Par cet arrêt rendu le 14 janvier 2004 par la chambre criminelle, la Cour de cassation illustre sa volonté d'étendre l'appréciation de l'élément intentionnel du délit de favoritisme de manière extensive.
En l'espèce, un maire d'une commune lance un appel d'offres pour la construction d'un complexe sportif d'un montant de plus de 14 millions de francs, sans organiser un concours d'architecture préalable prévu par les articles 314 bis et 314 ter du Code des marchés publics. En effet, le montant estimé du marché excédait le seuil de 900 000 francs fixé par l'arrêté du 14 mars 1986. A la suite d'une saisine du Tribunal Administratif par le préfet, le conseil municipal a annulé par délibération le marché de construction passé irrégulièrement.
Pour relaxer le maire du chef de tentative de favoritisme, faute d'intention coupable, la Cour d'appel de Colmar a « relevé que le prévenu n'avait pas organisé de concours d'architecture pour le choix du maître d'œuvre » alors qu'il était tenu de le faire, en application des dispositions légales prévues par le Code des marchés publics. Elle énonce « qu'il résulte des documents présentés par la défense et l'enquête que le maire n'a pas cherché à favoriser l'architecte ». Un pourvoi a été formé par le procureur de la République en vue d'obtenir la condamnation du prévenu.
La Haute Juridiction a été saisie d'une délicate question : quelle définition apporter à l'élément intentionnel du délit de favoritisme ?
[...] À cet effet, elle énonce que l'élément intentionnel du délit prévu par l'article 432-14 du Code pénal est caractérisé par l'accomplissement, en connaissance de cause, d'un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public La solution de la Cour régulatrice conduit à constater une dualité de définition possible de l'élément intentionnel du délit de favoritisme Toutefois, force est de constater le caractère critiquable, mais justifié de la définition retenue par la haute juridiction (II). I. Une définition controversée de l'élément intentionnel Une controverse oppose les juges du fond qui définissent l'élément intentionnel comme l'intention consistant à vouloir favoriser aux hauts magistrats qui eux estiment que l'élément intentionnel se caractérise par l'intention consistant à agir sciemment Une intention consistant à vouloir favoriser . Dans sa décision, la Cour d'appel de Colmar définit de manière implicite l'élément intentionnel du délit de favoritisme. [...]
[...] À l'inverse, le prévenu pourra se décharger en apportant la preuve qu'il n'avait pas connaissance des dispositions. Cependant, il lui sera très difficile de prouver cet élément dans la mesure où il ne peut pas le faire par le biais d'une preuve matérielle, dès lors seuls quels modes de preuve s'offrent à lui. Ainsi, il est loisible d'envisager qu'un témoignage ou un aveu soit utilisé à cette fin. Mais dès lors, la question qui se pose est celle relative à la preuve de cette connaissance. [...]
[...] Cette décision est irrévocablement sévère à l'égard des élus locaux, ils se voient reconnaitre une présomption de connaissance de textes légaux en raison de leur compétence ou ancienneté. Mais reste à savoir maintenant, ce que les élus locaux sont censés savoir après un mandat électif de trente ans ? Autrement dit, peut-on exiger des élus locaux qu'ils prennent connaissance des dispositions dites de base ? L'appréciation des règles s'effectue en fonction de l'expérience, ce qui constitue un critère instable et dangereux, faisant obstacle à la sécurité juridique. [...]
[...] Ainsi, pour la Cour d'appel, la réunion des éléments intentionnels et matériels du délit est indispensable. En effet, les juges du fond ont relevé que le prévenu n'avait pas organisé de concours d'architecture pour le choix du maitre d'œuvre et qu'il avait par conséquent violé les dispositions légales prévues par le Code des marchés publics. De surcroit, ils considèrent que le maire n'a pas cherché à favoriser l'architecte de sorte qu'il ne peut être condamné pour tentative de favoritisme. La Cour d'appel a relevé que la violation des articles du Code des marchés publics constituait l'acte matériel du délit, mais a également soulevé l'absence d'élément intentionnel, conduisant à prononcer la relaxe du prévenu. [...]
[...] De surcroit, cette solution de la Cour de Cassation démontre la volonté de réprimer plus durement les élus, elle souhaite préserver le libre jeu de la concurrence afin de dissuader les élus de favoriser une personne plutôt qu'une autre. En effet, ce manquement légal a pour conséquence importante, il porte atteinte à l'économie et plus particulièrement à la concurrence. En conséquence, il est logique de réprimer sévèrement les élus, qui auraient tendance si la répression était faible, de favoriser une personne ou une entreprise au détriment des autres. Toutefois, cette décision sévère semble être justifiée par la Cour de Cassation par la possible consécration d'une présomption de connaissance. [...]
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