Lors de la cession d'un fonds de commerce, le cédant se trouve tenu, conformément à la loi, à une obligation de non-concurrence à l'égard du cessionnaire, en vertu de laquelle il ne peut se rétablir à proximité du fonds de commerce vendu. Parfois même, cette obligation de non-concurrence peut faire l'objet d'une clause spéciale introduite par les parties au sein du contrat ; on parle alors de clause de non-rétablissement. Si, originellement, cette dernière trouve sa validité soumise à une double limitation temporelle et spatiale, depuis un arrêt du 4 janvier 1994, la Cour de cassation a, par surcroît, posé une condition de proportionnalité pour l'appréciation de la validité de la clause de non-rétablissement au regard des principes généraux du droit des contrats.
Depuis lors, l'oeuvre prétorienne n'a cessé de s'étoffer en la matière, comme en témoigne le présent arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 17 décembre 2002, qui vient préciser les modalités de mise en oeuvre de ce critère de proportionnalité des clauses de non-concurrence.
En l'espèce, une actionnaire d'une société en nom collectif dans le domaine pharmaceutique avait cédé contractuellement, en date du 8 janvier 1990, 100 parts sociales qu'elle possédait dans ladite société commerciale au cessionnaire désigné par le contrat en cause. Étant précisé que les parties avaient consenti, en toute connaissance de cause, à l'introduction au sein de leur contrat d'une clause de non-rétablissement portant interdiction au cédant de se rétablir dans un rayon de 7,5 km à l'exclusion d'une pharmacie située à Biarritz.
L'exécution du contrat ayant donné naissance à un litige entre les deux parties au contrat, l'affaire se trouve dès lors portée, en première instance devant une juridiction compétente, avant qu'un appel du jugement ne soit interjeté devant la Cour d'appel de Pau. Laquelle, relevant la disproportion de la clause de non-rétablissement au regard de la finalité du contrat, notamment en ce qui concerne son ressort géographique, prononce sur ce fondement la nullité de la clause litigieuse.
[...] En revanche, depuis une décision de la Cour de cassation en date du 4 janvier 1994, une autre condition de l'appréciation de la validité des clauses de non-rétablissement a été posée : il s'agit de la condition de proportionnalité de la clause à l'objet du contrat. B La clause de non-rétablissement : l'exigence d'une proportionnalité par rapport à sa finalité sous peine de nullité En effet, depuis l'arrêt de cassation rendu en date du 4 janvier 1994, la licéité des clauses de non-concurrence se trouve astreinte au respect d'un critère de proportionnalité à l'égard de l'objet du contrat. [...]
[...] Non content de cette décision, rendue par la Cour d'appel de Pau dans un arrêt en date du 4 février 1999, le cessionnaire décide de porter l'affaire devant la haute juridiction, formant ainsi un pourvoi en cassation. À l'appui de ce pourvoi, il est fait grief à la Cour d'appel de Pau, d'avoir d'une part méconnu l'art du Code civil, en prononçant la nullité de la clause de non-rétablissement litigieuse à raison de son caractère excessif dans sa portée géographique, alors même que celle-ci répondait aux conditions de licéité, tant temporelle que spatiale inhérentes à sa validité, ainsi qu'au critère de proportionnalité par rapport à l'objet du contrat, dans la mesure où elle autorisait le cédant à exercer son activité professionnelle dans une pharmacie déterminée de Biarritz. [...]
[...] Toutefois, la Cour de cassation avait censuré leur décision au motif qu'ils n'avaient pas recherché si même limitée dans le temps et dans l'espace (la clause) n'était pas disproportionnée au regard de l'objet du contrat. Ainsi, le présent arrêt rendu en date du 17 décembre 2002, en annulant à raison de son caractère excessif dans sa portée géographique la clause de non-concurrence souscrite par les parties au contrat, semble naturellement s'inscrire dans la droite ligne de la jurisprudence antérieure. Néanmoins, une différence notable semble apparaître. [...]
[...] Plus encore, en raison de l'application stricte qu'il en est fait, aucune dérogation à l'interdiction spatiale et temporelle même posée au sein de ces clauses, ne semble suffisante a tempérer cette condition En d'autres termes, la condition de proportionnalité supplanterait la volonté même des parties au contrat, au point de se demander si cette exigence ne manifesterait-elle pas la bonne foi contractuelle ? A L'exploitation d'une officine à Biarritz : une entorse à la clause nettement négligeable au regard de la prééminence du critère de proportionnalité En effet, il ressort du cas d'espèce que l'argument avancé selon lequel la clause de non-rétablissement prévoyait expressément une autorisation spéciale à l'encontre du cédant, en vertu de laquelle ce dernier était autorisé à exercer son activité professionnelle au sein du périmètre interdit, dans une pharmacie déterminée à Biarritz, n'a visiblement pas été considéré par la haute juridiction comme suffisamment probant pour faire tomber le caractère excessif de la clause de non- concurrence dans sa portée géographique. [...]
[...] Dans le présent arrêt, le demandeur à l'action invoque à l'appui de son pourvoi que le cédant, en alléguant la nullité de la clause de non- rétablissement, aurait manqué à obligations de loyauté et de bonne foi contractuelles”, dans la mesure où il en avait lui-même défini les modalités et consenti toute connaissance de cause” à l'introduction de cette clause dans le contrat. À cet argument, la Cour de cassation répond par la négative, considérant cette allégation dépourvue d'éléments de preuve. [...]
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