En l'espèce, par un acte du 18 décembre 2000, les actionnaires de la société Les Maréchaux ont cédé leur participation au président du conseil d'administration de cette société, qui était déjà titulaire de titres. Dans l'acte était stipulée une clause de complément de prix, qui imposait au cessionnaire de verser aux cédants un supplément de prix en cas d'augmentation de la valeur des titres depuis leur cession pour une cause antérieure à cette cession, ainsi qu'une clause de garantie de valeur ou de restitution de prix, par laquelle chacun des cédants garantissait le cessionnaire au prorata de la participation cédée, et notamment contre toute augmentation du passif résultant d'événements à caractère fiscal dont le fait générateur serait antérieur à la cession. La société a fait l'objet d'un redressement fiscal au titre d'exercices antérieurs à la cession.
Les cédants demandent en justice la condamnation du cessionnaire au versement du complément de prix. Le cessionnaire a, quant à lui, introduit une demande reconventionnelle afin que les cédants soient condamnés à lui verser une somme d'argent au titre de la garantie de passif. La cour d'appel a rejeté la demande du cessionnaire en considérant que celui-ci, dont la mauvaise foi est avérée, ne peut se prétendre créancier à l'égard des cédants sans manquer à la bonne foi. Le cessionnaire a formé un pourvoi en cassation.
Le juge a-t-il le pouvoir de remettre en cause les droits et obligations convenus entre les parties à un contrat lorsque l'une d'elles a été de mauvaise foi ?
[...] En se fondant sur l'article 1134 alinéa 1er et 3 du Code civil, elle estime en effet que si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, elle ne l'autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties, la cour d'appel a violé par fausse application, le second des textes susvisés et par refus d'application, le premier de ces textes En d'autres termes, le juge n'a pas le pouvoir de remettre en cause les droits et obligations établis dans un contrat, et en l'espèce, le juge ne peut remettre en cause la créance qui a été mise en œuvre de mauvaise foi en dispensant les actionnaires débiteurs de toute obligation. Plus généralement, il s'agit de savoir quelle est la portée des pouvoirs du juge concernant la sanction de la mauvaise foi dans l'exécution des contrats. Nous montrerons premièrement que l'arrêt admet la sanction de l'usage déloyal sur le fondement de la mauvaise foi mais rejette la remise en cause par le juge de la force obligatoire du contrat (II). [...]
[...] Toutefois, la Cour de cassation rejette le pouvoir du juge selon lequel il peut remettre en cause la force obligatoire du contrat. II. Le rejet de la remise en cause par le juge de la force obligatoire du contrat La Cour de cassation rejette la remise en cause par le juge de la force obligatoire du contrat. Elle fait donc prédominer l'alinéa 1 sur l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code civil Ce qui a pour conséquence notamment que la seule sanction envisageable d'un manquement à la bonne foi est l'allocation de dommages-intérêts A. [...]
[...] En l'espèce, la Cour de cassation a annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel. Elle estime en effet que la cour d'appel a violé à la fois l'article 1134 en son alinéa en ce qu'elle en a fait une fausse application et l'alinéa 1 de ce même article par refus d'application Elle a finalement considéré que le manquement à la bonne foi ne relève pas de l'appréciation souveraine des juges du fond, et que ces derniers ont le devoir d'en assurer le respect. [...]
[...] Cette prééminence de l'alinéa 1 relatif à la force obligatoire des contrats sur l'alinéa 3 de l'article 1134 relatif à la bonne foi dans l'exécution du contrat assurée par la Cour de cassation, a pour conséquence la limitation du pouvoir du juge quant à la sanction de la mauvaise foi contractuelle. Il ne lui est pas possible de s'immiscer dans les droits et obligations convenus entre les parties. Il est tenu de respecter la loi des parties. La remise en cause de la substance des droits et obligations nés du contrat violerait l'alinéa 1 de l'article 1134 du code civil. [...]
[...] Autrement dit, un contractant de mauvaise foi peut être condamné à verser des dommages- intérêts sur le fondement de l'article 1147 du Code civil qui dispose notamment que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part Cette solution se trouvait déjà en jurisprudence, et notamment dans l'arrêt rendu le 8 mars 2005 par la chambre commerciale de la Cour de cassation. Toutefois, une autre sanction est admise en matière de clause résolutoire, c'est-à-dire lorsqu'une stipulation est neutralisée. Ce fut notamment le cas dans l'arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 16 février 1999. [...]
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