'à examiner et poursuivre de bonne foi les négociations susceptibles de conduire à l'établissement du contrat, sans toutefois prendre d'engagement ferme sur sa conclusion.
Afin de comprendre le raisonnement de la Cour de Cassation, il convient d'examiner d'une part dans quelle mesure la banque a engagé sa responsabilité en accordant l'accord de principe litigieux et d'autre part si l'inexécution des clauses qu'il contient représente une faute au regard de l'article 1382 du Code Civil.
[...] Le processus de vente immobilière, lorsqu'elle nécessite l'octroi d'un prêt par un établissement bancaire, inclut une période de pourparlers avec l'établissement créditeur dans le but d'établir les modalités de l'octroi et du remboursement du prêt. Il est en effet indispensable pour l'organisme bancaire de vérifier la solvabilité de l'acquéreur en tenant compte de ses ressources en fonction du coût final de l'achat. En outre, les acquéreurs potentiels disposent d'un délai de quarante-cinq jours pour obtenir l'offre de prêt permettant de finaliser la vente. C'est cette offre de prêt qui constitue le contrat par lequel la banque formule les modalités d'emprunt constituant l'offre que les acquéreurs sont alors libres d'accepter ou de refuser, leur consentement formant l'existence du contrat. Dans cette espèce, la banque a fourni un « accord de principe sous les réserves d'usage » et non, comme la Cour d'Appel semble le considérer, un contrat-cadre dont la clause suspensive serait l'obtention par Mme Y d'un contrat à durée indéterminée.
[...] Dès lors que la banque n'a pas formulé un engagement à formuler une offre conforme aux modalités de l'accord de principe, il semble difficile d'invoquer un dommage fondé sur l'échec des négociations. La jurisprudence admet toutefois la faute si la victime pouvait légitimement escompter que le contrat final serait établi, ou bien si la rupture des pourparlers intervient tardivement. (...)
[...] En outre, la jurisprudence consacre le principe de la liberté contractuelle pendant la conduite des pourparlers. Les parties, dans la limite des devoirs de loyauté et de bonne foi, sont libres de rompre les négociations. La Cour de Cassation ne considère pas litigieuse la question de l'existence du contrat. Il n'y a pas eu objectivement d'offre et d'acceptation de cette offre, le contrat est donc inexistant, par conséquent, la responsabilité invoquée ne peut être que délictuelle. Il apparait cependant que la faute délictuelle est malaisée à établir dans cette espèce. [...]
[...] La position de la Cour de Cassation est compréhensible si l'on se réfère strictement au fait que l'accord de principe donné sous les réserves d'usage ne saurait valablement constituer une promesse de contrat ne nécessitant plus que la négociation des points secondaires. Néanmoins, cette position semble plus fragile si l'on considère que les modalités contenues dans cet accord de principe sont effectivement les éléments principaux d'une offre de prêt. L'on ne saurait croire que la banque ait pu formuler un avis favorable en connaissance de ces éléments sans avoir vérifié l'état d'endettement des acquéreurs potentiels. [...]
[...] Afin de comprendre le raisonnement de la Cour de Cassation, il convient d'examiner d'une part dans quelle mesure la banque a engagé sa responsabilité en accordant l'accord de principe litigieux et d'autre part si l'inexécution des clauses qu'il contient représente une faute au regard de l'article 1382 du Code Civil. I. La période précontractuelle Le litige, dans cette espèce, concerne la période précontractuelle au sens strict, ce qui signifie que l'on n'a pu considérer le contrat comme établi. Il convient alors de comprendre ce qu'implique la délivrance d'un accord de principe. A. [...]
[...] Dans cette espèce, la question de droit posée à la Cour de Cassation est la suivante : la rupture des pourparlers peut-elle engager la responsabilité délictuelle de la partie considérée comme fautive ? En l'occurrence, la Cour de Cassation récuse la décision des juges du fond et statue en faveur de la banque. Elle estime que l'accord de principe sous les réserves d'usage n'engageait pas l'organisme bancaire à octroyer le prêt si elle estimait que les conditions d'obtention n'étaient pas remplies et ce, même si l'accord de principe ne stipulait pas explicitement le motif retenu pour le refus du prêt, les conditions d'octroi restant à définir. [...]
[...] ont assigné la banque en responsabilité et demandé la réparation de leurs préjudices ; Attendu que pour condamner la banque à payer à M. X . et Mme Y . une certaine somme, l'arrêt retient qu'en formulant un accord de principe "sous les réserves d'usage", pour un prêt dont le montant, la durée, le taux, les frais de dossier sont spécifiés, la banque s'est engagée à formuler une offre conforme à ces éléments et qu'elle était tenue de poursuivre, de bonne foi, la négociation sur les autres éléments accessoires, nécessaires à la formulation de la convention de prêt ; qu'il retient encore que la banque n'a pas respecté cette obligation en mettant fin aux discussions au motif, fallacieux, d'un taux d'endettement trop élevé ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'un accord de principe donné par une banque «sous les réserves d'usage» implique nécessairement que les conditions définitives de l'octroi de son concours restent à définir et oblige seulement celle-ci à poursuivre, de bonne foi, les négociations en cours, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes en paiement de dommages-intérêts formées au titre du retard dans la régularisation du compromis et de la mauvaise foi, l'arrêt rendu le 16 septembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ; Condamne M. [...]
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