Un contrat a été conclu entre la société à responsabilité limitée (SARL) Magasins et entrepôts du Nord et autre et la société Saunier Duval. Ce contrat est un contrat de « magasinage » à durée indéterminée. La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 4 janvier 1978, a condamné la société Saunier Duval à payer à la SARL Magasins et entrepôts du Nord et autre un tarif supérieur à celui convenu originairement en raison de circonstances économiques nouvelles. La société Saunier Duval a donc intenté un pourvoi en cassation. Elle ne veut pas augmenter le tarif originairement convenu. En dépit de l'article 1134 du code civil, les juges peuvent-ils prononcer une révision du contrat passé entre les deux sociétés ? La Cour de cassation réfute la solution choisie par la Cour d'appel de Paris dans un attendu de principe en affirmant « qu'en statuant ainsi, alors que la convention ne prévoyait pas de modification du tarif du dépôt salarié, la Cour d'appel a violé par refus d'application le texte susvisé ». Cette solution, qui existe depuis longtemps, n'est que réaffirmée autoritairement par la Cour de cassation dans cet arrêt. Ce refus traditionnel de la part de la Cour de cassation d'accorder au juge le pouvoir de réviser les conditions d'exécution du contrat en cas de bouleversement des circonstances économiques témoigne bien de la volonté judiciaire de faire respecter la loi des parties. Nous verrons donc en première partie que la théorie de l'imprévision est catégoriquement refusée (I) puis dans une seconde que cet arrêt a une portée cependant limitée (II).
[...] Le rejet catégorique de la théorie de l'imprévision en cas de déséquilibre du contrat Le Cour d'appel reçoit la demande de la société lésée Cependant, la Cour de cassation rejette la théorie permettant la révision du contrat Le question du déséquilibre du contrat Le législateur admet une révision ou une nullité relative du contrat lorsqu'au moment de la formation de ce dernier, la prestation de l'une des parties est en déséquilibre avec l'autre. On appelle cela la lésion. Lorsque la nullité en prononcée dans ce cas, on parle de rescision pour lésion. [...]
[...] Certaines décisions ont pu être comprises comme un premier pas dans cette direction. Dans le fameux arrêt Huard de la chambre commerciale du 3 novembre 1992, la Cour de cassation a approuvé la Cour d'appel de Paris d'avoir considéré qu'en cas de changement de circonstances exposant un distributeur à une concurrence renforcée, le fournisseur était contraint par l'exigence de bonne foi de négocier avec celui-ci un accord de coopération commerciale afin de lui permettre de s'aligner sur ses concurrents. De plus, dans l'avant projet de réforme, Mr P. [...]
[...] D'autant plus que la société Saunier Duval était en droit de s'opposer à cette augmentation du tarif initialement fixé. La société Saunier Duval invoque dans son pourvoi que le contrat a une force obligatoire. Cette force obligatoire ne signifie pas seulement que le débiteur est tenu d'exécuter ses obligations et qu'il y sera éventuellement contraint par l'autorité publique, qui veille au respect des contrats comme à l'observation de la loi. Elle signifie, en outre, que les obligations qui doivent être ainsi exécutées sont, en principe, toutes celles, mais celles seulement, qu'ont souhaitées les parties. [...]
[...] Cependant, le déséquilibre peut se faire pendant l'exécution du contrat. Quand le contrat s'échelonne sur une longue période voire sur une période à durée indéterminée des circonstances économiques ou monétaires imprévues postérieures à la conclusion du contrat peuvent bouleverser gravement l'équilibre initial des prestations au point de rendre l'exécution du contrat difficile ou plus onéreuse pour une des parties sans pour autant qu'elle soit impossible. Néanmoins, si les parties ont inséré une ou plusieurs clauses susceptibles de s'adapter aux circonstances, comme des clauses d'indexation, le contrat pourra être revu et le contrat sera donc rééquilibré. [...]
[...] D'autre part, la jurisprudence atténue la rigidité de certains arrêts en la matière. La Cour de cassation a considéré dans plusieurs arrêts que le refus de négociation du contractant profitant des circonstances économiques était contraire à la bonne foi. De ce fait, quand l'exécution d'un tel contrat devenait excessivement désavantageuse, la Cour suprême autorisait le paiement de dommages et intérêts. Par ailleurs, elle a donc admis dans un arrêt de la première chambre du 8 janvier 1980 la substitution au mode d'exécution prévu au contrat d'un autre mode, mieux approprié aux circonstances nouvelles. [...]
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