La distinction entre sociétés civiles et sociétés commerciales tient en deux points, deux aspects principaux, elle se fait dans un premier temps sur la forme, ainsi il existe les sociétés à forme civile tel la SCP et les sociétés à forme commerciale, telles la société anonyme entre autres. Dans un second temps, la distinction s'effectue sur l'objet de la société, ce second aspect s'avère être d'une influence capitale sur le premier. En effet, si une société à objet civil peut prendre une forme commerciale, l'inverse est impossible.
En l'espèce, une société civile d'exploitation agricole (SCEA) a pour objet social défini par les statuts « l'exploitation de la ferme de Tronchet qui sera prise à bail par la société ainsi que tous autres fonds ruraux qui pourront être pris à bail par la société, l'acquisition et l'exploitation de tous autres biens ruraux notamment par l'achat de maisons destinées au logement du personnel de la ferme et, généralement toutes les opérations mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement à l'objet précité, pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société ».
Lors d'une assemblée générale ordinaire du 15 mars 2004, il fut décidé de la restauration et du changement d'affection d'un bâtiment, faisant de celui-ci en une salle de réception en liaison avec l'activité hôtelière exercée parallèlement par la société pour financer son activité. Un premier associé choisit alors de contester cette décision devant le tribunal.
La décision de la Cour d'appel de Paris du 17 juin 2009 déclara nulle la décision de l'assemblée générale, alors deux associées représentant respectivement 47,5 et 5% du capital social se pourvurent en cassation devant la chambre commerciale au moyen selon lequel, aux termes de l'article L311-1 du Code rural, toutes activités exercées par un exploitant agricole dans la poursuite de son acte de production ou qui soit supportées par son exploitation, qui soient des actes de manufacture, de location ou de services (tels qu'ils sont réputés par le Code commerce comme des actes commerciaux), sont réputés civiles, qu'ainsi, en annulant la décision ordinaire, la cour d'appel n'a pas su reconnaitre le caractère civil de l'activité hôtelière exercé par la SCEA (...)
[...] En effet cette activité doit impérativement être accessoire, au risque de voir la société devenir alors commerciale. C'est de ce point donc découle la majeure partie, si ce n'est la substance même de la décision et de sa conséquence, puisque, il s'agit alors de savoir si l'objet principal l'activité de la SCEA est bien l'exploitation agricole, et si ce n'est pas l'activité hôtelière qui plutôt, devient le support de ce qui devrait l'être. B Une activité prépondérante de la SCEA Il découle de l'argumentation de la SCEA que c'est la place de l'activité économique dans l'action générale de la société qui déterminera la validité de la décision prise en assemblée générale ordinaire, de la violation, ou non, de l'objet statutaire de la personne morale. [...]
[...] Exercer une activité commerciale pour une société civile peut être très dangereux, d'un point de vue fiscal, elle doit être soumise à l'impôt sur les sociétés, il est alors possible pour l'Etat, comme le soulève le professeur Maurice Cozian, de soumettre la société en l'espèce à de sévères rappels d'impositions Le caractère civil de la SCEA qui se pourvoit en l'espèce ne semble être qu'une simple mention sur les statuts, ou sans doute la traduction d'une volonté à l'origine de la création de la société, mais en aucun cas une réalité au moment des faits. Il s'agit alors pour les associés de choisir entre l'abandon de toute activité hôtelière de façon à recouvrir la réalité de sa nature civile, et l'actualisation des statuts par leur modification à l'unanimité en assemblée générale extraordinaire. Si la Cour de cassation ouvre la voie par sa formulation plus qu'explicite, il en reste que ce n'est pas moins aux associés d'agir en conséquence. [...]
[...] Que, qui plus est, elle en permet la rentabilisation, celle-ci permettant la meilleure poursuite de l'objet social. Il s'agissait alors pour le juge de cassation de savoir si, en l'espèce, le changement d'affection du bâtiment ne violait pas l'objet statutaire de la SCEA, si l'activité hôtelière exercée n'imposait pas une modification des statuts. La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans une décision rendue le 13 juillet 2010 confirma la décision de la Cour d'appel, estimant que l'objet statutaire exclusivement agricole régressé au profit d'une activité hôtelière sans rapport, que la décision ordinaire réaffectant un bâtiment à des fins hôtelières violait par conséquent les statuts, que la nullité prononcée en deuxième instance s'en trouvait fondée. [...]
[...] Dans un premier temps, elle rattache l'activité hôtelière aux dispositions des statuts, expliquant que la restauration et l'aménagement de bâtiments agricoles non utilisés pour l'exploitation des terres ; qui permet à l'exploitant agricole d'assurer la conservation desdits bâtiments en les rentabilisant, correspond à l'objet social en ce qu'ils assurent l'exploitation des bien ruraux La décision donc de changement d'affectation du bâtiment servirait donc de support de la SCEA, en ce qu'elle lui permettrait l'exploitation et la conservation du bien immeuble qui ne serait pas lié directement à l'activité agricole. C'est en tout cas ce que semble défendre la société. [...]
[...] L'objet social dispose expressément de l'importance du caractère civil de la société excluant par conséquent toutes activités qui, de par leur ampleur, ferait de cette société une société commerciale. Ici encore, les statuts se trouvent être violés par la décision du 15 mars 2004, mais à en croire l'expertise fournie, bien avant déjà. L'activité hôtelière de la société représente les deux tiers de son chiffre d'affaire et à progressivement pris une place prépondérante dans toute l'action sociale. La Cour de cassation choisit donc d'annuler la décision en ce qu'elle viole les statuts, plus particulièrement l'objet social, mais choisit une formulation particulière, une formulation qui va remettre en question la nature même de la société. [...]
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