Un associé-personne morale d'une société anonyme est absorbé par une société tierce. La société anonyme s'oppose au transfert des parts vers la société absorbante, au motif que cette dernière n'a pas sollicité l'agrément prévu par les statuts. La société anonyme assigne la société bénéficiaire en annulation du transfert de ses actions.
Déboutée en première instance, elle obtient en appel un arrêt infirmatif. La cour d'appel, sur le fondement des statuts, annule le transfert, et commet un expert pour fixation du prix des actions litigieuses et du délai pour les acquérir. La société absorbante se pourvoit en cassation.
La question de droit soumise à ces juridictions est la suivante: l'agrément prévu par les statuts d'une SA est-il applicable aux cas de transfert de droits sociaux consécutifs à la fusion d'une société actionnaire et d'une société tierce ?
[...] Le pourvoi reprend la thèse initialement adoptée par la Chambre commerciale, dans une décision du 19 avril L'interprétation par les juges du fond de la stipulation statutaire a)Une interprétation souple. La cour d'appel juge que la fusion entre dans les prévisions de la clause stipulant que la transmission de toute action ou certificat d'investissement à un tiers non-actionnaire est soumise au droit d'agrément du conseil d'administration La disposition est certes large, mais les juges du fond procèdent à une interprétation très extensive de la disposition. [...]
[...] Elle suppose qu‘en édictant une règle le législateur a entendu en écarter une autre. Cependant, Y. Paclot (JCP E 1987, 15083) rappelle qu'un tel raisonnement n'est justifié que s'il permet de retrouver le droit commun, non d'étendre le champ des exceptions, qui sont d'interprétation stricte. L'article L. 228-23 est une dérogation au principe de libre disposition des actions de la société anonyme. En rendant applicable la clause d'agrément à la fusion, il est procédé à une extension des exceptions, toujours plus loin du droit commun et des prévisions du législateur. [...]
[...] Dès lors, tant l'assimilation entre cession et fusion, que la possibilité qu'une disposition statutaire puisse neutraliser un principe légal, semblent fragiles. La solution écarte un principe fondamental du droit des sociétés: le principe de libre cessibilité des actions de société anonyme. Elle apparaît à contre-courant de l'esprit libéral et de la volonté de fluidité qui régissent la matière Une controverse pratique une moindre sécurité juridique En abandonnant aux juges du fond l'appréciation du sens et de la portée des dispositions statutaires litigieuses, la Haute Cour réduit son pouvoir d'uniformisation et de régulation. [...]
[...] une impasse pratique L'agrément n'apparaît pas compatible avec l'opération de fusion. En effet, le refus de l'agrément n'empêche pas la réalisation de la fusion et sa mise en œuvre conduit à une impasse pratique. La société absorbée n'existe plus pour faire valoir un droit de repentir pourtant d‘ordre public, mais dont elle est de fait privée. Le nouvel actionnaire, à défaut d'agrément, se voit dénier la qualité d'associé. En l‘absence de rachat, les titres sont comme des fantômes d'actions qui hanteraient le compte d'un actionnaire disparu (B. [...]
[...] C'est par une appréciation souveraine du sens et de la portée de l'article 13 des statuts que la cour d'appel par motifs propres et adoptés La Cour de cassation s'en remet à la seule discrétion des juges du fond quant à l'interprétation d'une clause statutaire d'agrément ambigüe et quant à l'appréciation de sa portée. La Cour de cassation confirme sa solution antérieure: la clause d'agrément peut s'appliquer à la fusion sous réserve d'une stipulation statutaire. Il incombe aux juges du fond d'apprécier le sens et la portée d'une telle disposition. La solution rendue apparaît critiquable, tant quant à son argumentation juridique, qu'en raison de ses conséquences pratiques. II. [...]
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