Dans un arrêt rendu le 13 octobre 1998, la chambre commerciale de la cour de cassation élargit le critère de la régularité aux créances délictuelles et consacre le critère des pouvoirs.
En l'espèce, un débiteur en liquidation judiciaire a commis des actes de contrefaçon après le jugement d'ouverture de la procédure collective mais dans l'exercice d'une activité salariée dans le cadre d'une autre société, donc étrangers à la liquidation judiciaire. Mr Edouard Leclerc assigne le débiteur en contrefaçon et paiement de dommages et intérêts. Cette action fut rejetée par la cour d'appel de Paris dans un arrêt rendu le 29 septembre 1995 aux motifs d'une part, que la créance délictuelle est née postérieurement au jugement d'ouverture et entre ainsi dans les prévisions de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985.
D'autre part, que le débiteur étant dessaisi de ses biens par l'effet du jugement de liquidation judiciaire, la condamnation pécuniaire devra être prononcée contre le liquidateur judiciaire. Mr Edouard Leclerc se pourvoit alors en cassation.
Il s'agit donc pour la cour de cassation de savoir si les créances délictuelles nées régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective entrent dans le domaine d'application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985.
[...] Les conditions nécessaires à l'application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 En l'espèce, la Cour de cassation rappelle les conditions cumulatives nécessaires à l'application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 et consacre avec netteté le critère des pouvoirs A. La postériorité et la régularité de la créance, des conditions cumulatives Pour faciliter le financement de la période d'observation qui engendre, du fait du maintien, des coûts et donc des besoins de financement plus élevés qu'une procédure liquidative traditionnelle, le législateur avait en 1985 accru considérablement l'avantage accordé aux nouveaux créanciers, dits créanciers postérieurs ou créanciers de la procédure, et généralisé leur priorité de paiement sur les créanciers antérieurs nonobstant toute sûreté. [...]
[...] D'une part, les créances doivent être nées régulièrement après le jugement d'ouverture la recherche de la date de naissance conduisant à la détermination du fait générateur de la créance, par opposition à sa date d'exigibilité, indifférente. La chambre commerciale de la Cour de cassation avait affirmé dans un arrêt rendu le 20 février 1990 que la naissance régulière de la créance après le jugement d'ouverture d'une procédure collective était suffisante pour entraîner le jeu de l'article 40 de la loi de 1985, même en l'absence de poursuite d'activité. Cette solution avait été confirmée dans un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 8 décembre 1998. [...]
[...] Les conditions non indispensables à l'application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 La haute juridiction adopte en l'espèce une conception extensive du critère de la régularité de la créance en l'élargissant aux créances délictuelles dont le domaine a été restreint par le législateur en 2005 A. Conception extensive du critère de la régularité aux créances délictuelles En l'espèce, la haute juridiction énonce que les juges du fond n'ont pas recherché si la créance était née régulièrement après le jugement d'ouverture de la procédure collective, c'est-à-dire conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur En effet, en vertu des dispositions de l'article L.621-32 du code de commerce, le bénéfice de la priorité de paiement est réservé aux créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture La régularité et la postériorité de la créance sont exigées afin de mettre en adéquation le domaine de la priorité de paiement. [...]
[...] Toutefois, la Cour de cassation n'exclut pas pour la première fois dans cet arrêt rendu le 13 octobre 1998 qu'une créance délictuelle puisse être régulière, dès lors qu'elle est née conformément aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur ou de l'administrateur. Par conséquent, un délit ou un quasi-délit donne naissance à une créance régulière s'il intervient à l'occasion du déroulement de la procédure ou de l'exploitation de l'entreprise conformément à ces règles, sans que soit constatée, une violation des règles répartissant les pouvoirs pendant la procédure. [...]
[...] Le bénéfice de l'article devrait alors être écarté pour des dettes délictuelles personnelles. Toutefois, en l'espèce, la haute juridiction au visa de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 admet le bénéfice du régime de faveur aux créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture dès lors qu'elles sont conformes aux règles gouvernant les pouvoirs du débiteur. La Cour de cassation élargit le domaine d'application de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 aux créances délictuelles nées régulièrement après le jugement d'ouverture d'une procédure collective, et énonce que cette condition n'est pas indispensable. [...]
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