L'arrêt du 5 juin 2007, rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation est relatif à la règle posée par l'article L511-12 du Code de commerce selon laquelle le porteur de mauvaise foi qui, en acquérant une lettre de change, agit sciemment au détriment du débiteur ne bénéficie pas de l'inopposabilité des exceptions. Cette décision illustre l'importance de la notion de mauvaise foi du porteur qui, sur le plan cambiaire, constitue le seul moyen de défense du tiré-accepteur.
En l'espèce, une banque a escompté des lettres de change à échéance qui ont été tirées par le tireur et, acceptées par le tiré. Le tiré a refusé la livraison en raison de défauts affectant la commande. Les parties se sont alors mises d'accord pour annuler les commandes. Par la suite, le tireur a fait l'objet d'un redressement judiciaire, quelques jours avant les échéances respectives des lettres de change.
La banque bénéficiaire des effets de commerce, a poursuivi le tiré en paiement du montant des traites. Le tiré accepteur, considérant la banque de mauvaise foi, en sa qualité de tiers porteur, a refusé de payer les lettres de change, en invoquant les exceptions fondées sur son rapport avec le tireur, et notamment le défaut de provision, les marchandises, objet du contrat principal n'ayant pas été livrées.
La question était donc de savoir si le tiré accepteur pouvait opposer une exception fondée sur l'absence de la provision pour résister à l'action en paiement du porteur légitime qui avait manqué de vigilance en ne se renseignant pas sur les effets qui lui avaient été présentés ? C'est-à-dire que la mauvaise foi du porteur permettant d'opposer des exceptions issues du rapport fondamental peut-elle résulter de sa négligence vis-à-vis du tireur ?
[...] Leur étude permet à la haute juridiction de comprendre comment a été établie la preuve que la banque a agi sciemment au détriment du débiteur, sachant que le tireur ne fournirait pas au tiré la provision à l'échéance. Conclusion On constate une tendance récente à traiter avec plus de sévérité le banquier escompteur qui a connaissance de la gravité des difficultés financières du tireur. En effet, alors que la seule connaissance de la situation désespérée du tireur était traditionnellement jugée insuffisante pour constituer la mauvaise foi en l'absence d'une connaissance précise de l'exception lors de l'escompte, elle devient aujourd'hui le révélateur à elle seule de la conscience que peut avoir l'escompteur que la provision ne sera pas fournie à l'échéance. [...]
[...] La question était donc de savoir si le tiré accepteur pouvait opposer une exception fondée sur l'absence de la provision pour résister à l'action en paiement du porteur légitime qui avait manqué de vigilance en ne se renseignant pas sur les effets qui lui avaient été présentés? C'est-à-dire que la mauvaise foi du porteur permettant d'opposer des exceptions issues du rapport fondamental peut-elle résulter de sa négligence vis-à-vis du tireur? La Cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la Cour d'appel, considérant que les juges du fond n'ont pas établi que la banque savait, aux dates où elle a escompté les lettres de change, que leur provision ne serait pas constituée à l'échéance ou que la situation du tireur était irrémédiablement compromise. [...]
[...] On ne sait pas exactement ce que la Cour de cassation entend par une situation "irrémédiablement compromise" mais l'avantage est qu'il sera plus facile aux juges du fond de motiver leur décision. La situation désespérée peut se caractériser par des difficultés insurmontables. Dans les faits, la position débitrice du compte courant est révélatrice de certaines difficultés financières. Mais l'ampleur de la situation financière réelle n'a été connue qu'après l'escompte, au jour de l'ouverture du redressement judiciaire. Il parait juste que l'inopposabilité des exceptions ne bénéficie pas au porteur malhonnête. [...]
[...] I Les critères d'appréciation de la mauvaise foi du porteur d'une lettre de change acceptée Au sens de l'article L511-12 du Code de commerce, la mauvaise foi du porteur se détermine selon certains éléments constitutifs lors de l'acquisition de la lettre de change par le porteur. Nous verrons comment la Cour de cassation appréhende la notion de mauvaise foi du porteur de la lettre de change, avant d'examiner le moment d'appréciation de la mauvaise foi. Les éléments constitutifs de la mauvaise foi du porteur d'une lettre de change acceptée L'article L 511-12 du code de commerce affirme le principe de l'inopposabilité des exceptions. [...]
[...] Pour retenir la mauvaise foi, d'autres circonstances sont requises pour déduire l'impossibilité certaine pour le tireur de constituer la provision. L'intérêt de cette décision de la Chambre commerciale réside dans l'élaboration d'alternatives permettant de retenir la mauvaise foi : la banque doit savoir que la provision des lettres de change escomptées ne sera pas constituée à échéance plaçant ainsi le tiré accepteur dans l'impossibilité de se prévaloir de ce défaut de provision à l'égard du tireur ou que la situation du tireur était irrémédiablement compromise et qu'ainsi elle avait conscience, à ce moment, d'empêcher le tiré de se prévaloir de l'exécution de défaut de provision Lorsque la situation du tireur est irrémédiablement compromise, au moment de l'endossement et que l'endossataire le sait ou est en mesure de le savoir, il y a lieu de présumer que ce tireur ne pourra pas fournir la provision. [...]
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