Pourtant énumérées limitativement par le Code Monétaire et Financier, les causes d'opposition à un chèque ne sont pas sans poser problème, comme en atteste cet arrêt confirmatif de rejet rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 8 juillet 2008.
En l'espèce, dans le cadre de relations commerciales, une société (Carrefour) avait émis, le 1er janvier 2004, un chèque à l'ordre d'une autre société (Parmalat). Cette dernière a été, par un jugement du 8 janvier 2004, été mise en liquidation judiciaire. Un liquidateur a été nommé et a endossé le chèque le 12 janvier 2004, et l'a présenté au paiement le lendemain. Le tireur du chèque a formé opposition le 29 janvier 2004, opposition motivée par la mise en liquidation judiciaire de son partenaire économique. Il a également invoqué une exception de compensation en mettant en avant la conclusion le 18 février 2003 d'un contrat-cadre, à raison de créances détenues par ses filiales à l'encontre de la société placée en liquidation. Suite à cela, le liquidateur assigne le tireur en paiement du chèque.
[...] Le fait générateur de cette impossibilité est bel et bien la remise au liquidateur. La Cour, en effet énonce que l'opposition au paiement du chèque prévu à l'article L131-35 du Code Monétaire et Financier au motif que son porteur est en liquidation judiciaire, ne peut plus être admise s'il est établi que le titre en cause a été remis à son liquidateur judiciaire Le tireur du chèque ne peut donc être de bonne foi en faisant opposition au paiement du chèque remis au liquidateur dans le cadre d'une liquidation judiciaire et à ce titre ne peut bénéficier de cette opposition. [...]
[...] À travers cet arrêt, les juges du fond et la Chambre commerciale marquent donc une forte volonté de limiter encore les possibilités de faire opposition à un paiement par chèque. Les conditions limitatives de l'article L131-35 ont encore de beaux jours devant elles, tant le juge semble intransigeant en la matière. Toutes les portes de sortie sont bloquées, le chèque sera dès lors soit payé, soit son opposition sera validée. Une éventuelle compensation ne sera pas envisageable en cas de rejet de l'opposition du chèque, et c'est fort logique puisque les deux possibilités sont finalement étroitement liées, puisque portant toutes deux le même point : la volonté de payer entre les mains du liquidateur amène dans les deux cas l'impossibilité de se dégager de son obligation de paiement des factures. [...]
[...] Le paiement à l'ordre du chèque à l'ordre du porteur est, sauf opposition, irrévocable. Le tireur du chèque donne l'ordre au tiré (le banquier) de transférer la provision disponible sur son compte bancaire. Comme énoncé précédemment, le tireur essaie d'éviter le paiement, qui lui sera certainement préjudiciable économiquement parlant, en tentant de justifier une compensation des créances par le fait qu'une l'opposition a été formée contre le paiement du chèque pour régler le fournisseur en liquidation judiciaire. Cependant, la Cour se borne à reprendre là encore les arguments de la Cour d'appel de Caen, et balaye les arguments du demandeur en énonçant qu' après avoir relevé que l'émission du chèque par la société Carrefour pour exécuter son obligation de paiement de factures avait transféré la propriété de la provision de la créance à son fournisseur, constaté la remise du chèque au liquidateur et retenu que l'opposition à son paiement était irrégulière, la Cour d'appel a pu, par ces seuls motifs, en déduire la volonté non équivoque de la société Carrefour de renoncer à se prévaloir du bénéfice de la compensation attachée au caractère connexe de ces créances, peu important que le chèque n'ait pas été encaissé Les arguments qu'il faut ici relever sont le fait que l'émission a eu pour effet de transférer la propriété de la provision, que l'opposition était de toute façon irrégulière, et que donc la compensation ne pouvait valablement jouer pour ces motifs, et cela que le chèque ait été encaissé ou pas. [...]
[...] La Cour énonce d'ailleurs de manière très claire sa décision de rejeter les arguments du tireur, qui invoquait ce fameux article donnant possibilité de faire une opposition tout à fait valable en cas de liquidation judiciaire du porteur du chèque. Elle argumente, dans deux attendus, que l'opposition au motif que son porteur est en liquidation judiciaire ne peut plus être admise s'il est établit que le titre en cause a été remis à son liquidateur judiciaire et continue ainsi : ayant été relevé que le chèque établi au profit de la société Parmalat avait été remis, puis endossé régulièrement par le liquidateur qui l'avait présenté au paiement, l'arrêt en déduit à bon droit que l'opposition formée par la société Carrefour postérieurement à la remise au liquidateur était irrégulière Une exception est donc posée à l'exception d'opposition prévue par le législateur. [...]
[...] En premier lieu, les hauts magistrats devaient s'interroger sur l'étendue de la possibilité de faire opposition à un chèque dans le cadre d'une situation de redressement judiciaire du porteur. Dans un second lieu, ils devaient répondre à l'argument du pourvoi concernant la compensation entre créances connexes, et définir dans quelle mesure l'exception de compensation entre ces créances connexes est opposable. La Cour répond aux deux questions de droit bien distinctement. Dans un premier temps, elle soulève l'irrégularité de l'opposition au motif que le porteur du chèque est en liquidation judiciaire, et cela malgré le fait qu'elle soit prévue à l'article L131-35 du Code Monétaire et Financier, étant donné que le titre a été remis au liquidateur judiciaire, chèque d'ailleurs régulièrement endossé par le liquidateur. [...]
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