Depuis une dizaine d'années, l'affaire Chronopost parvient à tenir en haleine les juristes, jouant de ses nombreux rebondissements. De manière constante, la société Chronopost, spécialisée dans l'acheminement rapide de lettres et de colis, stipule dans ses contrats (qui s'analysent, précisons le, en contrats d'adhésion) une clause limitant l'indemnisation du client, en cas de retard ou de perte dans l'acheminement du colis, au prix payé par ce dernier. Cette clause se révèle d'autant plus encombrante qu'elle annihile, en fin de compte, l'obligation essentielle du transporteur : assurer un service de messagerie dans un délai fixe «garanti» (comme le proclament ses documents contractuels et sa publicité), proposés d'ailleurs en contrepartie d'un surcoût demandé au client par rapport au prix d'un envoi traditionnel de courrier. Traditionnellement, les litiges nés de l'application des clauses limitatives de responsabilité s'articulent autour de la notion de faute lourde. Si ces clauses sont en principe valables, elles peuvent en effet être écartées lorsque l'inexécution de l'obligation résulte d'une faute lourde, afin de protéger les clients contre les effets particulièrement réducteurs de ces clauses. Jadis assimilée au dol dans l'exécution du contrat, la faute lourde s'attache à deux éléments: un élément subjectif lié à la conduite du responsable et un élément objectif lié aux obligations contenues dans le contrat.
L'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 30 mai 2006 a été l'occasion pour les juges de cassation de rechercher l'illicéité de la clause limitative d'indemnisation invoquée par la société Chronopost à l'encontre de la société JMB International.
En l'espèce, les faits étaient les suivants : la société JMB international avait confié à la société Chronopost l'acheminement jusqu'à Hong Kong de deux montres qui ont été perdues. Pour obtenir des dommages-intérêts, la société cliente a assigné la société Chronopost en réparation du préjudice subi en contestant la clause de limitation de responsabilité que lui a opposée la société Chronopost.
La Cour d'appel de Paris a retenu dans sa décision du 11 mars 2004, l'applicabilité de la clause limitative de responsabilité au motif que l'expéditeur avait admis le principe et les modalités d'une indemnisation limitée en cas de perte du colis transporté, en acceptant les conditions de ventes du transporteur. Elle se réfère à la force obligatoire du contrat. Cependant, la Cour de cassation a cassé l'arrêt d'appel ce qui donne lieu à l'arrêt étudié au motif que les juges du second degré auraient dû rechercher si la clause limitative d'indemnisation devait ou non être réputée non écrite du fait du manquement par le transporteur à une obligation contractuelle essentielle, soit l'obligation d'acheminement. En d'autres termes, au visa de l'article 1131 du Code civil qui énonce que «l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet », la Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que lorsque le transporteur invoque une clause exclusivement contractuelle limitative de responsabilité, les juges du fond ont l'obligation de rechercher si cette clause limitative d'indemnisation, qui n'est pas prévue par un contrat-type établi par décret, ne doit pas être réputée non écrite par l'effet d'un manquement du transporteur à une obligation essentielle du contrat. . La Cour pose ainsi la question au juge de renvoi : la clause facultative inscrite dans le contrat passé par la société Chronopost avec tous ses clients, visant à limiter le montant de l'indemnité à verser en cas de non conformité de la prestation (perte, détérioration, retard, etc.), est-elle nulle ?
Il ressort de cette décision que la clause forfaitaire d'indemnisation inscrite dans un contrat de transport est nulle dès lors qu'il y a manquement à une obligation essentielle du contrat qui réside dans l'acheminent du colis vers sa destination finale. Au regard de la jurisprudence antérieure, l'arrêt du 30 mai 2006 rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation est la confirmation de la jurisprudence Chronopost 1 (1) du 22 octobre 1996. Arrêt fondateur de la saga Chronopost, il parait nécessaire de se pencher ensuite sur la portée de la règle posée par la jurisprudence d'octobre 1996 (2) en insistant sur son inapplicabilité aux clauses consacrées par un contrat type.
[...] Il convient dès lors de se référer a la jurisprudence Chronopost 3 du 22 avril 2005. La Cour de cassation se prononce sur l'inexécution du contrat de transport en présence d'une clause légale de limitation de responsabilité et énonce que la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d'indemnisation prévue par le contrat type messagerie ne saurait résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur. [...]
[...] Alors certes, il est parfaitement licite de stipuler dans un contrat une clause limitative de responsabilité mais celle- ci ne doit pas venir contredire l'obligation essentielle du contrat. C'est pourquoi, par le biais du respect de la cohérence et de l'économie du contrat, la jurisprudence contrôle la compatibilité des clauses avec la finalité envisagée par les parties. L'économie du contrat est une notion jurisprudentielle qui rejoint l'idée d'obligation essentielle (Arrêt Chronopost, Paris 17 novembre 1994 ; Cass. civ. 3ème mars 1993). Une clause ne peut contredire "la portée de l'engagement". [...]
[...] Il existe à ce titre certains contrats pour lesquels le pouvoir réglementaire a prévu des contrats-types lorsque les parties n'y dérogent pas. Une clause prévue dans un contrat-type établi par décret a vocation à s'appliquer lorsque la clause conventionnelle est réputée non écrite. Elle fait référence a la jurisprudence Chronopost 3 qui se traduit par deux arrêts jumeaux (pourvoi 02- 18.326 et 03- 14.112 Dès lors, on applique la responsabilité contractuelle et donc le principe de la réparation intégrale. On indemnisera le préjudice subi. [...]
[...] Au regard de la jurisprudence antérieure, l'arrêt du 30 mai 2006 rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation est la confirmation de la jurisprudence Chronopost 1 du 22 octobre 1996. Arrêt fondateur de la saga Chronopost, il parait nécessaire de se pencher ensuite sur la portée de la règle posée par la jurisprudence d'octobre 1996 en insistant sur son inapplicabilité aux clauses consacrées par un contrat type. La nullité de la clause forfaitaire d'indemnisation : une confirmation de la jurisprudence Chronopost 1 La Cour de cassation se prononce sur l'inexécution du contrat de transport en présence d'une clause contractuelle de limitation de responsabilité. [...]
[...] Quoi qu'il en soit de cette audace jurisprudentielle, le mécanisme de la clause réputée non écrite s'analyse comme une nullité partielle imprescriptible. Il s'agit en quelque sorte d'une microchirurgie contractuelle (J. Mestre) : la victime n'a pas à craindre de dénoncer la clause pathogène, puisqu'elle conserve par ailleurs le bénéfice du contrat. Cela dit, cette neutralisation ponctuelle d'une stipulation contractuelle peut, le cas échéant, rendre son efficacité a des dispositions légales supplétives que la clause contractuelle avait pour but d'écarter. [...]
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