Cour de cassation, chambre commerciale, 22 mars 2016, société, associés fondateurs, accord-cadre, directeur commercial, cession de parts sociales, nullité des actes, indétermination du prix, vileté du prix, action en nullité, délai de prescription, Cour d'appel de Versailles, pourvoi principal, pourvoi incident, nullité relative, nullité absolue, formation du contrat, cause du contrat, prestation, ordonnance du 10 février 2016, Code Civil
Le 14 février 2003, trois associés, fondateurs d'une société, concluent avec un tiers un « accord-cadre ». Les associés s'engagent chacun à céder à celui-ci 5% du capital de la société « pour le prix forfaitaire et symbolique de 500 euros », et en contrepartie, le cocontractant s'engage à « mettre au service de la société en qualité de directeur commercial sa connaissance du marché ainsi que son industrie, pendant une durée minimum de cinq années ». Le 5 mars 2003, trois actes de cession de parts sociales sont effectivement signés et le 31, la société engage le tiers en qualité de directeur commercial.
Mais par acte du 17 mars 2010, les associés assignent le directeur commercial, à titre principal, en nullité des cessions de parts pour indétermination du prix, à défaut, pour vileté du prix et à titre subsidiaire, en résolution des cessions du fait de sa défaillance dans l'exécution de ses obligations.
[...] A défaut, les requérants s'appuient sur la « théorie du vil prix » sur le fondement d'arrêts d'autres chambres : « La Cour de cassation jugeait depuis longtemps que la vente consentie à vil prix était nulle de nullité absolue ». La Cour de cassation admettait en effet que certains contrats synallagmatiques commutatifs pouvaient être frappés de nullité absolue dans différentes hypothèses et notamment lorsque le contrat n'avait pas de contrepartie ou lorsqu'il présentait une contrepartie inutile pour l'autre partie et donc illusoire, voire dérisoire. [...]
[...] Le directeur commercial quant à lui soulève la prescription de l'action en nullité et demande, à titre reconventionnel, des dommages et intérêts. Un jugement est rendu et un appel est interjeté. Le 21 janvier 2014, la Cour d'appel de Versailles rend un arrêt par lequel elle estime que l'action en nullité pour indétermination du prix est effectivement prescrite, car il s'agit d'une action protectrice du seul intérêt particulier de l'une des parties au contrat, donc d'une action en nullité relative prescrite par cinq ans. [...]
[...] » La chambre commerciale rappelle la jurisprudence des autres chambres de la cour pour justifier son `revirement de jurisprudence'. En effet, la théorie dite « moderne » des nullités abandonne le critère de la gravité du vice et lui substitue celui de l'intérêt protégé par la règle violée. La notion de cause n'est absolument pas abandonnée, comme l'illustre parfaitement la solution rendue par la troisième chambre civile du 24 octobre 2012 : « un contrat de vente conclu pour un prix dérisoire ou vil est nul pour absence de cause » (la notion étant toujours entendue dans le cadre du contrat de vente comme une contrepartie). [...]
[...] Aussi, le fait, pour la chambre commerciale, d'admettre, au même titre que les autres chambres de la Cour, un nouveau critère permettant de distinguer la nullité relative et absolue affaiblit considérablement la portée de la cause. En effet, si celle-ci n'est pas encore abandonnée et qu'elle permet toujours, en cas de défaut, d'engager une action en nullité sur le fondement de l'absence d'un élément essentiel au contrat, l'enjeu principal auquel elle était attachée, à savoir obtenir la nullité absolue du contrat supposant une prescription par trente ans, a disparu. [...]
[...] C'est exactement le raisonnement suivi par les requérants au pourvoi principal en l'espèce : ils soutiennent, sur le fondement de la jurisprudence constante de la chambre commerciale, que « l'absence d'un élément essentiel du contrat », au moment de sa formation, constitue effectivement un vice très grave qui doit entraîner la nullité absolue de la vente. Concrètement, l'absence d'un élément essentiel peut se définir comme l'absence d'une condition nécessaire à l'existence du contrat : généralement l'absence du consentement, d'un objet ou de la cause au contrat. [...]
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