Par un arrêt de cassation rendu le 8 mars 2011, la Chambre commerciale a redonné toute sa portée à la procédure de sauvegarde en s'opposant à toute restriction qui ne résulterait pas littéralement des conditions légales d'ouverture.
En l'espèce, la société Heart of La Défense (HOLD), dont le capital est entièrement détenu par une holding, la société Dame Luxembourg, a acquis, via une société civile immobilière, un ensemble immobilier. Afin de financer cette acquisition, la société HOLD a consenti auprès de la société Lehman Brothers Bankhaus AG deux prêts à taux variable, remboursable in fine, seuls étant remboursés jusqu'à la revente du bien immobilier les intérêts du prêt. Le prêteur a exigé, entre autres garanties, un nantissement des parts sociales de la société Dame Luxembourg avec pacte commissoire, et de la part de la société HOLD, une garantie de couverture du risque de variation du taux d'intérêt, risque assumé par les sociétés Lehman Brothers international et Lehman Brothers Inc. Dans le cadre d'une opération de titrisation, la créance du prêteur a été cédée au fonds commun de titrisation Windermere XII, dont la société Eurotitrisation est le gestionnaire. Les sociétés Lehman Brothers international et Lehman Brothers Inc. ayant fait l'objet de procédures collectives, la société Eurotitrisation a demandé un nouveau garant du risque de variation du taux d'intérêt. Les sociétés HOLD et Dame Luxembourg ont alors, chacune, sollicité l'ouverture d'une procédure de sauvegarde. Le tribunal de première instance a accueilli leur demande, et par jugement, a arrêté le plan de sauvegarde, rejetant la tierce opposition formée entre-temps par la société Eurotitrisation à l'encontre des jugements d'ouverture de la procédure. La Cour d'appel de Paris a toutefois déclaré cette dernière recevable et a rétracté les jugements ayant ouvert les procédures de sauvegarde des sociétés HOLD et Dame Luxembourg. Ces dernières ont alors formé un pourvoi en cassation. Elles reprochent ainsi à l'arrêt d'avoir déclaré recevable la tierce opposition formée par la société Eurotitrisation alors que la Cour d'appel n'a pas recherché si les arguments invoqués par cette dernière n'auraient pas pu être invoqués par n'importe quel autre créancier, comme elle aurait du le faire pour dire que la société disposait de moyens propres lui permettant de demander la tierce opposition (...)
[...] La société avait néanmoins fait savoir que la crise financière mondiale rendait impossible, à cette époque, la souscription d'un nouveau contrat de couverture en raison du coût important de l'opération. La Cour de cassation reproche à la Cour d'appel d'avoir méconnu l'objet du litige en se focalisant sur une exécution contractuelle plus onéreuse, en raison d'un surcoût lié à la souscription d'un nouveau contrat d'assurance. Or, la société HOLD a également indiqué que le surcoût était insurmontable et théorique, faute de marché. [...]
[...] Ainsi, il ne peut être reproché aux sociétés débitrices d'instrumentaliser la procédure de sauvegarde et de l'utiliser dès lors qu'elles en remplissent les conditions, c'est-à-dire lorsqu'elles rencontrent des difficultés qu'elles ne peuvent surmonter. II - Le critère unique de l'ouverture de la sauvegarde, les difficultés que le débiteur ne peut surmonter La Cour de cassation casse l'arrêt rendu par la Cour d'appel, à laquelle elle reproche de ne pas avoir suffisamment pris en compte les conclusions des sociétés débitrices démontrant l'existence de difficultés qu'elles ne pouvaient surmonter. [...]
[...] C'est pourquoi la Cour de cassation casse l'arrêt de la Cour d'appel qui a ajouté une condition à l'article L. 620-1, alinéa 1er, du Code de commerce qu'il ne contient pas. La Cour d'appel avait de plus, pour rétracter les jugements susvisés, considéré que l'activité de location de la société HOLD, dont la société Dame Luxembourg était l'associée unique, pouvait se poursuivre normalement, quelle que soit la composition de son actionnariat. Censure de la Cour de cassation qui considère qu'il y a violation de l'article L. [...]
[...] La Cour d'appel retient également, que la société HOLD a cherché à porter atteinte à la force obligatoire de la clause des contrats de prêt lui imposant une obligation de couverture répondant à certains critères de notation, et la société Dame Luxembourg à échapper à l'exécution du pacte commissoire. L'arrêt retient enfin que l'activité de location immobilière de la société HOLD pourrait se poursuivre normalement, quelle que soit la composition de son actionnariat. Dès lors, il conviendra de se demander dans quelle mesure la Chambre commerciale, par cet arrêt du 8 mars 2011, précise-t-elle les conditions d'ouverture d'une procédure de sauvegarde en s'opposant aux restrictions non contenues dans la loi. [...]
[...] La Chambre commerciale juge de plus, que la Cour d'appel a encore violé l'article L. 620-1, alinéa 1er, du Code de commerce en rétractant les jugements ayant ouvert la procédure de sauvegarde au motif que les sociétés HOLD et Dame Luxembourg avaient cherché à échapper à leurs obligations contractuelles, alors que l'ouverture d'une telle procédure ne peut être refusée au débiteur à ce motif s'il justifie par ailleurs de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter, le conduisant à la cessation des paiements. [...]
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