Du passé, faisons table rase. Cette phrase, devenue une maxime-clé du socialisme, pourrait parfaitement convenir à l'état d'esprit de la Cour de Cassation dans cet arrêt Nahoum de la chambre commerciale du 8 octobre 2002 au regard de l'exigence du principe de proportionnalité entre les possibilités financières d'une caution dirigeant social et le montant de l'engagement de celle-ci.
En l'espèce, le président d'administration et le directeur général d'une société se sont portés caution solidaire de cette dernière à la hauteur de 23 500 000 francs, pour des prêts qui lui ont été accordés par un établissement bancaire. Quelques temps après la liquidation judiciaire de ladite société, la banque demande aux cautions de s'exécuter. Pour s'opposer à l'exécution de leurs engagements, les cautions dirigeantes mettent en cause la responsabilité de la banque dans la souscription de cautionnements « sans rapport avec leurs ressources ».
La Cour d'Appel de Paris rejette les prétentions des cautions en estimant que d'une part, les ressources prises en compte pour le calcul des facultés de remboursement devaient s'appuyer sur les profits escomptés, pouvant être retirés en cas de succès des projets immobiliers ; et que d'autre part, elle a considéré souverainement « l'étendue de leurs possibilités financières afin de déterminer le caractère proportionné ou non de l'engagement de caution pris ». Il semblerait ici les parties et les juges d'appel tournent leurs raisonnements sur le terrain de l'exigence de proportionnalité (instaurée par la chambre commerciale depuis le fameux arrêt Macron), c'est-à-dire sur le fait de savoir si en l'espèce, il y a avait ou non proportionnalité du cautionnement au regard des facultés patrimoniales et financières des cautions dirigeantes et le montant de la somme garantie.
Les cautions forment un pourvoi selon le moyen principal que le mode de calcul pris en compte par la cour d'appel n'excuse pas le caractère fautif de la banque « à la prise d'un engagement de caution disproportionné au regard des possibilités financières d'une caution » et que l'existence d'une telle disproportion engage ipso facto, la responsabilité de l'établissement bancaire.
La solution retenue par la Cour de Cassation est pour le moins étonnante. En effet, elle semble clairement revenir sur sa jurisprudence Macron en ce qu'elle décide que les cautions « ne sont pas fondées à rechercher la responsabilité de la banque » puisqu'elles « n'ont jamais prétendu ni démontré que la banque aurait eu sur leurs revenus, leurs patrimoines et leurs facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération immobilière entreprise par la société, des informations qu'eux-mêmes auraient ignorées ». Ce qui est marquant dans la solution édictées par la haute juridiction, reste le « motif de pur droit substitué à celui critiqué » qui fait littéralement table rase du principe de proportionnalité érigé par la jurisprudence Macron en 1997.
La caution dirigeant social peut-elle se prévaloir de l'exigence de proportionnalité entre ses facultés patrimoniales et financières et le montant de la somme garantie pour engager la responsabilité de l'établissement bancaire ?
La Cour de Cassation semble donc avoir déplacé le terrain du raisonnement : il ne s'agit plus de savoir quelles sont les conditions de l'exigence de proportionnalité mais il s'agit plutôt de savoir quelles sont les nouvelles obligations que le banquier doit exécuter sous peine de voir sa responsabilité engagée.
La solution des juges suprêmes traduit inéluctablement une remise en cause de l'exigence de proportionnalité (I) dont les effets restent somme toute modestes (II).
[...] Chambre Commerciale octobre 2002 Du passé, faisons table rase. Cette phrase, devenue une maxime-clé du socialisme, pourrait parfaitement convenir à l'état d'esprit de la Cour de Cassation dans cet arrêt Nahoum de la chambre commerciale du 8 octobre 2002 au regard de l'exigence du principe de proportionnalité entre les possibilités financières d'une caution dirigeant social et le montant de l'engagement de celle-ci. En l'espèce, le président d'administration et le directeur général d'une société se sont portés caution solidaire de cette dernière à la hauteur de francs, pour des prêts qui lui ont été accordés par un établissement bancaire. [...]
[...] Néanmoins, avec l'entrée en vigueur de ladite loi, la jurisprudence finira par tomber en désuétude. Au-delà d'une portée nuancée, cet arrêt s'inscrit également dans un courant de bouillonnement législatif et jurisprudentiel Un arrêt inscrit au cœur d'un bouillonnement législatif et jurisprudentiel L'arrêt a fait naître une certaine complexité en matière d'exigence de proportionnalité qui s'est entre autre traduite par sa propre réduction en cas de cautions non dirigeantes mais plus encore, par une tentative de réforme du droit du cautionnement La réduction de l'exigence de proportionnalité aux cautions non dirigeantes ? [...]
[...] Toutefois, même pour les cautions profanes (non dirigeantes), l'exigence de proportionnalité va être réduite par la suite. En effet, les arrêts rendus par la Cour de cassation en 2006 montrent que la jurisprudence, s'agissant de cautions profanes, ne fait pas peser sur le créancier un véritable devoir d'abstention ; il s'agit davantage d'une simple obligation de mise en garde de la caution contre le caractère excessif de son engagement, telle une simple obligation d'information. Le critère demeure le défaut de proportionnalité entre l'engagement et les capacités financières. [...]
[...] L'assimilation jurisprudentielle de la caution dirigeant à la caution consommateur Cette règle posée par l'article L.313-10 du code de la consommation avait un domaine d'application limité puisqu'il n'était applicable initialement qu'en matière de crédit à la consommation. Son champ d'application va connaître un accroissement considérable avec l'arrêt Macron rendu par la Chambre commerciale le 17 juin 1997 qui a permis la consécration d'un principe général de proportionnalité de l'engagement de la caution à ses ressources. En l'espèce, un dirigeant social se porte caution des dettes de son entreprise. [...]
[...] A ce titre, l'opération qu'il décide provient d'un consentement libre et vivement éclairé, en raison de la place centrale qu'il occupe au sein de la société. En effet, il connaît mieux que quiconque tant les investissements nécessaires à la réussite de l'opération, que les risques entraînés par celle-ci. Il est à même d'évaluer les chances de succès ou d'échec de l'opération. De surcroît, en mesurant les risques encourus par la société, le dirigeant social estime par la même, ses chances d'enrichissement ou d'appauvrissement personnels puisque celles-ci sont étroitement liées à la santé financière de la société. [...]
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