Au regard des articles 1382 et suivant du Code civil, l'engagement de la responsabilité civile délictuelle nécessite un dommage, un fait générateur, ainsi qu'un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage. A cette exigence légale, s'ajoute la nécessité d'une relation directe et certaine entre le fait générateur et le préjudice subi. Ainsi, si la preuve de cette relation ne pose généralement pas de grosses difficultés quand un seul fait est identifié comme la cause génératrice du dommage, les choses deviennent moins limpides lorsque plusieurs causes sont possibles. C'est à ce type de problème qu'est confrontée la Cour de cassation en sa chambre commerciale, dans un arrêt en date du 4 décembre 2001.
En l'espèce, monsieur X était commerçant et bénéficiait d'un accompagnement financier auprès du Crédit Agricole. En septembre et octobre 1993, la banque émit une interdiction bancaire à son égard, ce qui eut pour effet le transfert de l'exploitation du fonds de commerce à son épouse, madame X. Le 22 novembre 1995, après de nouvelles difficultés financières, cette dernière s'est vue notifier sans préavis, un refus de paiement assorti d'une interdiction bancaire. Le lendemain monsieur X s'est suicidé devant l'agence du Crédit Agricole, en laissant derrière lui une lettre expliquant que son acte résulte du comportement de la banque.
[...] C'est pourquoi la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 4 décembre 2001, rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Limoges rendu le 11 juin 1998. Ainsi, si l'existence d'une faute de la banque est établie, celle-ci n'est pas retenue comme étant en relation directe avec le préjudice résultant du suicide de monsieur X En ce sens, la Cour de cassation reprend le raisonnement de la Cour d'appel basé sur la théorie de la causalité adéquate (II). [...]
[...] Et d'autre part, il existe la théorie de la causalité adéquate qui oblige à rechercher la cause qui rend le dommage probable d'après le cours habituelle des choses, c'est à dire le fait qui a des conséquences prévisibles. Si en réalité, le choix entre les deux systèmes par la jurisprudence varie en fonction des besoins, la seule certitude est la nécessité d'avoir un lien de causalité suffisamment direct et certain avec le dommage. Toutefois en l'espèce, la solution de la chambre commerciale s'est très largement inspirée de la théorie de la causalité adéquate. [...]
[...] Ainsi, admettre explicitement que le suicide de monsieur X constituait un événement de force majeure, reviendrait à admettre que la faute commise par le Crédit Agricole est tout en partie le fait générateur du dommage. Or la solution affirme précisément le contraire : c'est l'absence de lien de causalité qui entraîne l'exclusion de la responsabilité de l'établissement bancaire. Cette nuance est importante, car elle laisse entrevoir le raisonnement produit par la Cour de cassation au moyen d'un système de recherche des causalités. [...]
[...] Le pourvoi va même jusqu'à affirmer que la faute du Crédit Agricole est à l'origine d'un traumatisme psychologique grave ayant entraîné le geste désespéré de X. A cela, les juges du droit se sont ralliés à la position de la Cour d'appel en écartant l'existence d'un lien de causalité direct et certain. En effet, si le suicide de monsieur X est qualifié d'« irrémédiable et d'« excessif c'est-à-dire marqué par une profonde disproportion avec la faute commise par la banque, il est surtout qualifié de geste découlant pleinement du libre arbitre de monsieur X. [...]
[...] En référence à la théorie de la causalité adéquate, il n'y a pas de cause appropriée qui rend le dommage probable. L'acte de notification, bien que sans préavis, n'avait pas pour conséquence prévisible d'entraîner le suicide de monsieur cela d'autant plus que celui-ci avait fait l'objet de procédures comparables quelques années plutôt, procédures qui n'avaient mis en lumière aucune faiblesse psychologique. B Une solution discutable s'inscrivant dans une mouvance jurisprudentielle L'utilisation de la théorie de la causalité adéquate pour rejeter le lien de causalité peut paraître discutable dans le sens où l'espèce caractérise pleinement l'état d'esprit de monsieur X au moment de se donner la mort. [...]
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