L'abus de biens sociaux est une infraction contre les biens d'une société très utilisée en pratique. La notion a été élargie sur de nombreux points par la jurisprudence. Ainsi en est dans cet arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 28 janvier 2004, qui admet que l'usage des biens ou du crédit de la société peut être une « abstention volontaire » pour poursuivre un abus de biens sociaux.
L'ABS peut-il être constitué en l'absence d'acte d'usage positif des prévenus ?
En l'espèce les dirigeants de fait d'une SARL s'étaient abstenus de faire réintégrer une somme perçue par erreur par une SCI, dans laquelle ils étaient également associés. La comptabilité avait été rectifiée, mais un peu plus d'un an aprèsentre-tempsptable. Et entre temps la comptable, sœur d'un des dirigeants, avait régularisé l'erreur.
Il s'agissait dans cette affaire de caractériser l'élément matériel mais surtout intentionnel de l'ABS par abstention.
[...] Le pourvoi conteste cette qualification car les juges n'ont pas constaté un acte positif de gestion. De plus, en cas de simple omission des dirigeants sur l'usage des biens, les juges doivent caractériser l'abus de biens sociaux (ABS) par un dol spécial. Ainsi l'élément intentionnel fait défaut dans la décision d'appel. Le pourvoit a remis en cause la notion d'usage telle qu'utilisé par la Cour d'appel, il préconise un usage par acte positif de gestion des biens de la société. Il exige également que soit établi un dol spécial conformément au texte de loi. [...]
[...] Ainsi un arrêt du 15 mai 1972 dans lequel la Cour avait retenu qu'un abus de pouvoir pouvait se caractériser par une abstention lorsque le dirigeant ne réclame des sommes qu'il a le pouvoir de réclamer. Ce pendant Bernard Bouloc estime qu'il n'y a pas d'usage lorsqu'il y a abus de pouvoir, il n'y aurait donc pas de parallèle à faire avec la présente jurisprudence. Il aurait fallu requalifier les faits selon lui, ce qui aurait eu la même conséquence sur la sanction pour les prévenus et ce qui aurait eu le mérite d'être une peine justifiée Un autre arrêt du 18 décembre 1997 a condamné, sur le fondement de l'abus de biens sociaux, la dirigeante qui s'est abstenue de réclamer le paiement de marchandises livrées à une autre société qu'elle exploitait personnellement. [...]
[...] La Cour répond au pourvoi par une décision de rejet. L'élément intentionnel a été caractérisé par les juges d'appel puisque la comptable avait sciemment corroboré l'erreur comptable et que les dirigeants auraient dû s'en apercevoir au moment de la présentation des comptes. Leur négligence et leur qualité d'associé dans la SCI bénéficiaire caractérisent l'élément intentionnel. La Cour affirme ensuite que l'usage des biens ou du crédit de la société contraire à l'intérêt de celle-ci peut résulter non seulement d'une action, mais aussi d'une abstention volontaire Le pourvoi a soulevé le problème de l'interprétation stricte de la loi, principe fondamental imposé aux juges par l'article 111-4 du Code pénal. [...]
[...] On ne peut employer une chose par abstention comme la doctrine majoritaire l'affirme. Cette notion, sur le plan du droit pénal, se rattache toujours à un acte positif comme le fait remarquer Didier Rebut à propos des infractions d'usage illicite de stupéfiant ou des circonstances aggravantes d'usage d'une arme par exemple. En revanche dans le langage des affaires le terme usage renvoie à la notion d'acte de gestion. Il peut résulter tout à fait d'une abstention de l'intéressé. Il faut donc s'attarder sur la qualité de professionnel du prévenu et sur le fait qu' il ne pouvait pas ne pas savoir Deux courants s'opposent l'un s'attachant aux principes fondamentaux du droit pénal et qui oblige le juge à relever un acte positif du prévenu, et l'autre prenant en compte la spécificité et l'évolution constante du monde des affaires permettant au juge de faire des écarts (par rapport à la loi) dans le but d'une répression efficace. [...]
[...] C'est tout d'abord la banque qui a fait une erreur mais celle-ci a été régularisée par la secrétaire comptable. Elle avait donc connaissance du caractère occulte de ce surplus débité. Elle avait nécessairement connaissance de cela mais elle n'a pas été poursuivie puisqu'elle n'était qu'une simple secrétaire et non une gérante comme le texte l'impose. Cependant elle est la sœur d'un des prévenus ce qui renforce le faisceau d'indices. Cette erreur comptable aurait dû être connue des gérants puisqu'ils ont signé les documents y afférent. [...]
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