L'arrêt rendu par la Cour de cassation réunie en chambre commerciale le 1er mars 2005 et relatif à l'ouverture par un créancier d'une procédure collective contre son débiteur s'insère au sein d'un conflit d'intérêt en la matière ; en effet, faut-il protéger le débiteur en durcissant les conditions d'assignation, ou bien faut-il, au nom d'une meilleur prévention des difficultés des entreprises, permettre au créancier de saisir au plus tôt le juge en ouverture de la procédure collective ?
En l'espèce, un créancier impayé a assigné la société débitrice aux fins d'ouverture d'une procédure collective devant le Tribunal de commerce lequel a prononcé la liquidation judiciaire de la société. Cette dernière a soulevé l'irrecevabilité de l'assignation pour défaut de mention dans l'acte des poursuites préalablement mises en œuvre pour le recouvrement de la créance, conformément à l'article 7 alinéa premier du décret du 27 décembre 1985.
Pour confirmer le jugement de première instance, la Cour d'appel de Besançon a retenu que l'indication dans l'assignation des procédures ou voies d'exécution engagées par le créancier pour le recouvrement de la créance ne constitue qu'une condition de pure forme dont l'absence est susceptible de nullité qu'en cas de démonstration d'une faute de la part du créancier. Or ce grief n'étant ni établi ni même prétendu en l'espèce les juges du fond ont débouté le débiteur de sa demande d'irrecevabilité.
La société débitrice a formé un pourvoi en cassation.
La question posée à la Cour étant donc de savoir si l'assignation n'indiquant pas les procédures ou voies d'exécution engagées préalablement par le créancier pour obtenir le recouvrement de sa créance est valide.
A cette question, la Cour de cassation a répondu par la négative par l'arrêt infirmatif en date du 1er mars 2005 énonçant que l'assignation doit contenir la mention des procédures et voies d'exécution engagées pour le recouvrement de la créance et ce à peine d'irrecevabilité qui doit être soulevée d'office par le juge.
Par cet arrêt la Cour de cassation érige en condition procédurale l'obligation de faire figurer dans l'assignation les procédures préalablement mises en œuvre pour le recouvrement de la créance ; a fortiori, s'il s'agit non plus d'une condition de forme mais de recevabilité de la demande, la simple mention dans l'acte de l'absence de poursuites est insuffisant et oblige le créancier à agir en recouvrement avant de demander l'ouverture de la procédure (I). Ainsi, la Cour rend une décision à la croisée de deux chemins ; en effet, s'éloignant du principe de prévention, cette exigence retarde nécessairement l'ouverture de procédures collectives dans un souci de protection du débiteur (II).
[...] Com. 1er mars 2005 L'arrêt rendu par la Cour de cassation réunie en chambre commerciale le 1er mars 2005 et relatif à l'ouverture par un créancier d'une procédure collective contre son débiteur s'insère au sein d'un conflit d'intérêt en la matière ; en effet, faut-il protéger le débiteur en durcissant les conditions d'assignation, ou bien faut-il, au nom d'une meilleur prévention des difficultés des entreprises, permettre au créancier de saisir au plus tôt le juge en ouverture de la procédure collective ? [...]
[...] Une telle disposition amène nécessairement à repousser la date de saisine du juge. II- Une décision plus protectrice que préventive En se plaçant bien en amont sur le terrain de l'avant dire droit, la Cour de cassation sanctionne plus efficacement l'absence de poursuites antérieures à l'ouverture d'une procédure collective, et ce dans le but de protéger le débiteur de la pratique de l'assignation menace à laquelle ont recours certains débiteurs (A'). En revanche, le fait de retarder ainsi l'ouverture de la procédure collective contrevient au principe général de prévention en matière de procédures collectives (B'). [...]
[...] Toutefois, il convient d'émettre des réserves quant à la longévité et la pertinence de cette décision ; en effet, ayant été rendue avant l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005, l'arrêt de la Cour de cassation n'a pu prendre en compte les nouvelles dispositions érigées aux articles R 631-2 et R 640-1 du Code de commerce qui suppriment purement et simplement la condition relative à l'obligation de poursuites préalables. Ainsi, il semblerait que le législateur revienne sur sa position de 1994 en accordant plus d'importance à la prévention qu'à la chasse aux actions dilatoires, conforté vraisemblablement par les éléments exposés plus haut. Du coup, il paraît fort probable que la Cour de cassation s'incline dans le futur. [...]
[...] Toutefois la pratique a vu ce schéma s'inverser de plus en plus souvent avec des créanciers agissant au principal en ouverture d'un redressement ou d'une liquidation et contraignant ainsi le débiteur à payer. C'est cette pratique qu'a souhaité bannir en l'espèce la Cour de cassation afin d'éviter que des débiteurs se voient soumis immédiatement à une procédure longue et contraignante et particulièrement encombrante pour le juge. Toutefois, il est possible de s'interroger quant à l'utilité d'une telle décision notamment parce que l'article R 631-2 du Code de commerce tel qu'il est issu de la loi de sauvegarde de 2005 prévoit en son alinéa second qu'une demande de redressement ou de liquidation judiciaire est exclusive de toute autre demande sous peine d'irrecevabilité devant être soulevée d'office. [...]
[...] Des arrêts ont d'ailleurs confirmé la position de la Cour de Besançon à ce sujet en sanctionnant l'absence de poursuites préalables non pas d'une fin de non recevoir mais en refusant de caractériser l'état de cessation des paiements. En effet, le fait pour le débiteur de prouver qu'il a tout fait pour se faire payer auprès de son débiteur, notamment par le recours à des poursuites ou voies d'exécution infructueuses, permet souvent au juge de caractériser cet état ce qui n'est souvent pas le cas en l'absence de démonstration de veines poursuites. [...]
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