Par cet arrêt rendu le 31 janvier 2007 par la chambre criminelle, la Cour de cassation considère que la complicité par abstention peut être retenue à l'égard de professionnels en l'absence d'actes positifs, à la condition qu'ils aient manqué à leur obligation professionnelle. Un autre arrêt rendu le même jour, par la même chambre, adopte une solution identique.
En l'espèce, un dirigeant d'un groupe de sociétés, au nombre desquelles la société anonyme B ayant pour activité l'achat et la vente de véhicules automobiles, a été déclaré définitivement coupable d'escroquerie pour avoir organisé un circuit de ventes fictives à l'exportation et obtenu du Trésor public, le paiement d'une somme importante en remboursement de taxes non décaissées, en produisant des déclarations mensuelles de chiffre d'affaires appuyées par des documents contrefaits ou falsifiés, comptabilisant des crédits fictifs de TVA.
L'expert-comptable et le commissaire aux comptes de la société ont été poursuivis pour complicité d'escroquerie. De plus, le commissaire aux comptes a été poursuivi pour non-révélation de faits délictueux.
[...] En confirmant la décision du 25 février 2004, la chambre criminelle pose incontestablement la reconnaissance d'une complicité par abstention. Elle prend en compte la compétence professionnelle et les missions auxquelles les prévenus sont tenus, pour considérer qu'ils ont sciemment fourni à l'auteur principal les moyens lui permettant de réitérer l'escroquerie La Cour de Cassation prend le soin de préciser qu'ils ont permis, non pas la réalisation de l'infraction, même la réitération de celle-ci. Cette précision de la haute juridiction soulève une interrogation : aurait-elle adopté une solution identique dans l'hypothèse où l'infraction n'aurait pas été réitérée par son auteur ? [...]
[...] La cour d'appel a considéré que compte tenu de la compétence professionnelle et de l'expérience des prévenus, l'incuriosité dont ils ont fait état est incompatible avec l'exercice de leur mission ; la fictivité des comptes annuels et notamment des déclarations mensuelles de TVA remboursable ne pouvaient échapper à des professionnels du chiffre Dans ces circonstances, les prévenus ont donc permis la réalisation de l'escroquerie réalisée par le dirigeant. Un premier pourvoi en cassation a été formé devant la chambre criminelle par Etienne et un second pourvoi par Marc joint en raison de leur connexité. S'appuyant sur une interprétation stricte des articles 121-6 et 121-7 du Code pénal, relatifs à la complicité, les demandeurs au pourvoi allèguent divers moyens. [...]
[...] Il s'agissait ainsi de savoir si la complicité par abstention peut être retenue en l'absence d'actes positifs? En outre, il convient de déterminer si les éléments constitutifs de la complicité d'infraction étaient réunis en l'espèce ? La Cour de Cassation répond par la positive et a déclaré qu'en attestant de la conformité et de la sincérité de comptes dont le caractère fictif ne pouvait lui échapper et en certifiant en connaissance de cause et sur plusieurs exercices lesdits comptes les prévenus ont sciemment fourni à l'auteur principal les moyens lui permettant de réitérer l'escroquerie Ainsi, elle rejette les pourvois formés par l'expert comptable et le commissaire aux comptes. [...]
[...] En effet, le défaut de curiosité s'apparente à une inaction, ou une abstention de vérifications supplémentaires, et est loin de constituer un acte positif. La durée de l'abstention a sans doute été un facteur déterminant pour retenir la complicité. Par conséquent, la Cour d'appel ne respecte pas à la lettre les exigences légales en dérogeant à l'article 121-7 du Code pénal, elle admet que le défaut de curiosité, et plus généralement que l'abstention puisse avoir la qualité d'acte de complicité. [...]
[...] Cette solution semble être sévère et démontre la volonté de la Cour de Cassation de ne pas opérer de distinction entre professionnels, faisant peser une responsabilité plus lourde à leur égard. Une présomption de culpabilité pesant sur les professionnels Il ressort de la solution réaffirmée par la Cour de Cassation, une présomption de connaissance des faits délictueux. En effet, les juges répressifs présument à plusieurs reprises la connaissance des faits par les prévenus, en affirmant que le caractère fictif ne pouvait lui échapper Ils affirment de plus, leur volonté de participer à la réalisation de l'infraction, ils la déduisent de leur absence de curiosité, en effet, la Cour de cassation précise qu'ils ont sciemment fourni à l'auteur De cette présomption de connaissance découle une autre présomption, celle de culpabilité, de sorte que tout manquement professionnel pourrait aboutir à une reconnaissance de culpabilité d'une infraction commise par autrui. [...]
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