En pratique, la désignation d'un expert de gestion est souvent sollicitée. C'est le cas dans cet arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 14 décembre 1993.
En l'espèce, au sein d'un groupe de sociétés dont la société Allianz Via Holding France (AVHF) est la société mère, deux filiales ont conclu un contrat de réassurance. La Compagnie de navigation mixte (CNM), actionnaire de la AVHF, n'ayant pas été informée de la résiliation dudit contrat a demandé en référé la désignation d'un expert de gestion aux fins essentielles d'examiner les circonstances dans lesquelles le groupe Allianz avait retiré la couverture en réassurance d'Allianz France Iardt et ses conséquences sur les comptes consolidés.
La CNM a alors formé un pourvoi en cassation aux motifs que la cour d'appel a violé l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 car la circonstance selon laquelle une opération de gestion est réalisée par une filiale ne suffit pas à priver un actionnaire d'une société mère au droit de demander une expertise en gestion, l'opération de la filiale pouvant affecter la société mère. Elle prétend notamment que la mission d'un expert peut s'étendre à d'autres sociétés liées à la première. Elle reproche à la cour d'appel de ne pas avoir répondu à ses conclusions d'appel démontrant qu'il y avait opération de gestion attribuable à la holding. Et elle prétend que la cour d'appel a violé l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966 en refusant de constater que le projet d'apport partiel d'actifs était une opération de gestion dans la société AVHF.
La Cour de cassation a alors dû se demander si l'actionnaire de la société mère avait la qualité juridique pour demander une expertise de gestion et si l'apport partiel d'actifs était une opération de gestion.
[...] En effet, l'article 225-231 du Code de commerce, issu de la loi n°2001-420 du 15 mai 2001, pose deux nouvelles conditions de fond pour obtenir la désignation d'un expert de gestion. L'alinéa 1 de cet article autorise des actionnaires minoritaires (représentant au moins du capital, éventuellement en se regroupant) à poser par écrit au président du conseil d'administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société passées par des sociétés contrôlées au sens de l'article L.233-3 du Code de commerce. [...]
[...] Mais, la Cour de cassation ne suit pas la CNM dans son argumentation. En effet, elle approuve la position des juges du fond en indiquant que le droit de faire contrôler une opération de gestion est réservé à l'actionnaire de la société qui a effectué cette opération, c'est-à-dire ici, les sociétés Allianz France Iardt et Allianz AG. En conséquence, même si la CNM est affectée par la résiliation du contrat de réassurance, elle n'a pas la qualité requise pour demander la désignation d'un expert. [...]
[...] Or, ici la CNM n'a pas réussi à montrer aux juges en quoi l'apport partiel d'actifs était une opération de gestion au sens de l'article 226 de la loi du 24 juillet 1966. En conséquence, pour pouvoir assurément obtenir des informations sur l'approbation du projet d'apport partiel par le conseil d'administration d'Allianz Via Iardt, l'actionnaire aurait dû se tourner vers l'expertise in futurum plutôt que vers l'expertise de gestion. L'expertise in futurum prévue à l'article 145 du code de procédure civile selon lequel S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé est une expertise préventive. [...]
[...] La lecture de ce texte explique que la cour d'appel, approuvée par la Cour de cassation, ait considéré que la CNM n'avait pas la qualité requise pour demander la désignation d'un expert de gestion. En effet, selon cet article il faut que la demande de désignation soit faite par un actionnaire de la société qui a effectué l'opération de gestion en cause, qui représente au moins le dixième du capital. Or, ici, la CNM n'est ni actionnaire de la société (elle ne représente pas à fortiori un dixième du capital), ni partie au contrat de réassurance. [...]
[...] Mais, la cour d'appel n'a pas répondu aux premières prétentions et n'a pas constaté l'accomplissement d'une opération de gestion dans la société Allianz Via Holding France. La CNM a alors formé un pourvoi en cassation. La Cour de cassation a considéré que la cour d'appel n'était pas tenue de répondre aux conclusions, car leur caractère imprécis et hypothétique les rendait inopérantes. La Cour de cassation ne se prononce donc pas sur le fait de savoir si l'apport partiel d'actifs est ou non une opération de gestion. [...]
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