S'il est bien un sujet, plus que tout autre, qui fait encore débat aujourd'hui en droit des sociétés, c'est bien celui du droit de vote.
L'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 22 février 2005, qui se prononce sur le droit de vote des nus propriétaires en présence d'une clause attribuant le droit de vote au seul usufruitier, illustre bien cela, puisqu'il bouleverse la conception traditionnelle du droit de vote.
En l'espèce Monsieur Guy Gérard et ses quatre enfants constituaient une société civile en 1992.
Le père s'était réservé l'usufruit de la quasi totalité des parts sociales et sur cette, quasi totalité des parts sociales trois de ses enfants étaient nus propriétaires, le dernier enfant ayant la pleine propriété du reste des parts sociales.
L'article 12 alinéa 2 des statuts prévoyait que « lorsque les parts sociales font l'objet d'un usufruit le droit de vote appartient à l'usufruitier », si bien que le père sur ses parts sociales avait la totalité du droit de vote.
Il avait pour les exercices de 1996 et 1997 voté, en assemblée générale ordinaire en date du 11 décembre 1998, avec son fils, une distribution des bénéfices aux « associes titulaires de parts sociales en pleine propriété ou en usufruit », et le 3 novembre 1998 en assemblée générale ordinaire avait voté la vente des immeubles construits par la société.
Les nus propriétaires assignèrent alors leur père en qualité de gérant pour voir annuler les 2 assemblées générales ordinaires et pour annuler la clause des statuts qui les privaient du droit de vote.
La cour d'appel qui avait à se prononcer sur 3 moyens rendit un arrêt.
Le premier moyen lui demandait de se prononcer sur la validité de la clause litigieuse des statuts de la société civile.
La cour d'appel prononça la nullité de la clause au motif qu'elle « institue pour les associes nus propriétaires, non pas une restriction mais la suppression du droit de vote et qu'elle contrevient aux dispositions impératives de l'article 1844 alinéa 1 », cela, bien que l'alinéa 4 ouvrait la faculté de déroger à l'alinéa 3 qui prévoyait la répartition du droit de vote entre nu propriétaire et usufruitier, puisque cette dérogation ne peut s'exercer que dans le respect du principe d'ordre public que pose l'article 1844 alinéa 1 du code civil.
Le second moyen concernait la cession d'actif.
La cour d'appel annula la délibération portant sur la vente de la totalité des studios appartenant à la société et dit que le remploi du prix n'avait pas été prévu et donc qu'il y avait « une atteinte à la consistance même de l'actif immobilier de la société réduit de ce fait a un local commercial, l'aliénation étant en outre contraire à l'objet social limité à l'acquisition de biens ainsi qu'à leur gestion et administration ».
Le troisième moyen concernait la régularité d'un vote portant sur la distribution des bénéfices.
La cour d'appel annula la délibération « autorisant la distribution au seul profit de l'usufruitier des bénéfices des exercices 1996-1997 » retenant que celle-ci portait « atteinte a l'intérêt général de la société » et que celle-ci n'avait été « prise que dans le seul but de favoriser uniquement l'associé usufruitier majoritaire » préoccupé de réduire sa pression fiscale.
Un pourvoi fut alors formé par Monsieur Guy Gérard.
Le problème principal posé ici à la Cour de Cassation était de savoir si une clause attribuant le droit de vote au seul usufruitier lors des assemblées générales pouvait priver totalement le nu propriétaire de son droit de vote.
[...] L'arrêt relève donc une liberté contractuelle. Toutefois, celle-ci reste a nuancée (c'est ce que nous verrons dans la suite des développements) car il existe des limites à cette dernière comme l'abus de majorité, dont il était question dans le troisième moyen du pourvoi, l'abus du droit de vote, ou encore le respect de l'alinéa 1 de l'article 1844 du Code civil qui est d'ordre public. Mais outre cela il est aussi une limite qui tient à la jurisprudence. [...]
[...] Le père s'était réservé l'usufruit de la quasi-totalité des parts sociales et sur cette, quasi-totalité des parts sociales trois de ses enfants étaient nus propriétaires, le dernier enfant ayant la pleine propriété du reste des parts sociales. L'article 12 alinéa 2 des statuts prévoyait que lorsque les parts sociales font l'objet d'un usufruit le droit de vote appartient à l'usufruitier si bien que le père sur ses parts sociales avait la totalité du droit de vote. Il avait pour les exercices de 1996 et 1997 voté, en assemblée générale ordinaire en date du 11 décembre 1998, avec son fils, une distribution des bénéfices aux associes titulaires de parts sociales en pleine propriété ou en usufruit et le 3 novembre 1998 en assemblée générale ordinaire avait vote la vente des immeubles construits par la société. [...]
[...] C'est ce qui ressort d'un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 31 mars 2004 qui admet la nullité d'une clause portant sur le droit de vote et privant totalement l'usufruitier de ce dernier. L'article 15 des statuts stipulait qu'« en cas de démembrement de la propriété d'une action, le droit de vote aux assemblées tant ordinaires qu'extraordinaires ou spéciales appartient au nu-propriétaire La Cour de cassation admet la nullité de la clause, car ayant retenu que la clause litigieuse en ne permettant pas à l'usufruitier de voter les décisions concernant les bénéfices, subordonnait a la seule volonté des nus propriétaires le droit d'user de la chose grevée d'usufruit et d'en percevoir les fruits alors que l'article 578 du Code civil attache a l'usufruit ces prérogatives essentielles» Ainsi, on ne peut pas déroger au droit de vote de l'usufruitier concernant les décisions afférant à l'affectation des bénéfices, ce vote lui étant réservé. [...]
[...] Retour seulement, car cet arrêt de 2005, qui confirme une solution dont on avait pu croire qu'elle avait été abandonnée par l'arrêt du 9 février 1999 de la chambre commerciale de la Cour de cassation, est un arrêt de série qui commence avec Gaste. La Cour de cassation dans son arrêt château d'Yquem de 1999 au visa des alinéas 1 et 2 de l'article 1844 du Code civil avait affirmé que tout associe (excepte dans les cas ou la loi en dispose autrement) a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et que les statuts ne peuvent déroger a ces dispositions En 1999 le nu-propriétaire se voyait donc reconnaître le droit de participer aux décisions collectives, mais aussi celui de voter, c'est pour cela qu'on a cru qu'il remettait en cause la jurisprudence de Gaste, qui elle permettait de supprimer totalement le droit de vote du nu propriétaire. [...]
[...] Les nus-propriétaires assignèrent alors leur père en qualité de gérant pour voir annuler les 2 assemblées générales ordinaires et pour annuler la clause des statuts qui les privaient du droit de vote. La cour d'appel qui avait à se prononcer sur 3 moyens rendit un arrêt. Le premier moyen lui demandait de se prononcer sur la validité de la clause litigieuse des statuts de la société civile. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture