Signe d'une volonté d'oeuvrer en commun, la participation à une société peut néanmoins donner lieu à des dissensions entre les partenaires installant la mésentente. La question se pose alors soit de maintenir la société, soit de la faire disparaître. Les rédacteurs du Code civil avaient envisagé plusieurs hypothèses de dissolution et ont ouvert aux associés la possibilité de mettre en oeuvre la dissolution pour un juste motif. C'est sous le couvert de ce juste motif que les tribunaux ont été amenés à résoudre les difficultés nées de la « mésintelligence » entre associés jusqu'à la réforme du 4 juillet 1978 (...)
[...] Commentaire de l'arrêt de la CA Toulouse, 2ème chambre, 2ème section du 10 juin 1999, Laroque et a. Theil et a. L'arrêt rendu par la CA de Toulouse du 10 juin 1999 fait une application de la jurisprudence constante de la Cour de cassation sur deux points qui continuent pourtant à alimenter le contentieux: la dissolution judiciaire anticipée, l'exclusion judiciaire de l'associé, auteur de la demande en dissolution. Des minoritaires, les consorts Laroque, ont demandé la dissolution de la SARL du Moulin Breland pour mésentente, tandis que le majoritaires, les consorts Theil et Ardourel, contestent que les conditions de cette dissolution soient réunies et répliquent en demandant reconventionnellement le rachat des actions de minoritaires. [...]
[...] Les fondements du défaut de pouvoir d'exclusion du juge: Le principe de l'interdiction faite au juge d'exclure un associé repose sur plusieurs fondements. Tout d'abord sur le droit propre de tout actionnaire à rester associé dégagé par Thaller, qui considérait qu'un associé a un droit propre à ne pas être exclu de la société quand les autres y restaient du moins ajoutait-il, sans compensation Les partisans d'une conception contractuelle de la société ne peuvent qu'être satisfaits d'une telle solution consacrant le droit fondamental pour l'associé de le demeurer quoi qu'il arrive. [...]
[...] De même, cette solution serait conforme à l'évolution générale du rôle dévolu au juge dans le droit de sociétés: il ne semble pas inenvisageable de laisser au juge le soin d'apprécier la pertinence de l'exclusion judiciaire à l'aune de l'intérêt social. L'exclusion judiciaire se présenterait alors comme un remède à un risque de disparition de la société et un substitut à la dissolution. L'intérêt social pourrait fonder cette mesure d'exclusion qui, sous le contrôle du juge, s'imposerait pour sauver la société de la disparition. [...]
[...] En l'espèce, la CA s'est bien attachée à mettre en évidence l'existence d'une mésentente qui s'est installée entre les associés dans le courant de l'année 1995 et qui a pour objet un désaccord entre les cogérants sur la gestion de la société, et plus particulièrement sur des contrats d'entretien de la centrale et d'exécution des travaux. Cette mésentente n'est d'ailleurs contestée par aucune partie et est qualifiée de grave et persistante. Pour autant la mésentente ne peut être considérée à elle seule comme une cause légitime de dissolution, dès lors qu'elle n'aboutit pas à paralyser le fonctionnement de l'entreprise. La paralysie de la société, condition nécessaire de la dissolution anticipée: Dès le siècle dernier, les tribunaux ont considéré que la mésintelligence à elle seule ne suffisait pas pour anéantir la personne morale. [...]
[...] Ce faisant les tribunaux faisaient prévaloir l'intérêt spécifique de la société sur le droit individuel de l'associé d'obtenir la dissolution anticipée. En consacrant la dissolution anticipée de la société à la demande d'un associé en cas de mésentente, l'article 1844-7, 5ème n'a retenu qu'un seul des deux critères jurisprudentiels: la paralysie du fonctionnement de la société. Dès lors, ce qui est déterminant pour faire droit à une demande de dissolution judiciaire c'est moins l'existence de la mésentente, que le blocage de la société qui en découle: seule la mise en péril de la société légitime la dissolution judiciaire. [...]
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