L'inopposabilité à la société d'un cautionnement consenti par un dirigeant dépourvu de l'autorisation requise et la subordination de la responsabilité personnelle du dirigeant à l'égard des tiers, à la constatation d'une faute détachable de ses fonctions sont deux courants jurisprudentiels distincts. Pourtant, la solution donnée par l´arrêt SA Outinord Saint-Armand c/ Fischer, rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 20 octobre 1998 se trouve exactement au confluent de ces deux courants.
En l'espèce, M. Fischer, directeur général de la société anonyme Semsamar, a signé au nom de cette dernière un acte de cautionnement. Cet acte devait garantir à la société Outinord Saint-Armand (la société Outinord) le payement de matériel commandé par une troisième société. Cependant, le cautionnement avait été consenti plus d´un an après que M. Fischer ait reçu par le conseil d´administration, l´autorisation d´y procéder. Aucun renouvellement de cette autorisation n´avait eu lieu.
La société Outinord se pourvoit donc en cassation en invoquant, dans son moyen unique pris en ses quatre branches, que la faute commise par le dirigeant lui avait causé un préjudice devant engager la responsabilité de ce dernier. De plus, selon la société, l´auteur de cette faute ne peut se voir exonérer totalement que dans le cas ou la faute de la victime est extérieure et exclusive.
[...] Fischer à signer des actes de cautionnement, bien que cette autorisation n´ait pas été renouvelée. Se pose alors la question de l´applicabilité de la théorie de l´inopposabilité précédemment développée au cas de l´espèce, c´est-à-dire à la situation du non-renouvellement de l´autorisation. Malgré un arrêt isolé de la Cour d´appel d´Aix, rendu le 31 janvier 1979, la jurisprudence reconnaît de façon constante, l´inopposabilité à la société de lettres d´intention constitutive de garanties et de cautionnements, lorsqu' aucune autorisation du conseil d´administration n´avait été obtenue. [...]
[...] L´inopposabilité du cautionnement irrégulier à la société En l´espèce, M. Fischer a signé un acte de cautionnement au nom de la société Semsamar, un an après que lui ait été octroyé par le conseil d´administration, l´autorisation de la faire. Or, selon les dispositions de l´art du décret de 1967, l´autorisation en question a une validité limitée à une année, si bien qu´au moment de la signature, cette autorisation n´était plus valable. La jurisprudence a hésité, pendant un certain temps, pour déclarer un acte irrégulièrement signé inopposable à la société, entre l´inopposabilité proprement dite et la nullité. [...]
[...] La société Outinord avait tout d´abord assigné la société Semsamar en payement, mais cette demande fut rejetée, au motif que l´autorisation nécessaire à la validité du cautionnement, qui avait été donnée à M. Fischer, ne valait plus au moment de la signature de l´acte. La société Outinord a donc formé une demande de payement de dommages-intérêts contre le dirigeant, M. Fischer. La Cour d´appel de Basse-Terre, dans un arrêt du 11 mars 1996, a débouté la requérante de sa demande au motif que le cautionnement avait profité à la société Outinord et que celle-ci avait commis une faute. [...]
[...] Cependant, dans le cas présent, la Cour de cassation fait entrer la notion de faute du gérant. En effet, la Chambre commerciale reconnaît que M. Fischer a commis une faute en ne vérifiant pas qu´il détenait toujours le pouvoir de consentir des cautionnements au nom de la société Cette faute devrait normalement engager la propre responsabilité du gérant, soit sur le fondement de l'article 244 de la loi de 1966, soit sur celui de l'article 1382 C.civ. Pour la première fois, la Chambre commerciale doit se prononcer sur la possibilité d´agir contre un dirigeant qui a outrepassé ses pouvoirs. [...]
[...] Malheureusement, cette action présenterait les mêmes incohérences que celles développées au sujet de la décision de la Chambre commerciale, car cela reviendrait à mettre sur le compte de la société, les conséquences d´un acte qui ne lui est pas opposable. Ainsi, cet arrêt se caractérise par un côté novateur, voire presque provocateur, et laisse de nombreuses questions ouvertes. Il a néanmoins permis que soit abordé concrètement le sujet du conflit entre le principe de l´inopposabilité de l´acte irrégulier à la société et l´exclusion de la responsabilité du dirigeant ayant commis une faute détachable. [...]
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