Par un arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 8 janvier 2002 la Haute juridiction a été amenée à se demander si un contrat d'emplacement pouvait recevoir la qualification de contrat de mandat d'intérêt commun afin de savoir si sa rupture pouvait entraîner le versement d'une indemnité compensatoire.
Les faits sont les suivants, une société concède à une personne un emplacement dans un de ses magasins afin qu'y soient vendus des produits choisis par ce dernier mais commandés par la société à laquelle il laisse un pourcentage du prix de revient des ventes réalisées. La société ne voulant plus promouvoir les produits présentés par l'accueilli, opère à la rupture du contrat. L'accueilli assigne donc la société en indemnisation du préjudice qu'il prétend avoir subi du fait de la rupture. La Cour d'appel de Paris (arrêt du 16 janvier 1998) rejette sa demande en refusant de reconnaître l'existence d'un mandat. L'accueilli se pourvoit en cassation. Il est alors légitime de se demander si les préposés de l'accueilli étaient liés avec la société pour un mandat d'intérêt commun donnant lieu à une indemnisation en cas de rupture.
[...] Cette exclusivité réservée aux mandats n'est pas une innovation dans la mesure où selon la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 10 février 1970, il n'y a pas d'indemnité prévue pour la rupture d'un contrat de commission ni lors de la résiliation d'un contrat de concession exclusive (Chambre commerciale 7 octobre 1997). La Haute juridiction refuse donc une fois de plus d'étendre le régime d'indemnisation aux autres contrats d'intérêts communs. En cela la solution est stricte. [...]
[...] Par cette affirmation, la Cour de cassation remet strictement en cause la thèse du pourvoi. En effet l'accueilli se prévaut principalement de l'article 1583 du Code civil qui énonce que la vente est parfaite entre les parties et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix quoique la chose n'ait pas été encore livrée, ni le prix payé. L'auteur du pourvoi considère donc que la réalisation de la vente n'est pas subordonnée au passage du client en caisse. [...]
[...] La jurisprudence s'appuie donc sur une certaine logique dans la mesure où avant le paiement en caisse il est toujours possible de se rétracter. En l'espèce les préposés de l'accueilli avaient un rôle de présentation et de conseil au sein de l'emplacement et n'encaissaient en aucun cas le prix de la chose ce qui exclut, selon la jurisprudence, les préposés, de la réalisation de la vente. Il est alors opportun de se demander si ce contrat d'emplacement peut tout de même être considéré comme un contrat de mandat. [...]
[...] En cherchant à reconnaître l'existence d'un mandat d'intérêt commun, l'accueilli attend de la société une indemnisation. En effet, alors que le mandat est un contrat favorable au mandant par le principe de la révocabilité ad nutum du contrat , le mandat d'intérêt commun est un mandat de collaboration fondé sur une idée de richesse commune. Cette invention jurisprudentielle du 19ème siècle ne peut être révoquée que par consentement mutuel ou alors unilatéralement par une cause légitime de révocation. Si une de ces causes n'est pas reconnue la révocation s'accompagne d'une indemnité. [...]
[...] La Cour de cassation semble donc rapprocher le statut des préposés de celui d'un courtier chargé de mettre en relation deux contractants en vue de la réalisation d'une opération juridique. Le contrat d'emplacement n'est donc pas un mandat. A fortiori on peut donc légitimement considérer qu'il ne s'agit pas d'un mandat d'intérêt commun dont la rupture peut entraîner l'indemnisation sans l'établissement de l'existence d'un abus. La Cour de cassation ne se limite pas à justifier le rejet de la qualification d'un mandat d'intérêt commun dans la mesure où la lecture de l'arrêt implique l'analyse des conséquences du double refus d'indemnisation décidé par les juges. [...]
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