En janvier 1993, lors d'une « réunion de famille », M. Samuel Beley, dirigeant et actionnaire des sociétés Beley et Financière Beley, propose à deux membres de sa famille, MM. Marc et Philippe Beley, actionnaires minoritaires de la première (détenant respectivement 6,30 et 5,41 % du capital social), de céder leurs actions à la seconde. La cession se réalise le mois de mars suivant, au prix de 1800 F l'action. Or, en mai et juin, une troisième société, la société Former, avec laquelle des négociations étaient en cours depuis le départ, acquiert elle aussi un petit bloc d'actions de la société Beley (7 % du capital), ainsi que la quasi-totalité des actions de la société Financière Beley, qu'elle finit par absorber ; lors de chacune de ces opérations le prix unitaire est fixé à 4022 F.
De cet écart de prix pour le moins significatif découle le mécontentement des cédants qui, afin d'obtenir réparation sous forme de dommages-intérêts, reprochent tant à la société cessionnaire (la société Financière Beley, aux droits et obligations de laquelle se trouve désormais la société Former, en sa qualité d'absorbante) qu'à son dirigeant social, de ne pas les avoir informés de l'existence des négociations entreprises avec la société Former, qui étaient de nature à influer sur leur consentement.
Dès lors, la question posée à la Cour de cassation était de savoir si le dirigeant social, de par cette qualité, était tenu d'informer les associés de la société qu'il dirige des éléments de nature à peser sur leur consentement lors d'une cession de droits sociaux.
[...] En définitive, parce que la loyauté est inséparable de la fonction de direction d'une société, c'est l'ensemble des activités du dirigeant mettant en cause la personne morale ou la communauté des associés qui est couvert. Le devoir général de loyauté sous-tend par conséquent plusieurs devoirs implicites qui n'ont pas été expressément prévus par la loi mais que la jurisprudence s'applique à faire émerger: obligation de non- concurrence de la société, obligation de révélation aux associés d'informations déterminantes dans les cessions de droits sociaux . Au moment où la moralisation du monde des affaires est une nécessité, le devoir de loyauté, d'inspiration morale, semble promis à un bel avenir en droit des sociétés. [...]
[...] Chambre commerciale, Cour de cassation mai 2004 - la consécration prétorienne du devoir de loyauté des dirigeants Ouverte avec l'affaire Vilgrain du 27 février 1996, la consécration prétorienne du devoir de loyauté des dirigeants marque une nouvelle étape dans cet arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 12 mai 2004. En janvier 1993, lors d'une réunion de famille M. Samuel Beley, dirigeant et actionnaire des sociétés Beley et Financière Beley, propose à deux membres de sa famille, MM. [...]
[...] Notre arrêt reproduit cette formulation, confirmant ainsi pour la seconde fois l'existence de ce devoir à l'égard de tout associé. Ce devoir oblige le dirigeant à donner des informations lors d'une cession de droits sociaux. Certes, il faut que le dirigeant ait à tout le moins connaissance du projet de cession ainsi que des faits que l'une ou l'autre des parties doit connaître pour consentir de façon éclairée: en l'espèce, la Cour relève que S. Beley avait été à l'origine de la cession et qu'il connaissait les négociations en cours avec la société tierce puisqu'il les menait au nom des sociétés Beley et Financière Beley. [...]
[...] ] à une personne en raison de ses fonctions ou de sa profession (G. Cornu, Vocabulaire juridique). Le devoir de loyauté du dirigeant pourrait donc légitimement être fondé sur la fonction directoriale elle-même. Il ne fait en effet plus de doute que la fonction de direction d'une société met automatiquement à la charge de celui qui l'occupe certains devoirs fiduciaires, dictés par la confiance des associés, et empreints d'une coloration morale. Ces devoirs sont bien connus des droits anglo-saxons qui consacrent l'existence de fiduciary duties, parmi lesquels figure un devoir de loyauté. [...]
[...] De surcroît, la référence à la notion générale de loyauté présente l'intérêt d'être applicable à de multiples domaines liés à la direction d'une société. De manière très nette aujourd'hui, la Cour de cassation tire de ce devoir, outre l'exigence d'une obligation d'information des associés dans le cadre d'une cession de leurs droits sociaux, l'existence d'une obligation de non-concurrence de l'entreprise sociétaire (Cass. com février 2002). Il est fort probable à l'avenir que bien d'autres domaines encore seront conquis par cet impératif majeur. [...]
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