AMF Autorité des Marchés Financiers, autorités administratives indépendantes, Conseil d'administration, CESDH Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, Code monétaire et financier, infraction, analyse subjective, but légitime, vie privée, contrôle de proportionnalité
En l'espèce, dans ces deux arrêts respectifs, sur requête de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) dont ses enquêteurs étaient en charge d'une enquête ouverte par son secrétaire général portant sur l'information financière et le marché du titre d'une société marocaine, le juge des libertés et de la détention a autorisé les enquêteurs de cette Autorité à procéder à une visite au siège de cette société lors de la tenue de son prochain conseil d'administration et à saisir tout document susceptible de caractériser la communication et/ou l'utilisation d'une information privilégiée sur tout support. À cette fin, ces derniers ont saisi l'ordinateur portable et le téléphone des représentants de la société, présents à la réunion du Conseil d'administration ainsi que des mails issus de leur messagerie professionnelle.
C'est ainsi que ceux-ci ont contesté la régularité des opérations dont ils faisaient l'objet. En effet, d'une part, ils ont interjeté appel de l'ordonnance d'autorisation de visite du JLD afin d'obtenir l'annulation de celle-ci et la restitution de l'intégralité des documents saisis et d'autre part, ils ont exercé un recours visant à contester le déroulement des opérations et à obtenir leur annulation - tout cela étant exercé devant le premier président de la Cour d'appel de Paris et la société en cause étant intervenue à la procédure de façon volontaire. Seulement, ces contestations n'ont donné lieu à aucun résultat positif puisque le premier président confirmera en toutes ses dispositions l'ordonnance du JLD et déclarera régulières les opérations de visite et de saisie.
[...] Un contrôle de proportionnalité opéré par les juges : une mise en balance des intérêts Dans ces arrêts, les deux administrateurs invoquent, au soutien de leurs pourvois, que le « premier président a violé l'article 8 CEDH » notamment en « décidant que le juge des libertés et de la détention avait valablement autorisé la saisie des documents » en se fondant sur la qualité d'occupant des lieux et non sur celle de présence passagère. Pour les demandeurs au pourvoi, cette atteinte résulte du fait que ceux-ci étaient des tiers et qu'à cette fin, ils ne devaient faire l'objet d'une ingérence dans leur vie privée à travers la saisie des documents. Seulement, l'Assemblée plénière ne retient pas cette solution : pour elle, la solution permet de satisfaire à l'objectif poursuivi par l'art. L.621-12 C. [...]
[...] Ainsi, face à une telle situation, elle se devait de clarifier la situation afin de se conformer au principe de nécessité et de proportionnalité des actes conformément à l'art. 8§2 CEDH - principes constitutionnels (Cons. Const janvier 1977 - n°75-75DC / 19-20 janvier 1981 ou 18 janvier 1995 - n°94-352 DC) et conventionnels (CEDH déc / 25 février 1993 - Funke c. France / CEDH 30 avril 2020 - Castellani France) devant être soumis au contrôle du juge. Finalement, en étant indifférente à la qualité de la personne saisie, aucune précision n'est apportée quant aux garanties offertes aux personnes considérées comme « de passage » même si l'on peut aisément déduire du raisonnement de l'Assemblée plénière que celles-ci trouvent à s'appliquer à l'égard de celles-ci pour éviter d'éventuelles atteintes à leur droit au respect à la vie privée. [...]
[...] Bien que nous ne disposions pas de l'ordonnance du JLD, en se fondant sur ce raisonnement, on peut imaginer que l'assemblée plénière suit la position du juge ce qui conduit à déclarer que « le moyen, qui conteste la qualité d'occupant des lieux de M.H, est dès lors inopérant ». En ne se conformant pas à la lettre de l'article L.621-12 C. monétaire et financier, la question de la prévisibilité de la loi pénale et du principe de légalité pourrait se poser et c'est notamment ce que les administrateurs d'une autre société avaient pu invoquer dans le cadre d'une autre affaire devant la CEDH qui, dans deux décisions en date du 23 novembre 2023 (n°16416/23 et n°16424/23), ne manque pas de rappeler que la solution retenue par l'Assemblée plénière n'est contraire ni à la lettre ni à l'esprit de l'article visé. [...]
[...] En l'espèce, ce droit a été mis en œuvre à deux reprises par les requérants qui contestent la régularité des opérations ordonnées par le JLD alors même que celles-ci avaient été jugées régulières par les deux premiers présidents des cours d'appel de Paris. En effet, les requérants cherchaient simplement à alerter de la situation selon laquelle un détournement de procédure avait été commis et que « le JLD avait manqué de prudence en n'empêchant pas un détournement de procédure consistant pour les enquêteurs de l'AMF à être autorisés à effectuer des opérations de visite aux fins de pallier le caractère insuffisant des éléments qu'ils avaient obtenus ». [...]
[...] Ainsi, l'Assemblée plénière a été amenée à trancher le problème de droit suivant : les représentants d'une société pouvaient-ils valablement faire l'objet d'une saisie de documents liés au fonctionnement de la société alors même qu'ils sont dépourvus de la qualité d'occupant des lieux ? De fait, la juridiction suprême répond par la positive. Elle va rejeter les pourvois au visa de l'article L.621-12 C. monétaire et financier aux motifs que d'une part que « sont saisissables les documents et supports d'information qui sont en lien avec l'objet de l'enquête et se trouvent dans les lieux que le juge a désignés ou sont accessibles depuis ceux-ci, sans qu'il soit nécessaire que ces documents et supports appartiennent ou soient à la disposition de l'occupant des lieux » et d'autre part que « seuls les éléments nécessaires à la recherche des infractions précitées peuvent être saisis, ceux n'étant pas utiles à la manifestation de la vérité devant être restitués ». [...]
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