La délégation diffère de la cession de créance en ce qu'une nouvelle obligation naît de ce rapport juridique. Cette obligation, qui n'éteint pas l'obligation initiale entre le délégué et le délégant dans le cadre de la délégation imparfaite est, en principe, opposable aux tiers.
En l'espèce il s'agit, dans cet arrêt de la Chambre commerciale du 14 février 2006, d'une délégation faite par la société Elisa au profit de la banque BNP, celle-ci ayant donné instruction à la société Autopolis, sa locataire, de payer les loyers commerciaux à sa créancière, qui a accepté sans renoncer à sa créance envers elle.
La société Elisa a été condamnée, par arrêt du 1er juin 1999, à payer à la SIVN (société immobilière de la Ville de Nice) le solde du prix de vente des locaux commerciaux loués à la société Autopolis.
La cour d'appel a donné mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par la SIVN entre les mains de la société Autopolis et rejeté ses demandes au motif qu'en vertu de la délégation imparfaite souscrite antérieurement à la saisie-attribution, la société Autopolis, délégué, n'était tenue qu'envers la BNP, délégataire, les loyers n'étant pas saisissables par les créanciers de la société Elisa.
Selon le moyen formé par M.X, liquidateur amiable de la SIVN, la délégation imparfaite laisse subsister la créance du délégant, ce qui permet au créancier du délégant de bénéficier de l'effet attributif de la saisie-attribution.
La délégation imparfaite, ou délégation simple, est-elle opposable aux tiers et plus précisément aux créanciers du délégant?
La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que :" la saisie-attribution ne peut priver le délégataire de son droit exclusif à un paiement immédiat par le délégué, sans concours avec le créancier saisissant".
En soumettant le principe d'opposabilité aux tiers à la condition d'inexécution de l'obligation du délégué envers le délégataire (II), les juges de cassation nuancent le moyen du pourvoi selon lequel la créance initiale subsiste entre le délégant et le délégué, précédemment créancier et débiteur (I).
[...] Libération conditionnelle du délégant La délégation imparfaite ne libère pas complètement le délégant. En effet, ce dernier reste débiteur du créancier délégataire et créancier du débiteur tant que l'obligation du débiteur envers le délégataire n'a pas été exécutée. La créance entre le délégant et le délégué ne s'éteint pas, elle survit conditionnellement, la condition étant l'exécution par le délégué de l'obligation nouvelle contractée envers le bénéficiaire de la délégation. Le délégant étant tenu de la même créance que le débiteur, celui-ci sera libéré au moment de son paiement. [...]
[...] Chambre commerciale de la Cour de cassation février 2006 Introduction La délégation diffère de la cession de créance en ce qu'une nouvelle obligation naît de ce rapport juridique. Cette obligation, qui n'éteint pas l'obligation initiale entre le délégué et le délégant dans le cadre de la délégation imparfaite est, en principe, opposable aux tiers. En l'espèce il s'agit, dans cet arrêt de la Chambre commerciale du 14 février 2006, d'une délégation faite par la société Elisa au profit de la banque BNP, celle-ci ayant donné instruction à la société Autopolis, sa locataire, de payer les loyers commerciaux à sa créancière, qui a accepté sans renoncer à sa créance envers elle. [...]
[...] La Cour de cassation soumet l'opposabilité de la délégation aux tiers à cette condition. En effet, elle refuse la pratique de la saisie-attribution par le créancier du délégant, la SIVN, au motif que la créance du délégant sur le délégué s'éteint seulement par le fait de l'exécution de la délégation, ni le délégant ni ses créanciers ne peuvent, avant la défaillance du délégué envers le délégataire, exiger le paiement". Sur ce point, les juges de cassation rejoignent les conclusions de la cour d'appel selon lesquelles le délégué, c'est-à-dire la société Autopolis, demeurait tenue envers le seul délégataire, la BNP. [...]
[...] En soumettant le principe d'opposabilité aux tiers à la condition d'inexécution de l'obligation du délégué envers le délégataire les juges de cassation nuancent le moyen du pourvoi selon lequel la créance initiale subsiste entre le délégant et le délégué, précédemment créancier et débiteur Connexité des obligations dans le cadre de la délégation imparfaite La délégation simple, dite imparfaite, contrairement à la délégation novatoire dite parfaite, permet au délégataire de bénéficier d'une garantie supplémentaire en ce qu'elle laisse subsister la créance du délégant sur le délégué Mécanisme de la délégation sans novation Selon l'article 1275 du Code civil délégation par laquelle un débiteur donne au créancier un autre débiteur qui s'oblige envers le créancier, n'opère point de novation, si le créancier n'a expressément déclaré qu'il entendait décharger son débiteur qui a fait la délégation". En l'espèce, la BNP n'a pas renoncé à sa créance contre la société Elisa qui reste tenue envers elle. [...]
[...] Cette évolution jurisprudentielle marque peut-être le début d'un certain pouvoir de la délégation qui est un mécanisme, rappelons-le, qui repose sur la volonté des trois parties. Nous savons aussi à quel point le Code civil attache une certaine importance au consensualisme en matière de droit des obligations. La Cour de cassation a donc voulu privilégier les rapports tripartites nés de cette convention par rapport aux tiers auxquels la délégation est opposable dans les bons comme dans les mauvais côtés. [...]
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